L’Algérie accuse la France de nier sa responsabilité dans la dégradation des relations entre les deux pays
Les autorités algériennes ont examiné avec beaucoup d’attention la lettre adressée par le président français à son Premier ministre, ainsi que les explications fournies le 7 août courant au Chargé d’affaires de l’ambassade d’Algérie en France par le Quai d’Orsay, indique jeudi un communiqué du ministère des Affaires étrangères.
«Les autorités algériennes ont examiné avec beaucoup d’attention la lettre adressée par le président français à son Premier ministre, ainsi que les explications fournies le 7 août courant au Chargé d’affaires de l’ambassade d’Algérie en France par le Quai d’Orsay», note la même source, précisant que «l’examen de ladite lettre et des explications qui l’ont accompagnée autorisent des observations préalables importantes».
«En tout premier lieu, et s’agissant de la dégradation des rapports algéro-français, cette lettre exonère la France de l’intégralité de ses responsabilités et fait porter tous les torts à la partie algérienne. Rien n’est plus loin de la vérité et de la réalité. Dans toutes ses phases, la crise actuelle a régulièrement donné lieu à des communiqués officiels du ministère algérien des Affaires étrangères. Ces communiqués ont systématiquement établi les responsabilités dans l’escalade et révèlent que les réactions et les contre-mesures que les autorités algériennes ont pu adopter s’inscrivaient strictement et rigoureusement dans le cadre de l’application du principe de réciprocité», relève le communiqué.
«En deuxième lieu, la lettre s’emploie à projeter de la France l’image d’un pays hautement soucieux du respect de ses obligations bilatérales et internationales et de l’Algérie celle d’un Etat en violation continue des siennes. Là également rien n’est plus éloigné de la vérité et de la réalité. En l’espèce, c’est la France qui a contrevenu à sa propre législation interne. C’est la France, également, qui a manqué au respect de ses engagements au triple titre de l’accord algéro-français de 1968 relatif à la circulation, à l’emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, de la convention consulaire algéro-française de 1974 et de l’accord algéro-français de 2013 relatif à l’exemption des visas pour les détenteurs de passeports diplomatiques et de service. C’est la France, en outre, qui s’est donné pour seule et unique objet de fixation l’accord algéro-français de 1994 relatif à la réadmission des ressortissants algériens vivants en situation irrégulière en France, accord dont elle a dénaturé la raison d’être et détourné les objectifs véritables. C’est la France, enfin, qui s’est affranchie de ses devoirs contractés au titre de la convention européenne des droits de l’homme de 1950».
«L’ensemble de ces manquements français n’ont eu pour but que de passer outre le respect des droits acquis des ressortissants algériens éloignés souvent arbitrairement et abusivement du territoire français, leur privation des possibilités de recours administratifs et judiciaires que leur garantit pourtant la législation française elle-même et de vider de tout contenu le devoir de protection consulaire de l’Etat algérien à l’égard de ses ressortissants en tous lieux et en tout temps», souligne le communiqué.
«En troisième lieu, la France, dès la survenance de cette crise de son propre fait, a posé sa gestion en termes de rapports de force. C’est elle qui a procédé par injonctions, ultimatums et sommations. C’était ignorer, bien légèrement, que l’Algérie ne cède pas à la pression, à la menace et au chantage quels qu’ils soient. Ce sont ces constats qui dictent aujourd’hui la réponse algérienne à la lettre adressée par le chef d’Etat français au chef de son exécutif».
«L’Algérie tient à rappeler, une fois de plus, qu’elle n’a été historiquement à l’origine d’aucune demande de conclusion d’un accord bilatéral d’exemption de visas au profit des titulaires de passeports diplomatiques et de service. A maintes reprises, c’est la France, et elle seule, qui a été à l’origine d’une telle demande. En décidant la suspension de cet accord, la France offre à l’Algérie l’opportunité idoine d’annoncer, quant à elle, la dénonciation pure et simple de ce même accord. Conformément aux dispositions de l’article 08 dudit accord, le gouvernement algérien notifiera incessamment au gouvernement français cette dénonciation par la voie diplomatique».
«Désormais, les visas qui seront accordés aux titulaires français de passeports diplomatiques et de service obéiront, en tous points, aux mêmes conditions que celles que la partie française imposera à leurs homologues algériens».
«En relation avec l’annonce de la réactivation du levier visa-réadmission, le gouvernement algérien tient à constater que ce levier est en flagrante violation de l’accord algéro-français de 1968 et de la convention européenne des droits de l’homme de 1950. La protection consulaire de l’Algérie à l’égard de ses ressortissants en France sera sans faille. Elle les aidera à faire valoir leurs droits et à faire respecter tout ce que les législations française et européenne leur garantissent comme défense contre l’abus et l’arbitraire».
«La lettre du chef de l’Etat français à son Premier ministre fait une présentation biaisée de la problématique des accréditations du personnel diplomatique et consulaire dans les deux pays. Depuis plus de deux années, c’est la France qui a pris l’initiative de ne pas accorder les accréditations en question au personnel consulaire algérien, dont trois consuls généraux et cinq consuls. A ce sujet, comme dans d’autres, l’Algérie n’a fait qu’appliquer le principe de réciprocité. Dès lors que les entraves françaises seront levées, l’Algérie répondra par des mesures similaires. Cette position a été déjà notifiée aux autorités françaises, elle demeure en vigueur», précise-t-on.
Dans ses dispositions finales, la lettre du chef de l’Etat français à son Premier ministre énumère un certain nombre de contentieux bilatéraux devant faire l’objet d’une recherche de règlements. L’Algérie entend, elle-aussi, saisir, par la voie diplomatique, la partie française d’autres contentieux devant faire l’objet d’une même recherche de règlements», conclut le communiqué.
R. N.
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