Venir à bout de la violence en Egypte

Deux années se sont écoulées depuis le début de la révolution du 25 janvier et l’Egypte est toujours chancelante. Des manifestants et les forces de l’ordre se sont récemment affrontés lorsque des dizaines de milliers de personnes à travers le pays sont descendues dans la rue pour marquer le deuxième anniversaire de la révolution. Il semble qu’un cycle de violence touche à sa fin, et qu’un autre surgit aussitôt. Nombreux sont ceux qui se demandent comment une révolution pacifique qui a suscité l’admiration du monde entier deux années en arrière ait pu s’enliser dans l’agitation et l’incertitude. D’autres se demandent si une issue est possible.
L’Histoire montre qu’à bien des révolutions se sont succédé des vagues de violence. Elle nous montre également que la réconciliation nationale et le dialogue peuvent garantir une sortie tout en douceur de ce cercle vicieux ; tel est l’exemple de l’Afrique du Sud. Aujourd’hui plus que jamais, un changement semblable est nécessaire au niveau religieux, politique et social si l’on veut réduire la violence dans les rues égyptiennes.
Parmi les institutions religieuses, certaines jouent déjà un rôle important dans la réduction de la violence. Le 31 janvier dernier, Al-Azhar et l’église copte ont lancé une initiative visant à dénoncer la violence, quelle que soit son origine. Des personnalités clés de l’islam, de l’opposition et des représentants de la jeunesse révolutionnaire ont tous signé un document par lequel ils s’engageaient à ne pas recourir à la violence pour résoudre leurs désaccords. Ils ont également accepté de lancer un dialogue au niveau national, afin de mettre fin à cette situation explosive.
Etant donné que notre démocratie n’en est qu’aux balbutiements, l’inclusion et le partage du pouvoir parmi les forces politiques sont indispensables. Les problèmes chroniques de l’Egypte, que ce soit dans le domaine économique ou social, sont bien trop importants pour qu’un seul parti politique puisse en venir à bout. Une coalition comptant des hommes politiques islamiques et laïques procurera du moins un peu de stabilité à une situation politique volatile, et permettra à la violence de se dissiper.
La nouvelle Constitution est probablement la cause de la récente vague de violence. Les Egyptiens l’ont rejetée à 36%. Elle avait été rédigée par l’Assemblée nationale, qui est dominée par les partis politiques islamiques. La presque totalité des membres représentant des partis laïques, des syndicats professionnels et de l’église copte se sont retirés de l’Assemblée avant même la dernière version de la Constitution. En Afrique du Sud en 1997, le Congrès national africain et le parti national s’étaient d’abord accordés sur des principes qui allaient guider la rédaction de la Constitution avant même d’en rédiger une première version, qu’ils ont ensuite soumise à un référendum. Une Constitution durable, fruit de négociations, semble être la seule issue.
Pourtant, il en faut davantage pour mettre fin à la violence actuelle. Il importe de s’intéresser à son origine, à savoir le niveau de sécurité et les facteurs socioéconomiques. Il faut donc tenter de s’éloigner de l’abus de pouvoir qui a précédé la révolution et respecter les droits humains. De cette manière, le gouvernement sera en mesure, avec le soutien d’organisations en faveur des droits humains, d’introduire une nouvelle législation qui modifie la relation actuelle entre les citoyens et les forces de l’ordre.
La majorité des Egyptiens peinent à joindre les deux bouts et chancellent en raison des conditions économiques qui ne font qu’empirer, résultat de la révolution. L’introduction de lois concernant les injustices sociales et économiques qui durent depuis bien longtemps, telles que des impôts progressifs sur la base du revenu ou encore une couverture médicale pour tous les citoyens, serait un pas dans la bonne direction.
Enfin, si nous voulons que les vagues de violence se dissipent en Egypte, le peuple doit être certain que le système judiciaire est indépendant. La violence qui a traversé le pays les deux dernières années – et particulièrement les deux dernières semaines – est due à des décisions du corps judiciaire qui sont suspectées d’être le fruit d’interventions du gouvernement. Le régime politique doit donc instaurer la primauté du droit et l’indépendance du pouvoir judiciaire. Le régime égyptien doit prendre les mesures nécessaires pour réduire la violence, mais les manifestants, pour leur part, doivent éviter d’y recourir. La violence engendre la violence. Les buts fixés ne peuvent être atteints que par le changement pacifique, ce qui signifie la création de nouvelles lois et de nouvelles normes de gouvernement.
L’Egypte a été capable de survivre des vagues de violence majeures dans les années 1980 et 1990. Un avenir de paix durable nécessite les efforts de l’élite politique, des chefs religieux et du peuple égyptien.
Mohamed El-Sayed, journaliste égyptien
 

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