Gestion par la valeur : seule voie d’accès au développement !

Selon le récent rapport de la Coface, dix nouveaux émergents talonnent les Brics. En se limitant au seul critère du climat des affaires, deux groupes distincts apparaissent :
«- Tout d'abord, la Colombie, l'Indonésie, le Pérou, les Philippines et le Sri Lanka qui bénéficient d'un climat des affaires convenable (A4 ou B), niveau similaire à celui des Brics aujourd'hui.

Selon le récent rapport de la Coface, dix nouveaux émergents talonnent les Brics. En se limitant au seul critère du climat des affaires, deux groupes distincts apparaissent :
«- Tout d'abord, la Colombie, l'Indonésie, le Pérou, les Philippines et le Sri Lanka qui bénéficient d'un climat des affaires convenable (A4 ou B), niveau similaire à celui des Brics aujourd'hui.
– Ensuite, le Kenya, la Tanzanie, la Zambie, le Bangladesh et l'Ethiopie qui sont soumis à un environnement des affaires très difficile (évaluation C) ou extrêmement difficile (évaluation D), ce qui pourrait être un frein à l'exploitation de leur potentiel.»
Si en dépit de centaines de milliards de dollars investis depuis une quinzaine d’années, l’Algérie ne figure pas parmi ces dix étoiles montantes, c’est en raison de la panne du processus de développement. En partant de l'équation invraisemblable que «plus de dépenses publiques =plus de développement», nos dirigeants en charge du développement ne font preuve ni d’efficacité et encore moins d’efficience. Ils sont aux commandes d’un véhicule qui a des ratés moteur et plus grave encore, les défaillances des composantes internes de la boîte de vitesse ont entraîné le passage en roue libre. En d’autres termes, plus aucune vitesse n’arrive à s’enclencher malgré le fait que l’embrayage fonctionne.
Il est donc vivement à souhaiter qu'une prise de conscience rapide et collective engage nôtre économie dans un réel processus de développement (intégrant des logiques industrielles, financières et humaines) et induise des comportements politico- économiques (au niveau macro) et/ou des comportements managériaux (au niveau micro) pour transformer ce processus en dynamique de croissance.
Sur le plan macroéconomique
Les experts préconisent que pour un bon fonctionnement d’une économie de marché, l’Algérie devrait :
– améliorer la qualité de la gouvernance et de l’environnement des affaires ;
– calibrer ses réformes en fonction de son stade de développement avec pour objectif la consolidation de l’économie par l’investissement dynamique plutôt que par la stimulation de l’activité par voie monétaire et budgétaire ;
– maintenir à tout prix son objectif d’excédent primaire (le solde primaire constitue un indicateur important de la situation budgétaire d’un pays et des risques d’évolution non contrôlée de l’endettement public) ;
– combler ses déficiences infrastructurelles et réglementaires, renforcer ses institutions économiques, relancer le processus de réforme de l’appareil productif et mieux gérer la demande pour inverser la courbe de l’inflation et exploiter au mieux son potentiel de croissance ;
– améliorer l’éducation de base, les qualifications des travailleurs et investir dans la recherche et développement (R &D) ;
– accroître son taux d’épargne et réduire les obstacles à l’investissement direct étranger (IDE) ;
– mettre en place les deux approches complémentaires à l’égard du contrôle bancaire à savoir : renforcer la réglementation (microprudentielle) et gérer les risques systémiques (macroprudentiels) ;
– dynamiser la bourse des valeurs d’Alger pour un meilleur financement de la croissance ;
– créer des pôles de compétitivité (ou clusters) pour mettre en œuvre les projets de développement économique axés sur l'innovation, rendre l'économie plus compétitive, consolider le tissu entrepreneurial des PME et TPE, créer des emplois et développer certaines zones en difficulté ;
– redonner toute sa place au rôle fondamental de la politique monétaire qui consiste à fournir un point d’ancrage nominal.
