Accords d’Abraham, terrorisme recyclé et remodelage régional : l’Algérie ciblée
Par Mohamed El-Maadi – Depuis plus de deux décennies, les conflits du Moyen-Orient ont été façonnés, non pas tant par des dynamiques internes, que par une ingénierie étrangère froide et cynique. Ce n’est plus un secret : les groupes terroristes que l’on croyait ennemis jurés de l’Occident sont, en réalité, souvent des instruments dociles aux mains d’agences et de puissances qui prétendent les combattre. A mesure que les lignes bougent, des figures comme Abou Mohamed Al-Joulani, jadis classé terroriste, se voient désormais recyclées en leaders potentiels, adoubés par certains cercles occidentaux, en particulier américains.
Ce repositionnement s’inscrit dans une recomposition stratégique majeure, celle des Accords d’Abraham, présentés comme une «paix» entre Israël et certains Etats arabes, mais qui masquent une opération autrement plus dangereuse : la marginalisation méthodique de la question palestinienne au profit d’un nouvel ordre régional où le facteur religieux est instrumentalisé, et où les groupes islamistes sont reformatés pour jouer un rôle politique utile. L’objectif final : intégrer Israël dans l’environnement arabe sans qu’il ait à faire la paix avec les Palestiniens.
Al-Joulani n’est pas une anomalie, mais le produit d’un système façonné dans les laboratoires de la guerre hybride : radicalisé, médiatisé, puis blanchi. A travers lui, on prépare une Syrie «nouvelle», édentée, communautarisée, intégrée aux plans américains et israéliens. Mais la logique ne s’arrête pas là : le précédent syrien risque de se reproduire ailleurs. Et l’Algérie, pays encore debout mais surveillé de près, semble désormais dans la ligne de mire.
L’Algérie : prochaine cible du remodelage régional ?
L’histoire récente de l’Algérie montre à quel point le pays a résisté aux tentatives de fragmentation et de déstabilisation. Pourtant, les signaux se multiplient : relance des réseaux islamistes en diaspora, campagnes de dénigrement dans certains médias étrangers, réactivation de figures liées aux réseaux FIS à Washington. Tout semble indiquer une volonté de rallumer les braises dormantes.
Avec la réhabilitation de figures comme Al-Joulani et le glissement assumé des Etats-Unis vers un soutien indirect aux islamistes modérés (comprendre : utiles), le retour de ces groupes en Afrique du Nord n’est plus une hypothèse, mais une stratégie en cours. L’Algérie, par sa position centrale, ses ressources et sa posture souverainiste, dérange les nouveaux architectes de l’ordre régional. Elle représente un obstacle à l’expansion silencieuse des Accords d’Abraham et, surtout, à la normalisation sans conditions d’Israël.
Accords d’Abraham : la supercherie géopolitique
Contrairement à ce qu’affirment leurs promoteurs, les Accords d’Abraham ne sont ni des accords de paix, ni des avancées historiques. Ils sont un contournement habile du consensus arabe de 2002, qui conditionnait toute normalisation à la fin de l’occupation. En intégrant des régimes autoritaires et des Etats fragiles dans une alliance économique et sécuritaire avec Tel-Aviv, Washington enterre la centralité de la cause palestinienne, relègue les peuples au second plan, et construit une paix sans justice.
Dans cette dynamique, la manipulation du terrorisme devient une arme géopolitique de premier ordre. On fait émerger des menaces pour justifier des interventions, puis on redirige ces menaces contre les Etats qui refusent de se soumettre à cette pax israélo-américaine. L’Algérie, qui n’a jamais reconnu Israël et continue de soutenir sans réserve les droits du peuple palestinien, est dans ce contexte une anomalie géopolitique à corriger.
Vigilance et souveraineté
Le monde arabe vit une inflexion historique : l’ennemi d’hier devient partenaire, et la cause de toujours devient une nuisance diplomatique. A travers des figures comme Robert Ford ou Al-Joulani se dessine un projet plus vaste de remodelage régional où les Etats qui résistent à la normalisation deviennent des cibles.
L’Algérie doit plus que jamais rester vigilante, renforcer ses alliances stratégiques, mais surtout refuser toute illusion : les nouveaux visages du terrorisme ne sont que les masques d’une stratégie impériale toujours en marche, où l’instabilité reste l’arme favorite des puissants.
M. E.-M.
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