La guerre des clans : monétaristes contre fiscalistes

Moult aristocrates ouvriers, quelques bureaucrates syndicaux, et plusieurs «bobos» ayant thésaurisé tout l’été demandent aujourd’hui à être conseillés afin de planquer leurs deniers durement gagnés en ces temps d’austérité économique aggravée. J’ai donc visité Internet à la recherche d’économistes avisés. Je suis tombé sur une vidéo très instructive où un gang de spécialistes pédants, probablement des Républicains américains, se pourfend et s’épand en conjectures contradictoires (1). J’ai pensé utile de traduire, pour la compréhension d’un béotien, leur bavardage discordant. Je cite au hasard trois phrases remarquables prononcées par ces parangons du capital : «Nous sommes tous esclaves du gouvernement mondial dirigé par les banques centrales», et «le marché libre (sic) finira par réagir et se mettre au diapason de la réalité économique», et enfin «nous savons tous qu’il y aura un prochain QE3» !?…
Dans le milieu de l’oligarchie financière mondiale, la bisbille fait rage au sein de la famille capitaliste monopoliste entre, d'une part, ceux que j’appellerai – faute de mieux – le clan des «monétaristes», et, d'autre part, le clan des «fiscalistes». Les capitalistes monopolistes partagent actuellement le pouvoir politique avec les «monétaristes» en opposition aux «fiscalistes». La vidéo précitée vous présente les récriminations des «fiscalistes». Voilà pour le portrait de famille, analysons maintenant les propos de ces radicaux (!)
Les «monétaristes» – ministres des Finances, boursicoteurs, investisseurs, présidents de banques centrales – utilisent pour faire face à la présente dépression la seule arme qui demeure à leur disposition, la planche à billet – une métaphore pour désigner l’action des banques centrales et l’injection du carburant «crédit-argent» dans l’appareil de reproduction. Ceux-là impriment et jettent du papier monnaie dans la chaudière du Titanic financier-boursier mondial en train de sombrer, ce misérable rafiot économique plombé.
La triste mondialisation-globalisation néolibérale inévitable
Conservez, je vous prie, cette idée à l’esprit : mondialisation, globalisation, intégration économique néolibérale ne sont pas de vains mots ; la façon que la présente crise s’approfondit le démontre à l’envi. Il ne vous est plus offert une variété d’économies nationales indépendantes : l’étatsunienne, la japonaise, la française, l’allemande ou la canadienne… Ces temps sont révolus et l’on ne peut revenir en arrière malgré les cris futiles et désespérés des conseillers économiques réclamant de «démondialiser sans néolibéraliser» (2). Il n’y a dorénavant, de gré ou de force, qu’une seule et unique économie politique mondiale, l’économie politique impérialiste où tous les joueurs s’affrontent, banquiers, financiers, firmes multinationales, trust transnationaux, cartels plurinationaux, gouvernements impérialistes grands et petits et néo colonies, tous imbriqués les uns dans les autres, tous interdépendants les uns vis-à-vis des autres, mais n’ayant pas tous, tant s’en faut, la même puissance de gouvernance.
C’est la raison pour laquelle tous ces acteurs déchirent leur chemise sur la place boursière publique présentement :
A) Qui, pour réclamer un troisième QE ou Quantitative Easing – assouplissement quantitatif – ou plus communément appelée une émission de monnaie inflationniste et dévaluationniste de la part de la Reserve fédérale américaine (3) ;
B) Qui, pour exiger des politiques fiscales restrictives abolissant des services publics, ou réduisant les salaires, et le pouvoir d’achat des travailleurs, des chômeurs et des étudiants afin de rediriger cet argent directement dans les goussets des banquiers, des manufacturiers – ce que ces gens appellent pudiquement et hypocritement des sources d’«investissements». Pourquoi de nouvelles sources de capital d’investissement peut-on demander ? Le capital-argent, qui croîtrait de 14% par an ne manque pourtant pas sur le marché boursier international [Challenges, 6.03.2008].
Le deuxième clan, que nous appellerons pour les besoins de la cause les «fiscalistes», arguent qu’ils sont pris en otage par les politiciens et les présidents des banques centrales – en fait par les «monétaristes» – qui refusent de se plier à leurs remontrances.
De la contradiction dans le camp des profiteurs
Quelles sont les exigences de cette engeance de «fiscalistes» ? Les voici : Que les États souverains surendettés et les banques centrales discréditées cessent de frapper monnaie et qu’ils frappent les travailleurs et les petits employeurs de nouvelles taxes et de nouveaux impôts et qu’ils osent rediriger ce capital-argent extorqué directement dans les goussets du moins du 0,5% d’aristocrates financiers mondiaux multimilliardaires qui les feront fructifier, du moins ils l'espèrent (4). Reagan, Madame Thatcher et Bush avaient déjà colporté ce bobard auparavant !