Croissance et renouvellement du portefeuille technologique
La croissance correspond à un accroissement durable de la production globale d’une économie. La création de valeur incite bien à la croissance, mais pas à une croissance à tout prix. Seule la croissance rentable est créatrice de valeur. Le retraitement des investissements stratégiques est là pour faciliter et susciter cette dynamique. Pour que la croissance du PIB (total annuel des valeurs ajoutées produites par l'ensemble des entreprises d'un pays) soit synonyme d'une meilleure efficacité (et efficience) des entreprises, il faut absolument maîtriser les cycles de renouvellement technologiques qui sont à l’origine de changements (majeurs) des savoir-faire managériaux (qui eux sont à la racine de la création de valeur). En effet, le recours à des technologies plus productives induit une diminution du coût unitaire de production et le renouvellement rapide du portefeuille de technologies, rendu possible par un taux d'utilisation élevé des équipements, permet de bénéficier des matériels les plus performants. Ce changement est aussi souvent l'occasion d'un changement organisationnel à même de pouvoir démultiplier en interne par le biais de la responsabilisation les gains de productivité et par conséquent accroître la création de valeur. L'expansion de l'entreprise développe également un apprentissage collectif qui alimente à son tour des gains de productivité susceptible de soutenir l'expansion à venir friande de technologies encore plus performantes. Or, le gros problème des opérateurs économiques (privés et publics) algériens réside dans le fait que les difficultés de la croissance auxquelles ils sont confrontés à savoir :
– que la progression du chiffre d'affaires n'engendre pas automatiquement une progression des bénéfices de l'entreprise ;
– que la croissance suppose des investissements dont la rentabilité ne peut jamais être connue avec certitude ;
– que tous les investissements ainsi que tous les accords passés avec des tiers exercent une influence limitative sur la flexibilité et rend plus difficile une réaction rapide face à des opportunités nouvelles et attrayantes ; les rebutent à transformer les profits réalisés en investissements d'expansion et de progrès (notamment technologiques).
De ce fait, plusieurs entreprises algériennes (tous secteurs d’activités confondus) n'atteignent pas la «masse critique» (dimension minimale requise d'une activité pour se maintenir sur le marché sans supporter des handicaps concurrentiels) et démotivent leur personnel qui in fine rechigne à travailler à l'avènement de la croissance et à sa poursuite.
Croissance, création de valeur et redéfinition du rapport au système social
L'amélioration de l'efficacité d’une entreprise (définie comme l'atteinte du but fixé, la création de la valeur) suppose une meilleure exploitation des composantes de la création de valeur (accroissement de la différenciation et baisse des coûts relatifs) grâce aux savoir-faire managériaux.
Le métier de l'entreprise est constitué de ressources et de compétences. Une innovation est une nouvelle combinaison de ressources, découverte au sein de l'organisation, capable de créer de la valeur. C'est ce qui fait la singularité d'une entreprise. Un des principaux rôles d'une entreprise est de développer les savoir-faire managériaux de ses membres en mettant l'accent sur la réflexion stratégique qui exprime une volonté de mouvement et de changement. Or, pour que cette volonté se traduise en acte, le changement technico – économique envisagé doit être souvent accompagné d'un changement du système de pouvoir (politique) et d'un changement des normes de comportement (culturel). Cette réflexion stratégique gagne à être approfondie quand elle permet de renforcer la conscience des buts et la cohérence des actes pour créer de la valeur. La création de la valeur est destinée à trois types d'acteurs, les acheteurs (clients), le personnel (qui apporte son travail), les actionnaires (qui apportent leur capital). Par-delà ces acteurs (directement engagés) la collectivité tout entière est concernée, au moins par le biais de la pression fiscale, des activités induites et de l'équilibre écologique. La valeur et la croissance d'une entreprise sont, dans une large mesure, le résultat de la mobilisation effective des compétences et du degré d'engagement et d'implication des personnes critiques. Ce sont elles qui sont responsables de la création de valeur au-delà du rapport du capital investi et des coûts de celui-ci. En bref, ce sont elles qui déterminent quel sera l'avenir du profit économique ! Il devient donc impératif de repenser le système social (où la plus- value sociale fera l’objet d’une préoccupation accrue) par la promotion d'un nouveau type d'entreprise algérienne où le recentrage sur son identité économique supposera une métamorphose complète du rapport au système social qui sous-tend son action de production. De l'exclusion, il faudra passer à l'inclusion ; la nouvelle contrainte de l'entreprise sera de faire partager son dessein à des acteurs qui y collaborent et non plus à des agents qui l'exécutent. Les managers qui auront à charge de produire cette culture collective recommanderont à la fois une action sur les normes de relations interpersonnelles pour ouvrir la voie aux échanges verticaux et transversaux, et action sur les valeurs pour aboutir à une charte sur les thèmes clés des régulations de l'entreprise à savoir : la participation, l'inventivité et la formation.
