Faisons ensemble de l’élection présidentielle un passage pacifique de convergence pour engager le redressement

Notre pays s’apprête à traverser une échéance décisive pour son avenir immédiat et son devenir lointain. Pour la première fois depuis l’indépendance, un rendez-vous électoral a pris, progressivement et crescendo, les aspects d’une aventure et d’une arène politiques chargées d’incertitude et d’inquiétudes, dans un climat politique inédit. L’Algérie n’a jamais auparavant ,en effet, paru à ce point fiévreuse, désemparée et presque lézardée à la veille d’une opération électorale synonyme d’impératifs de choix tranchants. Signe d'un enfantement laborieux, douloureux, complexe et risqué, cette échéance n’a pas été – comme par le passé – la seule affaire des forces politiques organisées, des mouvements et des milieux agissants. De nombreuses personnalités, notamment anciennes, civiles et militaires, d’horizons divers et d’époques diverses – exprimant à coup sûr des sentiments nationalistes – se sont mises en avant, sortant, pour la première fois, pour la plupart d’entre elles, de leur réserve officielle ou personnelle. Ces sorties publiques ont gagné en ampleur, en intensité et en fébrilité à mesure que se rapprochait la date du scrutin. Ces positionnements ont résonné comme des signaux d’alerte forts sur la gravité des moments et des événements qui nous traversent en interne et qui nous entourent en externe. Ils ont retenti comme des avertissements pressants presque assourdissants pour attirer l’attention sur les dangers et la nature capitale des enjeux, mais aussi pour raviver les espérances de notre peuple, ses jeunes, en premier lieu. Parmi les personnalités influentes – anciennes ou encore en activité qui se sont manifestées, de façon mesurée pour certaines et passionnée pour d’autres –, certaines, dont l'ancien président de la République Liamine Zeroual, un homme d’Etat connu pour sa droiture et sa crédibilité, se sont distinguées par des déclarations-programmes par lesquelles elles ont directement et solennellement interpellé le peuple algérien. Certaines sont revenues plusieurs fois de suite à la charge et d’autres ont entretenu le débat et la controverse, notamment par voie de presse. C’est une première, en Algérie que des figures de poids, d’influence et d’Histoire se mettent ainsi en avant, d’autant plus que les noms de beaucoup d’entre eux sont adossés à des parcours politique, intellectuel, culturel et militaire d’envergure, et couplés à la lutte de Libération nationale et à la tragique décennie de feu et de sang qu’a traversée notre pays – il y a de cela bientôt vingt ans – et qui a failli l’emporter. Période de tourmente où notre peuple, dans toutes ses sensibilités et ses composantes, a sauvé l’Algérie grâce à sa résistance, au quotidien, partout multiforme, courageuse, mains nues et en soutien à ses forces armées postées aux premières lignes de défense et de combat (Armée nationale populaire, services de sécurité, Sûreté nationale, patriotes engagés volontaires armés, moudjahidine et jeunes de l’indépendance côte à côte, jeunes et vieux gardes communaux). Cela au prix d’un énorme sacrifice humain et d’un grave gâchis matériel et de lourdes pertes financières, lui épargnant les terribles affres du chaos et du génocide et lui rouvrant ainsi, par le retour à ses fondements et le recouvrement de ses repères, le chemin ardu de la rahma, de la concorde civile et de la réconciliation nationale qui ont permis le rétablissement progressif de la paix et de la stabilité et ouvert la voie difficile à la fraternité et à l’unité, favorisant ainsi la cicatrisation progressive des plaies profondes et l’apaisement des souffrances insupportables. Ces déclarations et appels à la mobilisation n’ont pas manqué de marquer et d’orienter considérablement la campagne électorale (lors des meetings et des interventions dans la presse et ailleurs) ; une campagne qui a connu de vives tensions et des dérives physiques heureusement circonscrites et refrénées ; une campagne paradoxalement marquée, tout au long des discours officiels et des échanges verbaux, par la polémique acharnée dans la forme et par la similitude ahurissante dans les engagements et les promesses, dans l’unanimité clamée au sujet du redressement dans tous les domaines, de la prééminence du consensus dans les choix stratégiques futurs, de la sacralité de l’unité nationale et de la stabilité, du rejet de toutes formes de violence et de fracture politiques et de la hantise du danger extérieur réel, actuel, agressif et ravageur. Le climat de tension permanente, à haut risque, qui a traversé les jours qui viennent de s’écouler en a rajouté aux alertes et initiatives de forces politiques et de segments actifs de la société civile dans leurs élans de mobilisation et leurs appels à la mobilisation. Il a interpellé toutes celles et tous ceux qui sont inquiets de l’avenir de ce pays. Il est intéressant qu’au final il y ait eu chorus public sur l’exigence de la prise de conscience du potentiel de risques avérés de la situation et sur le mot d’ordre d’actions unitaires, constructives et non violentes pour rassembler activement les énergies et réserves patriotiques et démocratiques dans un grand creuset dynamique dont la finalité est, en appui sur les