Ali Benflis à Algeriepatriotique : «J’ai 60 000 hommes pour surveiller tous les bureaux de vote»

Ali Benflis. New Press

Algeriepatriotique : Quelles leçons Ali Benflis, candidat en 2014, a-t-il tirées de son expérience vécue lors de l’élection de 2004 ?

Algeriepatriotique : Quelles leçons Ali Benflis, candidat en 2014, a-t-il tirées de son expérience vécue lors de l’élection de 2004 ?

Ali Benflis : En 2004, j’avais bénéficié d’un très grand soutien populaire. Malheureusement, tout le monde sait dans quelles conditions s’est déroulée l’élection. En 2004, il y a eu un seul vainqueur : la fraude. La volonté du peuple algérien n’a pas été respectée, et sa voix non entendue. Aujourd’hui, l’Algérie a changé, et le monde a changé. Et je perçois en nos concitoyens une plus grande conscience pour que cette fois-ci leur voix soit réellement entendue. Je les sens davantage attachés à la démocratie et je sens également leur besoin du changement, et je dirai plus : leur soif du changement. Le peuple crie cette soif. Il a envie de voir son pays atteindre les cimes du développement et de la prospérité. Je suis confiant aujourd’hui parce que je sens que le peuple est déterminé à appliquer sa volonté.
Vous avez, à un moment, collaboré avec le président Bouteflika. Comptez-vous vous présenter comme l’alternative ? Les divergences entre vous et Bouteflika sont apparues au grand jour alors que vous étiez encore chef du gouvernement. Sur quoi portaient-elles ?

J’assume pleinement le fait d’avoir été l’un des maîtres d’œuvre du programme de 1999 qui a permis l’élection de M. Bouteflika. J’ai été un partenaire à part entière de ce programme. Et mes divergences avec Bouteflika ont porté sur le non-respect des engagements pris. Je n’étais pas d’accord lorsqu’on a voulu bafouer la législation nationale relative aux hydrocarbures. J’ai refusé qu’on soumette la justice au diktat de l’Exécutif. Je n’ai aucune divergence personnelle avec Bouteflika, mais je diverge avec lui sur des questions portant sur l’intérêt national. Et aujourd’hui, je suis l’alternative par les valeurs de liberté, de démocratie et de progrès que porte mon programme du renouveau national.

Pouvez-vous nous dire comment fait le clan présidentiel pour réussir à mettre outrancièrement les moyens publics au service de Bouteflika ?

Je n’ai pas à vous le dire moi-même. Tous les citoyens algériens observent aujourd’hui l’instrumentalisation de l’administration. L’asservissement des médias publics au service d’un candidat. Tout le monde connaît les dépassements qui ont caractérisé la collecte des signatures. Je suis triste à l’idée de voir mon pays et les services publics de mon pays et son administration instrumentalisés au service d’une cause personnelle. C’est ce type de comportement et ce type de pratique que je vois bannis à jamais d’un projet qui instaure le vrai pluralisme politique et instaure l’Etat de droit de mon pays.

Pensez-vous que la fraude sera une nouvelle fois au rendez-vous ? Que comptez-vous faire dans ce cas ?

J’ai mobilisé soixante mille surveillants pour encadrer tous les bureaux de vote le jour du scrutin. Mes partisans et les citoyens, de manière générale, seront vigilants et surveilleront les opérations le jour du vote à toutes les étapes. Et nous sommes déterminés à faire barrage aux tenants de la fraude et à tous ceux qui voudront opérer une véritable OPA sur la volonté du peuple algérien.

Le contexte régional et international dans lequel évolue l’Algérie est marqué par des tensions qui touchent directement notre pays. Vous parlez vous-même de menaces sur la sécurité nationale. Qu’allez-vous changer dans la politique extérieure de l’Algérie ?

Il faut d’abord arriver à une constante. Un pays ne peut voir sa voix écoutée au plan international que s’il est stable au plan interne. Ces suggestions sont légitimes et acceptées par le peuple. Le premier acte de changement au plan international, paradoxalement, va se situer au plan interne. Je vais légitimer les institutions algériennes et elles vont être exemplaires dans leurs actions. Au-delà, bien évidemment, la politique extérieure repose sur des fondements. Ces derniers nous les avons hérités depuis la Révolution algérienne. Le principe de l’autodétermination des peuples sera un des principes de notre action extérieure. Aujourd’hui, notre pays est absent sur le plan international et sa voix est très peu audible dans le monde. Je vais dynamiser notre diplomatie et je vais rendre la parole aux professionnels de la diplomatie qui sont compétents et dont l’avis n’est pas écouté aujourd’hui. Je vais aussi renforcer la diplomatie parlementaire en tant qu’expression de la démocratie. Je vais également mettre en valeur la diplomatie économique pour que notre appareil diplomatique se mette au service de l’économie algérienne. C’est une diplomatie redynamisée avec un personnel compétent doté de professionnalisme qui va permettre à la voix de l’Algérie d’être mieux écoutée et mieux entendue.

Vous annoncez, si vous êtes élu, la reconnaissance du rôle de l’opposition (y compris le FIS), la lutte contre la corruption et l’indépendance de la justice. Vous sentez-vous prêt à faire cette véritable rupture avec ce qui caractérise le système qui a dirigé le pays de longues années ?

