C’est nous qui louchons

Un ami m’a appelé, estomaqué, alors qu’il était en chemin vers une ville de l’est du pays. «C’est une véritable catastrophe ce tronçon autoroutier entre Lakhdaria et Bouira», s’est-il écrié au téléphone, entre deux vrombissements de moteurs de poids lourds. «Si ça continue comme ça, il y aura des dégâts», a-t-il maugréé, hors de lui. Cet ami, comme des milliers d’autres usagers de l’autoroute Est-Ouest, n’en revient pas. Comment une infrastructure de cette importance, et pour laquelle des milliards de dollars ont été déboursés, peut-elle se trouver dans un tel état de délabrement quelques mois à peine après son inauguration ? Faux, répondent les ophtalmologistes ! Ce que ces milliers de concitoyens qui croient avoir décelé une anomalie dans l’œuvre monumentale de Ghoul ne savent pas, c’est qu’ils sont tous bigleux. Comment, en effet, renchérissent les politologues, peut-il en être autrement, quand ce même Ghoul a été rappelé à un Exécutif auquel il avait pourtant préféré l’hémicycle de Zighoud-Youcef ? Comment se peut-il qu’un défaut aussi grave puisse exister sur un projet conduit par ce génie pour la récupération duquel le Parlement et le gouvernement se crêpent le chignon ? C’est tout simplement inconcevable, crient en chœur les spécialistes de tous bords. Ce qui apparaît comme une malfaçon, n’est qu’une illusion d’optique, une perception déformée de la réalité due à une faiblesse oculaire. Le travail d’Amar Ghoul est à ce point extraordinaire que l’Algérie ne pouvait se faire harakiri en se privant de ses incommensurables compétences. Et cela, le Président l’a bien compris. Du moins, jusqu’au jour où il constatera de visu ce qui passe pour un chef-d’œuvre de notre brillantissime ministre.
M. Aït Amara