Les médias seraient le problème mais aussi la solution à l’image négative de l’islam

Au mois d'août dernier, la chaîne britannique Channel 4 diffuse un documentaire intitulé Islam : The Untold Story (Ce que l’on ne vous a pas dit sur l’islam). Réalisé par l'historien Tom Holland, le film examine l’origine de l’islam, cherchant à savoir si ses fondements étaient tous présents lors de la rédaction du Coran ou si le texte a évolué au cours du temps. Cette œuvre déclenche des critiques féroces et la chaîne ainsi que l’Office des communications (Ofcom) ont été submergés par les plaintes.
De nombreux spectateurs, musulmans et non musulmans, considèrent le documentaire faussé et déséquilibré en termes d’arguments, ils pensent également qu’il est le résultat de bien peu de recherches. Certains critiques affirment que le travail de M. Holland ne tient pas compte des travaux d'experts en histoire islamique. L'Académie islamique de recherche et d’enseignement (iERA) l’accuse d'avoir volontairement sélectionné les travaux de recherche, produisant ainsi un travail clairement biaisé.
Le rapport de 2012 intitulé «Muslims in the European Landscape», mené par le British Council et l’Institute of strategic dialogue, met en avant la tendance des médias à émettre une image négative des musulmans, image qui se répercute sur l'attitude des non-musulmans. Aussi, le public britannique affirme que le travail de Tom Holland a contribué à entretenir les malentendus existant et à susciter une attitude négative envers l'islam et les musulmans.
Pourtant, la question qu’il faut se poser est de savoir s'il existe une solution. Autrement dit, les musulmans britanniques peuvent-ils venir à bout des stéréotypes négatifs et, au milieu de la puissante influence des médias, prendre les mesures nécessaires à la promotion du multiculturalisme au Royaume-Uni?
La réponse est oui. Et pour ce faire, ils vont devoir exploiter ce même média qui a joué un rôle majeur dans la direction qu’a prise l'opinion publique au sujet de l’islam.
Le documentaire de Channel 4 n'est pas le premier à provoquer des réactions aussi fortes chez le public britannique. Le débat au sujet de la représentation – erronée ou non – des musulmans dans les médias n'est pas nouveau. De nombreux rapports mettent en évidence le fait que les médias occidentaux décrivent systématiquement les musulmans de manière négative. Un rapport publié en 2007 par la Greater London Authority, par exemple, montre que «les faits sont souvent extrapolés, exagérés, ou simplifiés, et que le langage utilisé est fréquemment émotif, immodéré, alarmiste et abusif».
L'image biaisée que donnent à voir les médias agit au détriment de la société au sens large, étant donné qu'elle intensifie les attitudes existantes et renforce le fossé culturel. La diffusion d'information par les médias façonne les idées et l'attitude du public. Par conséquent, elle a l’immense pouvoir de déterminer le type de dialogue ou débat entre musulmans et non musulmans.
Il est nécessaire que les médias offrent un portrait représentatif de ce que l’islam est réellement, car l’image véhiculée a un effet qui ne touche pas seulement les 3 millions de musulmans britanniques, mais aussi les relations communales à travers le pays.
Les musulmans doivent prendre des initiatives pour changer la vision occidentale de l'islam en étendant leurs contributions communales à la société au sens large. Il est essentiel que leurs voix soient entendues lorsqu'ils condamnent l'extrémisme, les actes de violence et l'oppression des femmes. Les musulmans doivent mettre plus en avant le fait que l'islam n'encourage pas, mais bien au contraire, condamne l'extrémisme sous toutes ses formes.
Il est regrettable que les groupes extrémistes soient trop souvent le centre de l'attention. Toutefois, ce constat doit pousser les musulmans à s'assurer que la véritable voix de l'islam soit entendue. Et parler de ces problèmes dans les médias de masse est crucial. La clé est d’encourager plutôt que d'éviter le débat, afin d'instruire le public.
Le magazine Emel établi à Londres, qui traite du style de vie musulman, est un bon exemple d'une initiative qui promeut «un message positif et rassurant au sujet des communautés musulmanes au Royaume-Uni». Couvrant une large palette de sujets, dont l'art, l'histoire, la mode et la politique, le magazine vise à montrer au grand public que, dans bien des cas, musulmans et non-musulmans partagent les mêmes intérêts. Notre société a besoin de plus d'initiatives de cette sorte, car elles offrent un aperçu des diverses communautés à l'intérieur de la société musulmane du Royaume-Uni, ainsi qu’une plateforme pour l’expression d’opinions.
S’ils veulent être réellement intégrés dans la société britannique et changer les idées actuelles au sujet de l’islam, les musulmans britanniques doivent redéfinir et élargir leurs communautés. Plutôt que d'attendre un changement dans les attitudes, il faut inviter les non-musulmans à travailler en vue d'une nation véritablement multiculturelle, en mettant en avant leurs valeurs et croyances communes, et non leurs différences. Pour transmettre ces messages, les musulmans britanniques doivent prendre une part active dans tous les aspects des médias – qu'ils soient interviewés, invités dans des émissions télévisées, producteurs, éditeurs ou même patrons.
En jouant un rôle central dans les médias, les musulmans peuvent mener à un changement dans le paradigme actuel, laissant surgir l'identité multidimensionnelle des musulmans britanniques, dans toute sa diversité.
Nihal Magdy
Spécialiste en marketing établie à Londres

 

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