Je suis prêt à conduire ce changement. Ce dernier donne sur la voie du pluralisme, sur la voie de la proposition de la démocratie et sa culture à travers tout le pays. Il va s’appuyer principalement sur la reconnaissance du rôle de l’opposition. Cette dernière sera un véritable partenaire. Tous ceux qui se réclament de l’action politique et qui renoncent à la violence seront partie prenante de ce processus. Ce n’est pas à moi, et ce n’est surtout pas à l’Etat de choisir ses interlocuteurs. L’Etat doit prendre acte de la société secrète des acteurs. Une ligne rouge, une ligne à ne jamais dépasser : la violence. Ceux qui réclament la violence et qui la pratiquent s’excluent du champ politique. L’indépendance de la justice, un fondement essentiel parce que c’est grâce à l’indépendance de celle-ci que nous pourrons installer un véritable Etat de droit. C’est grâce à l’indépendance de la justice qu’une véritable lutte contre la corruption sera menée. Vous me donnez ici l’occasion de rappeler un des choix principaux de mon programme : le pacte national contre la corruption. Ce fléau est devenu une véritable atteinte à la sécurité nationale. Il faut le combattre par une justice indépendante et par la réhabilitation des organes de contrôle et par des médias libres qui dénonceront tous les abus.

Vous dites que cette corruption est devenue une vraie menace pour la sécurité du pays. Pouvez-vous être plus explicite ?

Oui, c’est une véritable menace pour la sécurité nationale puisque la corruption affaiblit ses auteurs et en fait des personnes vulnérables, y compris par rapport aux intérêts étrangers et, de ce point de vue, elle menace la cohésion sociale. La lutte contre ce fléau est l’une de mes priorités, une fois élu.

Quels seront les secteurs économiques qui bénéficieront de la priorité dans votre programme ?

L’Algérie est un pays doté d’immenses potentialités. Il est anormal que la part de l’industrie dans le produit national brut ne dépasse pas 5%. Je vous rappelle que pendant les années 1970, elle atteignait déjà 20%. Il est anormal que notre facture alimentaire atteigne plusieurs milliards de dinars alors que nous sommes un pays riche en potentiel agricole. Il est anormal aussi que notre pays ne puisse pas récolter des recettes considérables en termes de tourisme. Donc, les priorités, j’allais dire, sont partout. Et notre programme économique dans notre projet du renouveau national se base essentiellement sur le sursaut productif. Il faut que l’Algérie développe ses capacités productives. Elle le fera dans le domaine de l’industrie à travers des filières qui sont identifiées et par lesquelles notre pays possède des avantages comparatifs.

Elle le fera également dans l’agriculture à travers une aide conséquente pour que nous puissions exceller dans certaines filières pour lesquelles nous avons des atouts tels que des terres de qualité et un taux d’ensoleillement important, donc, beaucoup d’atouts pour faire des produits de qualité qui satisferont le marché national et également être exportables et, sur ce plan là, je voudrais insister sur le fait qu’une de mes priorités, c’est de faire sortir l’Algérie de cette dépendance suicidaire vis-à-vis des hydrocarbures. Aujourd’hui, l’Algérie exporte au plus 2 milliards de dollars hors hydrocarbures par an. Dans ces deux milliards, il y a une part non négligeable de produits dérivés des hydrocarbures. Je m’engage, au bout d’une mandature de cinq ans, à ce que ce chiffre atteigne au moins 5 milliards de dollars.

Je m’engage également à ce que l’acte d’investir soit facilité et l’acte d’entreprendre réhabilité pour faire de l’Algérie au bout de cinq ans la cinquième destination mondiale en termes d’investissement dans le bassin méditerranéen. Je m’engage aussi à mener une lutte implacable contre le chômage et, particulièrement, le chômage des jeunes qui atteint 25%. Je le baisserai d’au moins 5% au bout de cinq ans. Trouvez-vous normal que l’Algérien ait un taux de croissance inférieur à celui de ses voisins alors que l’Algérie a des recettes considérables et un potentiel très important ? Aujourd’hui, notre taux de croissance se situe entre 3 et 4%, je m’engage à avoir une croissance d’au moins 7% au bout de ma mandature. L’Algérie est un pays qui n’occupe pas la place qui est la sienne, ni au plan économique ni au plan diplomatique. Donc, mon projet du renouveau national vise à réhabiliter le pays, son économie, son appareil de production et également à faire en sorte qu’il ait la place qu’il mérite dans le concert des nations.

La décentralisation de la décision fait-elle partie du projet du renouveau ? Et que comptez-vous faire contre la bureaucratie qui empoisonne la vie du citoyen ?

La décentralisation de la décision est un des axes fondamentaux du projet du renouveau national. J’aurais à l’expliquer pendant mes meetings à travers tout le pays et comment je la conçois. Il n’y a pas que cela, je plaide également pour une nouvelle organisation territoriale qui va permettre la plus grande efficacité de la représentation de l’Etat au niveau local. Les Algériens souffrent de la bureaucratie. Dans le programme du renouveau national, je m’engage à luter contre ce phénomène qui rend la vie de nos concitoyens plus difficile. Le projet renferme plusieurs mesures. Premièrement, la mise en place d’une commission, juste après l’élection, dont la mission est de faciliter toutes les formalités administratives et de rendre plus simples tous les dossiers administratifs, notamment les documents les plus utilisés tels que le passeport, le permis de conduire, l’acte de naissance, etc. Cette commission aura trois mois pour présenter ses conclusions. Deuxième mesure, les principaux documents administratifs que je viens de citer seront remis au citoyen dans des délais légaux qui seront inscrits dans la loi. Tout dépassement de ce délai sera sanctionné par la loi. Troisièmement, la mise en place d’une agence de l’évaluation des politiques publiques. Elle aura pour mission d’évaluer l’action de l’Etat. Elle rendra un rapport annuel public. Il y a aussi l’introduction des nouvelles technologies à travers le Plan national numérique qui permettra de faciliter la délivrance des documents de manière rapide.

Interview réalisée par Houneida Acil

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