Chaîne de valeur versus valeur ajoutée
Pour toute entreprise, quel que soit son métier, la chaîne de valeur est l'ensemble des activités créatrices de valeur reliées entre elles et intervenant depuis les ressources en matières premières destinées aux fournisseurs de composants jusqu'au produit fini livré au consommateur. Cette optique est extérieure à l'entreprise et conçoit chaque firme dans le contexte de la chaîne globale des activités créatrices de valeur dont elle n'est qu'un maillon situé entre matières premières et utilisateurs finals. A l'inverse, la comptabilité analytique des entreprises algériennes adopte un point de vue essentiellement interne : ses achats, ses processus, ses fonctions, ses produits et ses clients. En d'autres termes, la comptabilité analytique choisit une optique de valeur ajoutée, partant des paiements aux fournisseurs (les achats) et s'arrêtant aux sommes facturées aux clients (le chiffre d'affaires). Le but principal est de maximiser la différence (la valeur ajoutée) entre les achats et le chiffre d'affaires. Le concept de chaîne de valeur est fondamentalement différent de celui de valeur ajoutée. D'un point de vue stratégique, ce dernier à deux défauts majeurs : il commence trop tard et s'achève trop tôt ! En amorçant l'analyse des coûts au niveau des achats, l'on se prive de toutes les occasions d'exploiter les relations avec les fournisseurs de l'entreprise. Or, il s'avère extrêmement important pour une société de nouer une relation de partenariat (sur la base d'un plan de production stable présenté à ses fournisseurs) pour la réussite de l'application des principes du «juste à temps» afin de réduire le gaspillage des ressources et les besoins en stocks de sécurité. Outre le fait qu'elle démarre trop tard, l'analyse de la valeur ajoutée a un autre défaut important, elle s'arrête trop tôt. En n'allant pas au-delà du chiffre d'affaires dans l'analyse des coûts, l'entreprise perd toutes les occasions de mettre à profit ses relations avec les clients. Or, celles-ci peuvent être tout aussi importantes que les liens avec les fournisseurs. L'exploitation des relations avec les clients est l'idée maîtresse du concept d'adaptation des produits aux besoins et aux souhaits des clients (surtout ceux qui appartiennent aux segments les plus rentables). Cette nouvelle vision du marketing fait appel à des indicateurs spécifiques pour en évaluer les effets. C'est ainsi que sont définis, entre autres, la valeur sur la durée de vie «life time value» et le potentiel du consommateur. La première notion mesure le capital représenté par un client à partir de la fréquence et du montant de ses achats ; la seconde évalue la marge de progression de la life time value ainsi établie. Le postulat de base de cette stratégie marketing est qu'on peut toujours améliorer son offre et donc le volume des ventes. Ce cadre de référence indispensable qui consiste à décomposer les différentes étapes du processus de «conception- production- distribution» de l'entreprise en maillons d'une chaîne de valeur incitera les stratèges à s'interroger sur les sources possibles (actuelles et potentielles) de création de valeur (ou avantage concurrentiel) en tenant compte de la nette distinction entre les sources majeures d'avantages de différenciation et d'avantages de coût.
Création et destruction de la valeur
Toute la problématique à laquelle est confrontée le «top management» d’une entreprise se résume à repérer où se créera en priorité la valeur et, partant, de comprendre comment et par où elle se détruira. Pour ce faire, nos managers seront invités à :
A) Ajuster en permanence leur «business model»
Un «business model» est la logique centrale d'une organisation pour créer de la valeur. C'est ce qui fait que l'entreprise à but lucratif gagne de l'argent. Pour définir un «business model», une méthode a été développée et consiste à répondre à 5 questions génériques :
a. Quelles sont les sources de création de valeur de l'entreprise ?
b. Quelle est l'offre concurrentielle de l'entreprise ?
c. Comment l'entreprise gère-t-elle ses ressources financières ?
d. Comment l'entreprise draine-t-elle ces revenus ?
e. Pourquoi est-ce une entreprise unique, c'est-à-dire quelle est sa spécificité quant à l'identification et la déclinaison des opportunités de création de valeur sur des problématiques stratégiques ?
