Contribution de Youcef Benzatat – L’intervention russe en Syrie entre échec du plan du GMO et chaos

Le plan du Grand Moyen-Orient (GMO) n’est pas un mot d’esprit comme le suggèrent les médias mensonges et corrompus de l’alliance impérialo-sioniste, ni une «théorie du complot» comme ne cessent de le marteler les Américains dans leur stratégie de propagande pour manipuler les masses occidentales, sous couvert d’un plan d’aide aux peuples de la région pour les débarrasser de la dictature au profit de régimes démocratiques. Le plan du GMO est une offensive de recolonisation impérialo-sioniste qui vise à la domination d’une région plus vaste encore que ce qui est convenu d’appeler le Moyen-Orient. Tous les Etats qui ceinturent les puissances de la région, y compris l’Afrique, y sont inclus. Ce sont les puissances régionales émancipées de la tutelle impérialiste qui sont l’objet de cet encerclement. Notamment l’Inde, la Chine et la Russie, qui sont en même temps les principaux acteurs de l’organisation des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), qui se sont regroupés en entité économique autonome pour lutter ensemble contre la mondialisation ultralibérale imposée par les Américains et leurs alliés. Une vaste région du globe qui va jusqu’en Ukraine. Il s’agit en fait d’une reconfiguration du conflit est-ouest, en passant de l’opposition du monde communiste au monde libéral à une nouvelle forme d’opposition entre bloc ultralibéral et totalitaire contre le reste du monde qui lutte pour sa souveraineté économico-politique. Les principaux acteurs de cette nouvelle forme de totalitarisme, dont le centre de commandement se trouve entre l’Otan et l’état-major de l’armée américaine, exercent un chantage permanent sur les Etats «faibles» pour en faire des alliés potentiels. Dans la région du Moyen-Orient à proprement parler, au-delà de l’Etat sioniste qui est partie intégrante de cette nouvelle forme de totalitarisme, s’y sont associés la Turquie islamiste d’Erdogan, les monarchies arabes, dont l’Arabie Saoudite, les émirats du Golfe et enfin le royaume du Maroc. Chacun des alliés à la puissance impérialiste américaine aux manœuvres vise des dividendes appropriés à ses intérêts. L’entité sioniste, après avoir annulé les accords d’Oslo, vise à atteindre son objectif du grand Israël en achevant la colonisation totale de la Palestine et du Golan syrien et enterrer définitivement la question du retour des réfugiés palestiniens. La Turquie islamiste ne vise pas moins son intégration à l’Europe et à faire taire la revendication du PKK kurde. Le Maroc de son côté vise lui aussi un soutien pour l’enterrement de la revendication du peuple sahraoui pour son autodétermination. Les monarchies du Golfe, à leur tête l’Arabie Saoudite, dans une propension démesurée et anachronique, visent au statut d’empire régional par l’exportation massive de leur idéologie wahhabite à coup de financement des mouvements islamistes des différents pays de la région jusqu’à l’Afrique continentale. La stratégie du plan du GMO consiste en la refondation géopolitique et territoriale de la région pour répondre à l’objectif visé. Jusqu’à l’intervention de la Russie en Syrie, cette stratégie consistait à renverser les dictatures pour ensuite semer le chaos par djihadistes interposés, que l’empire, assisté des monarchies alliées arabes, finançait et surarmait en abondance. Il fallait parvenir à démembrer les Etats en petits territoires pour empêcher toute puissance locale d’émerger et instaurer des régimes croupions, facilement maniables et perméables à la corruption, en servant tout autant les intérêts d’Israël, des monarchies arabes et d’être entièrement dépendant de la cause impérialiste, dépourvus de souveraineté, sous la forme d’une recolonisation. Les Etats ayant déjà fait les frais de cette stratégie sont aujourd’hui au stade de décomposition, tels que l’Afghanistan, l’Irak, la Syrie, la Libye, le Yémen, sans nommer les nombreux Etats d’Afrique subsaharienne