Sans l’armée
Par Kamel Moulfi – Les événements qui se déroulent en Tunisie, en arrière-plan de ce qui se passe en Egypte, révèlent des capacités combatives dans la société civile qui peuvent éviter à ce pays voisin le recours à une quelconque intervention de l’armée pour bouter hors du pouvoir les islamistes qui cherchent à s’y cramponner. Ennahda de Rached Ghannouchi a mis un pied dans le pouvoir à la faveur d’un mouvement populaire dans lequel les islamistes sont restés étrangers jusqu’à la fuite de Benali. Maintenant, les démocrates reprennent l’initiative à l’image de Tamarod, copie conforme de son homologue égyptien, qui se déclare décidé à poursuivre l’organisation de manifestations, dès ce samedi, avec les mêmes objectifs : dissolution de l’Assemblée nationale constituante (dont les travaux sont bloqués depuis des mois) et démission du gouvernement, puis mise en œuvre d’une feuille de route pour permettre une transition à même de faire sortir le pays de sa crise. En agissant ainsi, l’opposition démocrate en Tunisie veut créer les conditions d’une relance économique et de la recherche de solutions aux problèmes sociaux qui ses sont aggravés depuis qu’Ennahda a accédé aux commandes du pays. Alors qu’ils avaient promis, de façon mensongère et démagogique, de construire un Etat de droit moderne, les islamistes et Ennahda ont trompé la société tunisienne et commencé à agir pour intégrer dans la vie sociale, en attendant de les constitutionnaliser, des normes théocratiques et surtout des restrictions aux droits de l’Homme. Leur intention était évidente : donner aux activistes islamistes les possibilités de faire pression sur la population pour mettre en place les conditions de l’exercice de l’hégémonie islamiste sur toute la société. En réalité, ils se sont trompés sur la nature du peuple tunisien qui, s’il a tout fait pour chasser Benali, est resté attaché à ses acquis. Aujourd’hui, l’opposition se sent forte de l’adhésion populaire à ses initiatives alors que les islamistes sont visiblement affaiblis à la fois par les manifestations incessantes qui demandent leur départ et par le recul de leurs alliés Frères musulmans en Egypte. L’opposition a rejeté toutes les propositions du parti islamiste Ennahda, qui dirige la coalition tripartite au pouvoir, et est décidée à imposer sa démarche par la mobilisation de la société civile et de la population plus largement. Celle-ci aspire à la stabilité, à la liberté et à vivre dignement, ce qu’Ennahda non seulement n’a pas voulu lui assurer, mais a montré qu’elle en est incapable. L’opposition se présente déjà comme l’alternative.
K. M.
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