L’agonie d’un mythe
Par Anouar Macta – Il est des fins d’empire qui se murmurent. D’autres qui s’annoncent avec fracas. Dans le cas d’Israël, c’est un râle. Long, violent, dément, comme celui d’un corps qui refuse l’évidence : sa propre agonie. Car oui, l’Etat sioniste est en train de mourir. Non pas militairement, mais moralement, historiquement, stratégiquement. Son crédit symbolique est épuisé. Sa façade démocratique est fendue. Sa prétention à la modernité, à la start-up nation de la région, à la Silicon Valley de l’Orient, s’effondre dans les flammes de Gaza et le sang des enfants.
Les jours de cet Etat sont comptés. Et les signes ne trompent pas.
Quand d’éminents intellectuels juifs occidentaux déclarent avoir «honte d’être juifs», quand d’anciens ministres israéliens dénoncent un génocide en cours, ce n’est pas un simple débat, c’est un basculement du récit. C’est la fin d’un mensonge. C’est la voix des justes, à nouveau, contre l’impunité. Et c’est, surtout, le début d’une rupture mondiale avec le projet sioniste dans sa version coloniale, militarisée, théocratisée.
Israël croyait pouvoir devenir un hub financier et technologique régional, nourri des capitaux du Golfe, connecté à l’Occident par la fibre, la sécurité et la spéculation. Mais la violence qu’il déchaîne aujourd’hui a tué ce rêve dans l’œuf. Car aucune économie ne prospère dans un théâtre de guerre. Aucun fonds souverain n’investit durablement là où il pleut des missiles. Aucune «normalisation» ne tient quand l’odeur des charniers remonte aux salons climatisés d’Abu Dhabi.
C’est que la greffe n’a pas pris. Israël n’a jamais été un corps de la région. Il a été une excroissance occidentale greffée au monde arabe, une anomalie géopolitique dont le rejet n’était qu’une question de temps. C’était une faute historique : implanter un peuple, après 3 000 ans d’absence, au cœur d’un tissu millénaire déjà habité. Et c’était une injustice radicale : faire payer aux Palestiniens les crimes de l’Europe, eux qui n’étaient ni nazis, ni complices, ni bourreaux.
Le sionisme d’Etat n’a pas apporté la paix, ni la sécurité. Il a apporté le mur, le blocus, l’apartheid, le ressentiment et, aujourd’hui, le massacre. Et, contrairement à ce qu’il croyait, ce n’est pas la fragmentation du monde arabe qui lui offrira la survie, car diviser ne suffit pas à régner. Les tribus ne font pas des Etats. Les émirats ne font pas des civilisations. Et les alliances de circonstance ne font pas de la légitimité.
Un pays ne peut exister durablement en méprisant ses voisins, en terrorisant les peuples qui l’entourent et en imaginant être reconnu par ceux qu’il anéantit. C’est vouloir chasser l’obscurité avec un bâton : absurde, vain, désespéré.
Israël a cru que son avenir résidait dans la guerre permanente, dans l’obsession sécuritaire, dans la supériorité technologique. Mais, aujourd’hui, c’est une évidence : ce qu’il vit, ce n’est pas une puissance en action, c’est l’agonie d’un mythe. L’histoire le montre : l’injustice ne paie jamais. Elle reporte. Elle accumule. Puis, un jour, elle frappe. A la porte. A l’âme. A la mémoire. Car tout se paie.
Israël, aujourd’hui, paie l’arrogance de ses fondateurs, l’impunité offerte par l’Occident, l’humiliation infligée au monde arabe. Il paie pour avoir cru que la force brute remplace le droit. Il paie pour avoir fait de l’autre un obstacle, et non un voisin. Il paie pour avoir cru que les peuples s’oublient, se soumettent, se résignent.
Mais Israël n’est pas seul à devoir payer. Ceux qui l’ont soutenu, couvé, armé, financé, cautionné devront aussi répondre. L’histoire est une prophétesse sévère, elle punit tous les complices, même ceux qui détournent le regard.
Israël a été un rêve. Pour certains, un rêve d’asile. Pour d’autres, un rêve d’empire. Mais ce rêve est mort. Et le réveil sera brutal.
A. M.
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