Emeutes provoquées de Béjaïa : interrogations sur le rôle de certains médias et des forces de l’ordre

La plupart des médias qui ont rapporté les événements qui ont secoué la ville de Béjaïa, hier samedi, n’ont fait que reprendre des formules stéréotypées en évoquant les «manifestants» ayant réussi à empêcher le meeting que devait animer Abdelmalek Sellal à la maison de la culture Taos-Amrouche. Ils ont, sciemment ou inconsciemment, confondu entre un petit groupe de vrais manifestants qui se sont rassemblés devant l’entrée de l’édifice qui devait abriter cet événement dès 10h, pour exprimer, très pacifiquement et avec leurs petites pancartes, leur hostilité à un quatrième mandat et à tout le système politique en place, et des meutes de jeunes et de moins jeunes qui sont venus deux heures plus tard, pour affronter les policiers chargés de la sécurité de l’accès à la maison de la culture. Ces jeunes n’ont brandi aucun slogan politique, en dehors du désormais célèbre «chiyatine» (flagorneurs) lancé à l’encontre des personnes invitées à ce meeting qui n’aura pas lieu. Toute leur action était focalisée sur l’affrontement physique avec les éléments des forces antiémeutes qui s’y étaient déployés en grand nombre. Des témoins racontent avoir vu plusieurs minibus déposer des jeunes devant la maison de la culture. D’où viennent-ils ? Très probablement de la ville de Béjaïa ou des quartiers de banlieue. Qui sont-ils ? Il apparaît clairement, à travers leur profil et leur «mode d’organisation», que la plupart d’entre eux étaient de fervents supporters du club fétiche de la ville, le MOB. Qui les a rameutés et guidés vers le meeting de Sellal ? Cela, personne ne le sait. Ce qui est clair, par contre, c’est que les émeutiers échappent totalement aux groupuscules d’opposition comme Barakat, le MAK où la LAADH, pour ne citer que les plus actifs sur la scène de la contestation, ces derniers temps. C’est dire, aussi, que les condamnations qui ont visé ces organisations semblent démesurées. La fracture est sans doute beaucoup plus profonde. Elle l’est avant tout avec la société et une partie de sa jeunesse, livrée à elle-même et exposée à toutes les velléités de manipulation. Seconde contrevérité véhiculée par certains médias : l’évacuation des journalistes encerclés, en même temps qu’un millier de personnes invitées au meeting, par ces «manifestants» en furie. Les dépêches de l’APS et les titres de la presse qui ont traité cette information, feignent d’ignorer que la police a seulement évacué les journalistes «embarqués», c’est-à-dire ceux qui étaient venus dans le même avion que Sellal, à l’exemple de ceux de l’ENTV et d’Ennahar TV, au motif qu’ils étaient la cible des émeutiers. Ce que ces médias ne disent pas, c’est qu’il y avait encore, à l’intérieur de la maison de la culture, une vingtaine d’autres reporters et correspondants de la presse écrite et électronique qui n’ont pas eu droit à ce traitement de faveur. A propos du rôle des forces de l’ordre, d’aucuns se sont plaints, hier à Béjaïa, d’une certaine passivité qui était visible chez les éléments déployés pour assurer un bon déroulement du meeting. Non seulement elles n’ont pas su anticiper cette escalade dangereuse mais, aussi, en application des dernières instructions sur lesquelles insiste beaucoup le patron de la DGSN, Abdelghani Hamel, elles n’ont pas voulu corser la répression ou procéder à des arrestations des fauteurs de troubles, avant que la situation ne dégénère. Une méthode qui s’est avérée peu fructueuse, au vu des dégâts enregistrés en l’espace d’une demi-journée.
Rabah Aït Ali

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