Mouloud Feraoun, entre appropriation de la langue du colonisateur et attachement à la patrie

L'appropriation de langue française, l'ouverture sur la culture occidentale et la lutte contre le colonialisme étaient, vendredi à Alger, au cœur du colloque international consacré à l'écrivain Mouloud Feraoun. Lors de ce colloque de trois jours organisé à la Bibliothèque nationale d'Algérie, M. Satoshi Udo, chercheur à la Société japonaise pour la promotion des sciences, a établi une comparaison entre les auteurs japonais et algériens «de formation occidentale qui ont institué une littérature nationale en langue étrangère». S'appuyant sur l'exemple de Mouloud Feraoun et Sôseki Natsume (fondateur de la littérature japonaise moderne disparu en 1916), M. Udo a tenté de faire ressortir la «différence du regard porté» sur ces auteurs dans leurs pays respectifs, en raison de leur ouverture sur la culture occidentale. «La formation de Feraoun et son rapport humaniste ne devrait pas être perçu comme un besoin assimilationiste, ni considéré comme trahison», a-t-il dit, affirmant qu'«au Japon les auteurs de ce courant (humaniste) sont très respectés».
Rebondissant sur cette comparaison, l'universitaire Sabéha Benmansour est revenue sur l'ancrage des écrivains francophones, comme Mohamed Dib et Mouloud Feraoun, et de leurs écrits dans l'Algérie profonde, pour démontrer que « leur attachement à la patrie et à la cause nationale est resté intact et ce, au delà de la langue d'expression» de ces romanciers. Cet ancrage et leur rapport à l'algérianité mis en avant par les deux auteurs dans leurs œuvres représentent pour l'universitaire «une manière (sans équivoque) de faire parler un monde que les armes ont refoulé au profit d'un autre». «L'attachement des deux écrivains à leurs régions respectives est une écriture de soi qui pousse le lecteur à voir ce que l'on refuse de montrer (…) et bien qu'écrits en français ces oeuvres regorgent de codes enfouis dans la mémoire collectives algériennes et qui constituent des portes sur l'Algérie profonde», a développé Sabéha Benmansour dans son exposé. De son côté, Jaques Girault, professeur d'histoire, est revenu sur cette confusion entretenue entre appropriation et «besoin assimilationniste», en reconnaissant, lui même, qu'il avait été surpris en découvrant l'engagement et le sacrifice de Feraoun : «Le rapport sur l'attentat (contre Feraoun) du 15 mars 1962, a-t-il dit, m'a ouvert les yeux.» Le colloque organisé par le CNRPAH (Centre national de recherche préhistorique, anthropologique et historique), réuni de nombreux conférenciers mais aussi des témoins de la vie et du romancier, assassiné par l'OAS (Organisation de l'armée secrète) à quelques jours du cessez-le-feu entre l'ALN (Armée de libération nationale) et l'armée d'occupation française.
Agence

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