Un salon particulier

Dans cette salle aux murs lambrissés, dont on peut admirer le meuble-bibliothèque en noyer, l’ambiance ne peut être que feutrée avec une odeur de résine qui rappelle la forêt norvégienne où la biche brame au clair de lune. La dalle du sol est en carreaux blancs et noirs, finement jointoyés, posés à la vénitienne comme au temps de Machiavel. De part et d’autre de la partie vitrée de la bibliothèque, deux panneaux où sont posées des jarres décoratives en argile stuquée avec des anses qui ont la fragilité d’une plume de paon. Tout en haut, une cruche avec un versoir, certainement une cruche à vin, de facture hellénique, dont on s’en servait au temps de Périclès et dans laquelle, peut-être, on avait servi la cigüe à Socrate. A droite, on devine d’autres cruches, certainement semblables à celles de gauche. Que de cruches ! La symétrie montre une mise en scène de type classique chère aux encyclopédistes. Voltaire n’aurait-il pas été inspiré par ce cadre lors de ses amicales discussions avec Frédéric II de Prusse en 1750/53. Au centre, sur la partie vitrée, de belles pièces. En bas, deux pots à pharmacie sans anses avec dessins fleuris, au-dessus deux magnifiques pots avec larges anses, dans le bleu foncé et manganèse avec médaillons sur lesquelles sont écrits : ocuielan et liscraque. Plus haut, d’autres pots et bouteilles à section de couleurs pâles qui rappellent l’automne et le crépuscule. La fin d’une époque peut-être. Très beau salon, d’où ne pouvaient émaner, jadis et encore, que de bonnes réflexions pour la marche du monde.
Abderrahmane Zakad, urbaniste et romancier
 

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