Ne pas achever le port d’El-Hamdania offrirait aux voisins le fruit d’un travail que l’Algérie a entamé
Une contribution de Sid-Ali Mokhefi – L’Algérie ne peut plus se permettre de laisser s’éteindre un projet aussi stratégique que le port d’El-Hamdania, à Cherchell. Ce chantier, pourtant mûri depuis des années, devait faire émerger un véritable hub maritime méditerranéen, capable de repositionner le pays sur l’axe Europe-Afrique. L’abandon du partenariat chinois a stoppé l’élan, mais il ne doit pas enterrer l’ambition.
Les études sont là. Les premiers travaux sont amorcés. Le site est stratégique. Ce que l’Algérie doit faire aujourd’hui, ce n’est pas enterrer El-Hamdania, mais le réinventer intelligemment, en l’ouvrant à un modèle plus intégré, plus productif, plus algérien. Il est temps de penser El-Hamdania autrement. Ne plus en faire un simple quai pour conteneurs, mais une zone économique multifonctionnelle, où se croisent logistique moderne, transformation agroalimentaire, formation technique et énergie propre. A moins de 100 km des riches terres agricoles de Blida, Tipasa et Chlef, et connecté demain au Sud par le rail jusqu’à Tamanrasset, ce port peut devenir un poumon économique régional capable d’absorber, de transformer et d’exporter nos produits.
Cela suppose d’y intégrer un pôle logistique de nouvelle génération (entrepôts, plateformes de déchargement et de rechargement rapides, chaînes de froid), une zone industrielle agroalimentaire valorisant la production locale et saharienne, un centre de formation aux métiers portuaires, logistiques et techniques, ainsi que des infrastructures solaires pour garantir autonomie énergétique et durabilité.
L’un des grands avantages de ce modèle est que sa mise en œuvre ne nécessite pas exclusivement des compétences ou équipements étrangers. Pour la construction des plateformes logistiques et des chaînes de froid, l’Algérie dispose déjà de savoir-faire nationaux reconnus. De nombreuses entreprises privées locales maîtrisent ces domaines et peuvent être mobilisées rapidement. Ce choix de mobilisation interne permettrait non seulement de réduire les coûts et délais mais, surtout, de créer des milliers d’emplois qualifiés dans le bâtiment, la réfrigération industrielle, la manutention et la logistique. L’opportunité est immédiate : renforcer le tissu économique national tout en assurant l’ancrage territorial du projet.
Ce redéploiement s’appuie sur les études existantes et peut être réalisé en partenariat public-privé avec 51% d’actionnariat national. L’Etat ne porte pas seul le poids de l’investissement, mais garde le contrôle stratégique. La création d’une société de projet mixte, dotée d’un mandat clair et d’un calendrier opérationnel, permettra de lancer rapidement la première tranche : quais, entrepôts, chaîne de froid et centre de formation. Chaque infrastructure construite doit avoir sa contrepartie humaine : un jeune formé, un emploi local, un métier d’avenir. Le chantier d’El-Hamdania peut devenir le plus grand programme de formation appliquée du pays dans la logistique, l’industrie, l’agroalimentaire et l’énergie solaire. Il peut aussi constituer une vitrine de souveraineté productive, en conjuguant l’expertise locale et les besoins d’un avenir durable.
A l’heure où l’Algérie dépense chaque année des milliards en importations alimentaires ou en fret international, il faut plutôt mobiliser 970 millions de dollars sur 5 à 7 ans pour construire un hub intégré, c’est une décision rationnelle. Chaque dollar investi à El-Hamdania revient à bâtir une Algérie plus autonome, plus qualifiée, plus compétitive.
L’Etat doit désormais trancher. Officiellement relancer le projet en l’adaptant. Lancer un appel national et international ouvert, sans exclusivité. Créer une autorité dédiée, indépendante et compétente. Offrir un cadre fiscal et juridique adapté. Et surtout : afficher une volonté présidentielle claire.
Ne pas achever El-Hamdania, c’est offrir à nos voisins les fruits d’un travail que nous avons entamé. C’est envoyer aux investisseurs et à notre jeunesse le signal que l’ambition n’a pas sa place ici. Construire El-Hamdania comme un hub intégré et productif, c’est, au contraire, transformer un abandon en victoire, et inscrire une nouvelle page de souveraineté économique, au cœur de la Méditerranée.
S.-A. M.
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