B) Avoir recours à la réflexion stratégique pour piloter la création de valeur
La stratégie consistera à faire évoluer la dynamique des «preneurs d'enjeux» (concurrents, fournisseurs, employés, régulateur, clients et actionnaires) à son avantage. La variable d'ajustement sera la création de valeur (capacité de profit économique mesurée comme la différence entre le retour sur investissement et le coût du capital). La réflexion stratégique aura pour but l'amélioration du pilotage de la création de valeur à travers des «value drivers» (paramètres de création de valeur) pour investir plutôt dans des stratégies dont la cohérence et la durée seront les moteurs réels d'acquisition d'avantages compétitifs et de création de valeur.
La mise en place des «value drivers» facilitera une vision analytique et prospective des trois facteurs fondamentaux que l'on retrouve dans toute mesure de performance fondée sur la valeur : la séquence des «cash-flows», le taux d'actualisation réel (coût du capital) et la politique d’endettement (directement reliée au coût moyen pondéré du capital).
Le profit économique
La mesure de la performance d'une entreprise doit être distinguée de la finalité de celle-ci. Le profit économique se distingue clairement du profit comptable tel que calculé selon le modèle traditionnel. L'équation fondamentale de départ est la suivante : profit économique = rendement du capital investi-coût du capital investi. Il est clair que toutes les entreprises à un instant donné ne peuvent pas être en situation de profit économique. Par contre, une entreprise qui n'est pas, à certains moments de son histoire en situation de profit économique, sera inévitablement condamnée à disparaître. Partant d'un constat qui est qu'une entreprise ne peut survivre durablement que lorsque le rendement des capitaux est supérieur au coût de ceux- ci, il apparaît deux séries de difficultés :
– celles qui sont liées à la mesure du rendement des capitaux ;
– celles qui sont liées à la mesure du coût des capitaux.
Le modèle comptable traditionnel ne facilite pas le traitement de ces deux problèmes. En effet, l'entreprise peut avoir un cycle d'activité suffisamment proche de sa période d'observation, c'est- à- dire que les capitaux qu'elle investit peuvent se transformer en liquidité avec un délai court. Dans ce cas, on comprend aisément que le modèle comptable reflète assez précisément le profit économique de l'entreprise avec une limite importante : la convention comptable actuelle considère que les capitaux propres sont une ressource gratuite pour l'entreprise. Ceci est évidemment une déformation de la réalité économique. Les capitaux propres ont nécessairement un coût qui dépend du niveau de risques pris par l'entreprise. Il n'y a donc profit qu'après que les fonds propres aient été rémunérés conformément aux risques assumés par les actionnaires. L'analyse des facteurs de risque est donc au cœur de la mesure du profit économique. De la même façon, les marchés de capitaux allouent ceux- ci en fonction des rendements observés. Dès que ceux- ci dépassent leur coût, les capitaux affluent vers le secteur concerné et accroissent la pression concurrentielle. Aucune barrière à l'entrée n'étant parfaitement insurmontable, le profit économique est donc transitoire et va tendre vers zéro jusqu'à la création d'un nouvel avantage concurrentiel.
La mesure du rendement des capitaux investis
Tous les praticiens sont familiers avec la notion de calcul du rendement d'un investissement par la méthode des cash-flows actualisés. Cette méthode devient plus difficile à utiliser que lorsque l'on traite non plus un seul projet d'investissement, mais l'ensemble de l'entreprise vu comme une somme d'investissements sans cesse renouvelés. Nous sommes alors confrontés à trois types de problèmes :
– le décalage entre les flux de trésorerie et la mesure comptable des performances ;
– la longueur du cycle d'investissements qui n'est pas nécessairement synchronisé avec la période d'observation ;
– le traitement comptable des dépenses correspondantes à l'innovation (R & D) ou à la création d'image (publicité, marketing).
Si l'on reprend ces difficultés en séquence, la première se résout assez simplement et l'outil mis au point par la pratique est le tableau de financement. Celui- ci a pour objet de mesurer les emplois et ressources de fonds de l'entreprise sans distinguer le traitement comptable qui sera choisi pour les différentes opérations. Il laisse néanmoins entières les deux autres difficultés : la longueur du cycle d'investissements et la durée de vie économique des actifs employés. Cette difficulté a un impact sur les deux éléments du calcul :
– sur le numérateur car les flux de liquidités dégagés supposent que l'on utilise un tableau de financement sur plusieurs exercices afin de lisser les investissements ;
– sur le dénominateur car le montant du capital investi ne peut être défini que par l'observation des durées de vie économique des actifs employés.