réalisations nationales et les acquis économiques, sociaux et identitaires accumulés depuis l’indépendance, de donner son second souffle à l’Algérie de Novembre, sédimentée dans sa diversité à la fois authentique dans ses racines et réceptive aux grandes valeurs universelles ; moderne dans sa progression et ses perspectives ; à la fois libre telle que l’ont rêvé celles et ceux qui sont morts pour elle et celles et ceux qui ont continué le combat et le continuent encore sur tous les fronts ; en un mot, une Algérie d’union, de communion et de libération ; une Algérie solidaire et forte, cimentée contre toute fissure intérieure et blindée contre toute agression extérieure. Ce sont là nos attentes profondes de citoyennes et de citoyens jaloux de leur liberté, avides de paix et de progrès et capables de relever les grands défis nationaux et internationaux. Nous revendiquons pour ce pays des lignes directrices et un cap d’action stratégique audacieux et prometteur vers un Etat dont l’autorité est reconnue et acceptée par toutes et par tous, car fort de sa justice impartiale et de l’égalité devant la loi ; fort du respect dû à la loyauté et à la probité morale et intellectuelle de ses dirigeants, à tous les niveaux ; fort de la solidité et de la pérennité de ses institutions républicaines et démocratiques ; un Etat véritablement stable par la mobilisation consciente de ses forces vives majoritairement jeunes de tous les milieux, de ses hommes et de ses femmes ; une République démocratique dans ses rouages, populaire dans ses fondements et sociale dans sa finalité ; une république ouverte sur les grandes valeurs universelles de progrès ; une République ancrée dans ses origines millénaires amazighes de liberté et de résistance ; une République imprégnée des valeurs scientifiques et humanistes de sa religion, l’islam ; une République attachée à sa civilisation arabe florissante multicentenaire d’appartenance.
Evacuer toute forme de défaitisme injustifié ou de romantisme invétéré
Ces objectifs, ces aspirations légitimes ne seraient toutefois que slogans creux, stériles voire démagogiques si ne sont pas assurés, à la stabilité et à la paix civile, les facteurs et les conditions du rassemblement patriotique requis et rêvé. Il est attendu de nous tous, dans cette optique et en ces brûlantes et mortelles circonstances régionales et mondiales – et pour faire front aux velléités, desseins, tentatives et projets de déstabilisation et de division visant à empêcher l’Algérie de jouer son rôle naturel de puissance régionale émergente positive et souveraine – de protéger, de couver la sécurité nationale. Et c’est trop peu dire que d’affirmer qu’il y a un impératif de survie nationale de préserver de toute diversion, de toute fragilisation, de toute paralysie, de toute division et de toute instrumentalisation, l’institution militaire de défense et de sécurité nationale et son potentiel de prévention, de protection et d’intervention. En amont, la puissance, c’est aussi les potentialités et capacités économiques et financières. Les recettes fluctuantes et incertaines de nos ressources naturelles, en hydrocarbures essentiellement, ne doivent pas dévoyer notre obligation d’investir plus résolument, ici et maintenant, dans le développement durable progressivement dissocié de ces recettes. Il est vital et urgent que celles-ci servent plus vite à mieux préparer l’avenir des générations futures. Notre vaste et riche pays a les moyens d’une telle ambition. Il a besoin pour cela d’une remise à plat franche et radicale de la politique de rentabilisation des fonds colossaux dépensés et d’un usage mieux réfléchi et mieux orienté de ces fonds ; un usage au long cours, mieux cadré et plus judicieusement projeté dans l’avenir.
Il est tout aussi urgent que le climat d’affaires – vital pour relancer l’appareil de production (dans toutes les sphères d’activité) –, mais jusqu’ici caractérisé par la fragmentation, la mauvaise visibilité et le manque de lisibilité voire par la versatilité et la perversion, soit résolument et sérieusement assaini et moralisé afin de libérer toutes les bonnes volontés patriotiques, tous les gisements de compétences et l’ensemble des initiatives privée et publique afin de vraiment les débarrasser des sources récurrentes d’incertitude, de méfiance, de dissuasion, de pression, d’oppression et même de répression. Un bilan expert et serein de la gouvernance est également une attente collective d’urgence face aux graves dérives qui ont entaché les réalisations nombreuses enregistrées ces dernières années notamment dans les équipements structurants et les grandes infrastructures. Il est question de dégager des perspectives et des issues réalistes de redressement et de nouveau départ en tirant les enseignements de l’opportunité des choix faits, de leur faisabilité souvent entachée de volontarisme, des rythmes anormalement longs de réalisation, des lenteurs, retards, malfaçons, surcoûts et dilapidations induits, du bien de la communauté nationale, des détournements et de la grande corruption ayant généré une mafia antinationale vorace qui a eu le temps d’essaimer et dont la montée en puissance a gangrené de nombreux secteurs de l’économie et de l’administration lui permettant de mettre un pied ferme et crochu à l’étrier politique.