Mais pourquoi les politiciens de tous poils, les présidents de banques centrales et les «monétaristes» en tout genre ne se plient-ils pas à ces exigences ? Subodorent-ils une manigance ? Pourquoi Barack Obama et les chefs d’État européens, japonais, australiens, canadiens ne se rendent-ils pas aux raisons des «fiscalistes» ? Tout simplement parce qu’ils ne le peuvent pas, du moins, pas aussi vite que le souhaiteraient la clique des «fiscalistes». Ce sont les pions politiciens et les larrons «monétaristes» qui sont au front, ce sont eux qui tiennent les rênes du pouvoir et qui font face à la résistance ouvrière et populaire, aux chômeurs et aux désœuvrés saqués, aux pauvres affamés, aux petits bourgeois paupérisés, aux autochtones enragés et aux étudiants masqués et casqués (5). Ceux-là savent que s’ils forcent la note ils auront une insurrection sur les bottes. D’autant qu’ils ont déjà, ces ministres et députés, ces banquiers, ces policiers militarisés, perdu le contrôle de leurs mercenaires essaimés à travers le désert incendié.
Les corsaires du désert
La bride sur le cou, après avoir rompu leur licou, les corsaires du désert mènent leurs affaires pour leur propre compte et font monter les enchères que la France tente de faire taire, hier en Côte d’Ivoire, aujourd’hui au Mali, demain qui sait au Niger ! Mais ces flibustiers débridés, que la CIA et la DGSE-DST ont armés, sont à l’œuvre aussi en Mauritanie, au Niger, en Algérie, en Syrie, en Somalie, en Tunisie, en Égypte, au Yémen, en Irak, en Afghanistan, au Soudan, au Congo, en République centre-africaine, autant de foyers de résistance où les prétendants au titre de «gendarme international» ne parviennent pas à maintenir le couvercle sur l’autoclave social mondial. Alors de grâce, gémit le sous-fifre, que nul n’ordonne aux politiciens et aux «monétaristes» d’envenimer la situation en Grèce, en Italie, en Espagne, en France, au Canada et au Portugal par des mesures antisociales radicales.
Chaque chose en son temps, répliquent les «monétaristes» prévaricateurs aux «fiscalistes» intempestifs. Les malins politiciens savent que le prochain QE3 (émissions de capital-argent inflationniste) approfondira davantage la crise économique et que toutes les banques centrales du monde – sauf peut-être la banque centrale de Chine – dévalueront leur monnaie (dont souffriront énormément les 15 pays sous le joug du franc CFA. D’autres soulèvements et d’autres guerres «humanitaires» en perspective) (6).
Par cet audace monétaire, tous ces voraces chacals obtiendront le bénéfice recherché – la dévaluation de la marchandise «monnaie» et par ricochet la dévaluation de la marchandise la plus convoitée qui soit, la «force de travail», d’où une revalorisation relative des autres marchandises – une revalorisation de la valeur du surtravail et de la plus-value et aussi, par la bande croient-ils, une réévaluation du yuan chinois – quasi seule monnaie nationale présentement sous-évaluée.
Par la même occasion, les gouvernements nationaux dégraisseront leurs dettes souveraines et spolieront les petits et les grands épargnants – les fonds de pension spéculatifs notamment – et tous ceux qui n’auront pas planqué leur «blé» dans les paradis fiscaux comme ces messieurs Depardieu et Arnault (7).
Pour conclure
Morale de cette guerre des clans entre «monétaristes» et «fiscalistes», messieurs et mesdames convertissez votre capital-argent en yuan chinois, en franc suisse ou en or-métal si vous le pouvez. Mais je sais très bien, pauvres gens, qu’il y a longtemps que vous ne contrôlez plus votre argent dont le banquier s’est emparé. S’il est un investisseur argenté qui lit ce papier, convertissez votre capital-argent en denrée de première nécessité, dont les prix seront bientôt majorés. La famine pousse à manger quel que soit les prix sur les marchés, mais cela, vous le savez.
Pour les ouvriers, les employés, les travailleuses, les étudiants, les autochtones et les petits rentiers paupérisés, laissez-moi vous conseiller de vous braquer, de résister ; manifestez, refusez de payer, gardez-vous que l’on vous désarme, que l’on vous taxe, que l’on vous impose toujours davantage, que l’on vous saque. Ouvriers et travailleuses «investissez» dans la solidarité et résistez, voilà la recommandation de votre «conseiller financier».
Robert Bibeau

(1) http://www.youtube.com/watch?v=ZxIwwqfRMGk
(2) Richard Le Hir. Démondialiser, et vite ça urge! 9.01.2013. http://www.vigile.net/Demondialiser-et-vite-Ca-urge
(3) http://fr.wikipedia.org/wiki/Assouplissement_quantitatif
(4) http://www.centpapiers.com/quand-la-science-decouvre-les-1-qui-dirigent-leconomie/
(5) Robert Bibeau. Gratuité ou marchandisation de l’éducation. Quelle solution? 23.01. 2013. http://www.centpapiers.com/gratuite-ou-marchandisation-de-l%e2%80%99education-la-resistance-etudiante/
(6) http://fr.wikipedia.org/wiki/Franc_CFA
(7) Robert Bibeau. La crise économique dans tous ses méfaits. 26.09.2012.
http://www.alterinfo.net/LA-CRISE-ECONOMIQUE-DANS-TOUS-SES-MEFAITS_a81805.html

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