Or, les actifs employés peuvent être estimés à leur coût historique (valeur comptable brute), à leur valeur nette comptable ou à une valeur de remplacement (la meilleure conceptuellement et aussi la plus difficile à obtenir). Le choix d'une estimation (au détriment des deux autres) a de façon évidente un impact déterminant sur le rendement mesuré. Les difficultés liées au rendement du capital portent tout d'abord sur la notion de cash- flow libre. Celui- ci correspond aux liquidités disponibles après financement des investissements et variation du besoin en fonds de roulement (BFR). Lorsqu'une entreprise est entrée dans une période de stabilité où les investissements annuels sont pratiquement constants, le cash-flow libre se détermine aisément. Mais il en va autrement dans les entreprises en forte croissance ou dans les secteurs où l'unité d'investissement est importante et où alternent des périodes à faible investissement avec des phases de décaissement massif. La seule solution qui permettra de lisser ce phénomène est bien évidemment d'allonger la période d'observation. Sur une année, le cash- flow libre est rarement représentatif, le cumul sur plusieurs exercices permet d'éliminer ce problème. Bien entendu, on se situe là dans l'observation du passé. Les professionnels de l'évaluation savent que celui- ci ne préjuge en rien de l'avenir. Deux approches peuvent alors être employées :
– l'approche économique : cash-flow libre=excédent brut d'exploitation cumulé (+/-) variation du BFR (+/-) acquisition et cession d'actifs (+/-) charges et produits exceptionnels -impôts sur les sociétés. Cette approche a le mérite d'identifier les sources d'emplois et de ressources de capitaux et par conséquent les leviers d'action ;
– l'approche financière (qui donne le même résultat de manière plus globale) : cash-flow libre= variation de l'endettement net (dettes financières +/- disponibilités) + frais financiers de la période + dividendes versés (+/-) autres variations des capitaux propres.
On voit bien que l'on se situe loin de la définition fréquente du cash-flow puisqu'il s'agit ici de mesurer la totalité des flux produits par l'entreprise. Que ceux- ci aient été conservés par l'entreprise ou bien versés aux préteurs de fonds sous forme de frais financiers ou bien encore versés en dividendes aux actionnaires n'est pas un élément significatif. Ce qui importe ici est de mesurer la richesse créée par l'entreprise.
Pour résumer ce qui précède, le processus de calcul du profit économique qui consiste à calculer le rendement du capital investi comporte deux écueils : l'évaluation économique des actifs employés par l'entreprise et la mesure des flux de liquidités. La mesure d'une performance n'a d'intérêt que si elle prépare à l'action. Améliorer le rendement du capital investi suppose tout d'abord de rappeler l'autre équation fondamentale : marge / C.I.= (marge / C.A.) x (C.A. / C.I.)
Marge = cash-flow libre
C.I. = capital investi (en valeur économique)
C.A. = chiffre d'affaires
Ce qui revient à dire que le taux de rotation du capital est aussi important que la marge sur chiffre d'affaires. Cette évidence a longtemps été oubliée dans le système de pilotage des entreprises. C'est certainement ici que se situe l'impact pratique le plus significatif de la création de valeur sur la gestion des entreprises. La gestion par la valeur (value based management pour les Anglo-Saxons) revient à introduire à tous les niveaux de l'entreprise l'idée que la performance se mesure non par la marge sur chiffre d'affaires, mais par la marge sur capital employé. Réduire celui-ci peut s'obtenir par de nombreux moyens : externaliser les activités les plus capitalistiques, allonger la durée d'emploi des actifs ou réduire le cycle d'exploitation.
La mesure du coût des capitaux investis
La deuxième grande difficulté liée à la mesure du profit économique provient du calcul du coût des capitaux. Le modèle comptable traditionnel évacue ce problème en considérant que les fonds propres ont un coût nul. Cette convention n'est pas soutenable économiquement. Il faut donc à ce stade estimer le coût des fonds propres, puis calculer le coût moyen des ressources employées par l'entreprise (à la fois dettes financières et fonds propres). Le coût des fonds propres dépend notamment du niveau d'endettement. Or, la dette n'est pas en elle- même créatrice de valeur si son objet est de financer des actifs à faible rendement. Le calcul du coût moyen pondéré du capital (le WACC des Anglo-Saxons) est en apparence tout à fait élémentaire.