qui sont en train de subir eux aussi les affres des groupes djihadistes. Pour tous ces Etats, toute solution qui se présente pour une transition pacifique dans l’unité nationale est systématiquement sabotée par l’empire et ses alliés. La Tunisie ne connaît qu’un calme relatif et un semblant de transition démocratique, tout en restant très vulnérable et pouvant être emportée par un débordement du chaos qui règne en Libye à tout moment. L’Algérie et l’Iran, qui ont joué jusqu’à là un rôle de ralentisseurs à la fulgurance de cette stratégie, continuent à résister sous une pression étouffante venant de toute part. L’embargo et la menace d’agression permanente auquels était soumis l’Iran sous prétexte de sa violation du moratoire sur la prolifération des armes non conventionnelles, la manipulation de l’islam politique subversif et des séparatistes berbéristes pour semer le chaos en Algérie se sont avérés insuffisants à l’empire pour déstabiliser ces deux Etats. Il lui a fallu monter de toutes pièces une stratégie de chute significative du prix des hydrocarbures avec ses alliés du Golfe, dont l’économie de ces deux Etats est tributaire, pour pouvoir les affaiblir, en même temps que d'affaiblir la Russie en tant qu'obstacle à leur visée hégémonique. En effet, la situation est devenue explosive et les tensions exacerbées à cause de cette chute des prix des hydrocarbures, du moins en Algérie, et cela au moment où la crise politique est à son paroxysme du fait de la vacance du pouvoir. C’est à ce moment crucial où tout semblait s’effondrer et que la stratégie de l’empire allait toucher à son objectif, au moment où les derniers bastions qui lui résistent allaient s’écrouler, au moment où les djihadistes étaient parvenus à la porte de Damas, qui auraient menacé directement l’Iran et le Liban, que Poutine décide d’entrer en action. L’interprétation de cette intervention de la Russie en Syrie contre l’Etat Islamique, sous le seul prisme du soutien au régime de Bachar Al-Assad par les médias de l’empire, malgré sa justesse, puisque s’attaquant à la plus grande organisation terroriste dans le monde, ne pouvait dissimuler son impact, qui a résonné comme un coup de tonnerre au cœur de l’empire et dans les chancelleries de ses alliés israéliens, turcs et celles des monarchies du Golfe. D’autant que cette initiative de la Russie sera suivie par une volonté d’armement intensif de l’Algérie et de l’Iran simultanément. Il est fait état d’une négociation de vente d’une centaine d’avions de combat à l’Iran par la Russie en même temps que l’Algérie ne cesse d’acquérir des armes russes de dernière génération. De son côté, la Chine n’est pas en reste et son soutien à l’intervention russe en Syrie est très actif. Rien ne dit que l’engagement de la Russie aux côtés de ces trois pays visés par le plan du GMO ne sera pas rejoint par ses alliés, pour s’étendre dans un proche avenir aux différents Etats de la région en décomposition avancée et se solder par un véritable plan anti-GMO ! Un signe avant-coureur semble déjà avoir affecté la France, après avoir constaté que les conséquences de la manipulation de l’EI étaient imprévisibles et qu’elles pouvaient constituer une véritable menace sur sa sécurité. Le fait que la France semble avoir changé de fusil d’épaule, en se solidarisant avec l’intervention russe en Syrie pour lutter ensemble contre l'EI, pourrait être le début de l'échec du plan diabolique du GMO, comme cela pourrait déboucher sur une déflagration généralisée aux conséquences tragiques sur la paix dans le monde. Prions pour que la prophétie d'Hannah Arendt, pour qui le totalitarisme ne peut vivre que par une idée de mouvement qui se reproduit sans cesse et qui s’accélère indéfiniment, au point que dans l’histoire du totalitarisme, plus la guerre risque d’être perdue par les dictateurs plus son exaspération et son accélération s’intensifient, ne puisse se réaliser.
Youcef Benzatat
 

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