Quelles leçons tirer du faible taux de participation à l’élection présidentielle du 17 avril 2014 ?

Attention à l’euphorie de certaines personnes qui veulent leur part de rente. Le verdict du Conseil Constitutionnel même en prenant les données officielles est inquiétant.

Attention à l’euphorie de certaines personnes qui veulent leur part de rente. Le verdict du Conseil Constitutionnel même en prenant les données officielles est inquiétant.
Le Conseil constitutionnel vient de communiquer le 22 avril 2014 les résultats définitifs de l’élection présidentielle du 17 avril qui s’établit comme suit : électeurs inscrits : 22 880 67 ; votants : 11 600 984 ; taux de participation : 50,70 % ; bulletins nuls : 1 132 136 ; suffrages exprimés : 10 468 848.
S’agissant des suffrages obtenus par chaque candidat, ils sont arrêtés, par ordre décroissant, comme suit : Monsieur Abdelaziz Bouteflika : 8 531 311 ; Monsieur Ali Benflis : 1 288 338 ; Monsieur Abdelaziz Belaïd : 328 030 ; Madame Louisa Hanoune : 157 792 ; Monsieur Ali Fawzi Rebaïne : 105 223 et Monsieur Moussa Touati : 58 154. Il s’ensuit que les votants s’étant exprimés par rapport aux inscrits pour un candidat représentent 45,75%, les bulletins nuls 4,95%. Par ailleurs, au 1er janvier 2014, la population résidente totale en Algérie a atteint 38,7 millions d’habitants. Si l’on prend en compte la population algérienne en âge de voter 18 ans et plus, nous aurons 24 768 000 votants potentiels, donc 1 880 000 environ sont non-inscrits. En référence aux votants inscrits et non-inscrits pour différentes raisons, les votants s’étant exprimés pour l’ensemble des candidats, le taux de participation représente 42, 26%. Si l’on tient compte des bulletins nuls, le taux est encore plus bas. Monsieur Abdelaziz Bouteflika par rapport aux inscrits obtient 36,49% et par apport au total inscrits et non-inscrits 33,71%. Monsieur Ali Benflis par rapport aux inscrits obtient 4,94% et par rapport aux votants potentiels 4,57%. Monsieur Abdelaziz Belaïd obtient par rapport aux inscrits 1,66% et par rapport aux votants potentiels 1,32%.Mme Louisa Hanoune obtient par rapport aux inscrits 0,68% et par rapport aux votants potentiels 0,63%. Monsieur Ali Fawzi Rebaïne obtient par rapport aux inscrits 0,45% et par rapport aux votants potentiels 0,42%. Enfin, Monsieur Moussa Touati obtient par rapport aux inscrits 0,25% et par rapport aux votants potentiels 0,23%.
Quelle conclusion tirer ? 42,26% par rapport aux votants potentiels en âge de voter posent la question du divorce Etat-citoyens qui ne croient plus en la politique. A partir des structures d’âges, selon certains sondages, ce sont les personnes âgées de 45 ans et plus qui ont voté et les jeunes en majorité se sont désintéressés de ce vote. Aussi sans verser dans la sinistrose ni dans l’autosatisfaction, il s’agit d’analyser les résultats de l’élection présidentielle d’avril 2014 en référence aux sources officielles. Attention donc à l’euphorie, étant important de relativiser les résultats, d’éviter les discours triomphants et de se poser cette question stratégique : statu quo après l’élection présidentielle ou changement réel ? L’Algérie, face aux bouleversements géostratégiques, héritera d’une situation socio-économique très difficile entre 2014 et 2020 qui impliquera de profonds ajustements politiques, économiques et sociaux, loin des actions populistes devant aller vers une libéralisation maitrisée. La crise est si profonde que les partis de la coalition présidentielle avec tous leurs satellites ne peuvent résoudre à eux seuls les problèmes complexes d’autant plus que la campagne électorale a montré, et les résultats sont là, représentant un tiers des électeurs, que certains représentants de partis, malgré leur activisme, ont été de peu d’utilité au président sortant candidat à sa propre succession, incapable de mobiliser la population même de leurs douars tant à l’est, à l’ouest , au centre qu’au sud. Aussi, on peut émettre l’hypothèse, et en nous tenant aux données officielles, que sur les un tiers, 80% sont imputables au candidat Abdelaziz Bouteflika lui-même, 10% aux partis, FLN et RND, 8/9% à tous leurs satellites, et organisations y compris l’UGTA, et entre 1 et 2% pour les partis de Amar Ghoul et Amara Benyounès au vu des salles vides et du rejet de la population ; ils ont été incapables de mobiliser malgré leurs discours triomphants. Nous retrouvons les tendances de la dernière élection législative où FLN et RND ont totalisé environ 10% de participation par rapport aux inscrits.
L’Algérie est donc à la croisée des chemins, avec la baisse annoncée inéluctable des recettes des hydrocarbures, ne pouvant continuer à dépenser sans compter si l’on veut éviter d’épuiser progressivement tant les réserves en devises que le Fonds de régulation des recettes au bout de quatre à cinq années. La transition politique et économique solidaire est inéluctable si l’on veut éviter des remous sociaux et politiques incontrôlables impliquant de profondes réformes structurelles qui seront douloureuses d’où l’importance d’une moralité sans faille de ceux qui dirigent la Cité afin de permettre un sacrifice partagé. Du fait des importants bouleversements géostratégiques mondiaux qui s’annoncent entre 2015 et 2020, l’Algérie qui traverse une phase cruciale de son histoire a besoin qu’un regard critique et juste soit posé sur sa situation, sur ce qui a déjà été accompli et sur ce qu’il s’agit d’accomplir encore au profit exclusif d’une patrie qui a besoin de se retrouver et de réunir tous ses enfants autour d’une même ambition et d’une même espérance : un développement harmonieux, conciliant efficacité économique et une profonde justice sociale. Pour cela, il faudra donc un minimum de consensus entre les différentes forces sociales, économiques et politiques ce qui ne saurait signifier unanimisme signe de décadence de toute société. Il s’agira de combattre toute forme de xénophobie et d’intolérance. Cela impliquera des réaménagements au niveau des structures du pouvoir, loin des aléas de la rente des hydrocarbures si l’on veut éviter une déflagration sociale avec des incidences de déstabilisation régionale, qui impliquera forcément une intervention étrangère.
Abderrahmane Mebtoul, professeur des universités
 

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