L’économie nationale continue de pâtir, en dépit des grands projets lancés ou à l’étude, de la politique de désindustrialisation qu’elle a subie. La base productive nationale est à reconstituer plus vite, plus solide, plus durable et réellement moderne. Cela commande des visions adaptées et un état d’esprit nouveau, basé sur le souci absolu de l’intérêt national, la satisfaction non seulement quantitative, mais qualitative de la demande intérieure pressante et croissante, la compétitivité sur le marché mondial, la crédibilité, le dialogue et la concertation sociale larges, responsables et loyaux, la probité managériale, la transparence et la technicité dans la gestion. Elle a besoin de la mobilisation de toutes ses ressources humaines, de la confiance, de la responsabilisation et de l’accompagnement des jeunes, en harmonie et en symbiose avec la capitalisation des compétences professionnelles et relationnelles des aînés qu’il faut associer (sous des formules adaptées) et auxquels, au besoin, il faut faire (r)appel en soutien aux jeunes cadres à appuyer et lancer. En un mot, il s’agit, avec les moyens financiers dépensés et ceux encore disponibles, de faire mieux, moins coûteux, plus rapidement et de qualité normative, plus durablement.
Pour le bien et le bien-être de notre pays, c’est donc aujourd’hui plus qu’hier une tâche vitale d’intérêt national que soit engagée, sans tarder, une large concertation représentative des couches populaires les plus larges pour un grand projet citoyen, pacifique et constructif accompagné – sans sectarisme, ni étroitesse partisane – par les forces politiques, associatives, sociales et culturelles et par des personnalités nationales reconnues, et ce, autour d’un mot d’ordre d’entente nationale progressiste concret dont la finalité suprême est de transcender le rendez-vous sensible incontournable du 17 avril 2014, afin de se réattribuer tous ensemble ce pays avec fermeté positive, sans velléités d’appropriation et sans esprit revanchard ni règlement de comptes politiques, pour le veiller jusqu’à sa remise plus sûre sur les rails et sa propulsion nouvelle et irréversible. Dans peu de temps, donc, dont les heures sont comptées, ou l’Algérie s’engagera dans le redressement et le renouveau sincères, retrouvant ainsi son chemin pour raffermir ses valeurs patriotiques, progressistes et humanistes ou alors elle errera encore un temps indéterminable avant d’imploser ou d’exploser plus ou moins violemment et de sombrer…
Il y a un sentiment général flagrant qu’en ces moments à la fois précaires et optimistes que l’Histoire retiendra, l’Algérie est mûre pour ce changement vital, profond et multidimensionnel crié par tous ; par tous ses enfants restés fidèles à son histoire et ses espoirs ; c’est un fort sentiment irrépressible que l’Algérie est grosse de ce changement. Sous peine d’un avortement désastreux et fatal, déclenché ou subi, ce changement doit impérativement être engagé. Avec lucidité et perspicacité. Sans délai. Mais au rythme des possibilités, des limites, des contradictions, des paradoxes et des obstacles de la situation.
La sagesse dicte d’évacuer toute forme de défaitisme injustifié ou de romantisme invétéré. Pour nous tous qui constituons la fameuse grande majorité silencieuse de la population, jusqu’ici cantonnée dans l’observation détachée, aigrie, mais en réalité frustrée, inquiète et en colère ; pour celles et ceux qui ont agi par des actions de rue pacifiques, ininterrompues tout au long du processus électoral ou par la pression sociale multiforme ; pour celles qui envisagent de les reprendre et de les poursuivre et pour ceux qui s’inscrivent dans des projets plus radicaux, mais lourdement hasardeux, de réactions publiques collectives fortes, le scrutin du 17 avril est là et bien là. Il constitue un passage qualitatif à la fois de convergence et de rupture féconde qu’il nous appartient de faire déboucher sur la grande mutation démocratique reconnue par tous, arrivée à maturité, incompressible et inéluctable ,et ce, à la meilleure allure possible ; mais avec résolution, combativité et endurance ; mais aussi avec sagesse, souplesse et clairvoyance. Aussi, avec cet esprit, participer à ce scrutin et voter, en son âme et conscience, sans triomphalisme ni fatalisme préalables, pour le candidat incarnant le plus l’avenir et portant le mieux le projet national et sociétal de l’Algérie de demain ou alors s’abstenir de voter – par intime conviction – sera notre manière de se débarrasser de cette démobilisation désabusée, méfiante, stérile et corrosive en vue peser à fond dans le sens d’une issue pacifique, consensuelle résolument orientée vers le sursaut de la nation et son engagement sur la voie de son redressement durable et sans repli. Ce scrutin, il s’agit de le passer et de le dépasser – abstraction faite de notre diversité d’approches – comme on passe un rendez-vous incertain, sensible, mais inévitable. La mobilisation large pour la démocratie, les libertés et le progrès social et culturel n’en pourra que repartir sur de meilleures bases, dans des formes d’action et des objectifs devenus mûrs et incontournables.  Car, au-delà de ce scrutin et quelle qu’en soit l’issue, demain a déjà commencé et reste à faire.
Pour une Algérie fraternelle, consensuelle, pluraliste, plurielle et sans tutelle !
Mustapha Zediri, politologue, cadre supérieur à la retraite, ancien dirigeant du syndicat d’El-Hadjar de 1988, ancien dirigeant dans l’ex-PAGS
 

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