Le front ne sue plus
Par Kamel Moulfi – A la veille du 1er Mai, Journée internationale des travailleurs, ce titre fait, évidemment, allusion à l'expression «à la sueur de son front», qui glorifiait l’effort, presque sacralisé, et lui reconnaissait tous les mérites. Rien n’est moins vrai aujourd’hui. Le schéma d’organisation de l’économie imposé par le FMI, la Banque mondiale et les puissances néo-colonialistes, et relayé par des affairistes peu soucieux de l’intérêt national, a conduit à un désordre dans les valeurs, en rétrogradant le travail au dernier rang et en plaçant en haut de l’échelle sociale la débrouillardise, le trabendo, la tchipa, le travail au noir, et, carrément – la dérive y conduit directement –, le vol, le détournement de biens publics et la corruption. Une grande partie de l’élite syndicale a fait un saut dans un statut social qui ne correspond pas à sa situation d’origine, donnant un très mauvais exemple aux travailleurs. L'effort n'est plus récompensé. Le pouvoir encourage la fainéantise et le gain facile. Un passeur de valise aux frontières, un vendeur dans l’informel, un agent de sécurité de nuit qui «bricole» le jour, un gardien de parking qui squatte par la force une portion de rue, ne parlons pas du délinquant, gagnent bien plus qu’un travailleur, et parfois même plus qu’un cadre ; pourquoi étudier ou apprendre un métier et trimer toute la journée ? Et à quoi bon, pour les travailleurs, réfléchir à cette situation afin d’y remédier et remettre chaque chose à sa place ? Les travailleurs, principales victimes de trois décennies de déstructurations qui ont touché aussi bien la sphère économique que celle des relations sociales sont plutôt dépolitisés, en tout cas trop désunis pour agir. Leurs rangs ont été laminés par les licenciements opérés par centaines de milliers au moment où la production nationale était sacrifiée au profit des importateurs. Dans un contexte où l’offre de produits, le plus souvent importés, ainsi que la publicité envahissante qui les accompagne dans les médias, et le mode de vie «au-dessus» des possibilités de l’Algérien moyen, poussent tout le monde vers une course à l’argent, les inégalités sociales deviennent encore plus insupportables et ont un impact dévastateur sur les travailleurs, ou ce qu’il en reste, qui se lancent eux aussi, dans cette course où, naturellement, aucune place n’est faite à l’effort.
K. M.
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