Exemple : soit une entreprise dont la structure de bilan est la suivante : fonds propres = 100 et dettes financières = 40. Supposons que les fonds propres ont un coût de 15% et la dette un coût net de 4%. Le calcul sur les valeurs comptables donne un résultat simple : coût moyen pondéré du capital = 100 / 140 x 15% + 40 / 140 x 4% = 11.8%.
Ce résultat en apparence indiscutable est malheureusement inexact. En effet, la pondération devrait être effectuée en utilisant non pas les valeurs comptables, mais les valeurs de marché. Si les actions de l'entreprise évoquée valent par exemple 150, nous aurons un CMPC de : 150 / 190 x 15% + 40 / 190 x 4% = 12.7%.
Ceci n'est pas gênant pour une entreprise cotée où la valeur des actions est fixée quotidiennement par le marché. Il en va autrement dans les sociétés non cotées où l'analyste doit d'abord procéder à une évaluation des titres avant de calculer le CMPC. La question que pose souvent le dirigeant d'entreprise lorsqu'on lui indique le coût effectif des capitaux engagés est de savoir quels sont les leviers d'action. Le paradoxe est que l'abaissement du CMPC d'une entreprise n'est pas le résultat de décisions financières, mais de choix stratégiques. En effet, réduire le coût du capital revient à réduire le niveau de risque. Pour une entreprise, celui-ci se mesure par la variabilité de ses résultats. L'écart type du rendement est donc un bon indicateur du risque d'entreprise. Or, les facteurs qui influent sur la variabilité du résultat sont principalement au nombre de quatre à savoir :
1) la part des coûts fixes dans la structure de coûts (plus celle-ci est élevée, plus une variation de C.A. se verra amplifiée dans la variation des résultats) ;
2) le côté cyclique ou régulier de la demande ;
3) la répartition du portefeuille «produits-marchés» (répartition du risque) ;
4) le niveau de différenciation de l'offre.
Ainsi, plus la firme propose au marché un produit différent de ses concurrents avec une réelle valeur- client (*), plus elle accroît son pouvoir de marché. Dans ce cas, elle moins dépendante de l'action de ses concurrents. On retrouve ici le concept de l'entrepreneur schumpetérien et le rôle de l'innovation.
On voit bien que tous les facteurs évoqués ci-dessus n'ont rien de strictement financier et portent sur des choix stratégiques. Réduire le niveau d'intégration d'une entreprise abaisse plus certainement le coût du capital que toute technique sophistiquée d'endettement. De même, localiser les actifs et les dettes dans des entités non consolidées n'est qu'un artifice que la réalité économique dévoile tôt ou tard. Créer de la valeur ne s'obtient que par des choix stratégiques et non par des techniques financières !
(*) La valeur- client représente la valeur actualisée des profits attendus d'une clientèle pendant toute sa durée de vie.
Conclusion
L’Algérie est donc toujours pour le moment un pays en développement (PED) et ne risque pas dans un proche avenir à changer de statut. La raison est qu’aucune méthodologie de développement n’est appliquée. Et pourtant, elle contribue à concentrer ce que l'on sait déjà d'une manière beaucoup plus synthétique et à concevoir ce qui reste à apprendre en complément de l'acquis. Ces deux principes sous-tendent toute idée de progrès. La triste réalité économique nous rappelle que cette approche est ignorée et met à jour régulièrement des dysfonctionnements en série.
Je souscris donc aux critiques à l'adresse des pays en éternelle voie de développement où des réformes essentielles au niveau de l'éducation, de la santé, de l'agriculture, du secteur industriel et financier ne sont jamais réalisées, car c'est très précisément dans un développement dévoyé que ces pays sont engagés. Le terme dévoyé est d'autant plus significatif que dans nombre de ces pays, comme dans le nôtre, des déclarations politiques tonitruantes sont faites régulièrement pour annoncer des objectifs de relance économique jamais traduits en actes, mais sous l'illusion desquels se déroule une consommation faramineuse de budgets.
Mourad Hamdan, consultant en management
Principales références : Jean-François Pansard et Romain Duprat sur la mesure de la création de valeur.

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