La Russie met en place son propre système de cartes de paiement : la gifle de Poutine à Obama
Devant les pressions exercées sur elle par le monde occidental depuis l’éclatement de la crise ukrainienne, la Russie semble avoir plus d’un tour dans son sac pour faire face à la nouvelle situation qui se dessine. De quoi désarçonner ses détracteurs. Surtout que le plus grand pays du monde, par sa superficie, a décidé d’agir là où ça fait le plus mal pour ses adversaires : la finance. En effet, et c’est officiel, le Parlement russe vient d’adopter après une troisième lecture la mise en place d’un système national de cartes de paiement. L’on s’attend donc à un bouleversement du système financier mondial dominé par le dollar. Mais en quoi ce changement impacte le système financier mondial ? Le marché russe offrirait actuellement aux systèmes de paiement mondiaux, dominés notamment par les groupes financiers et bancaires américains, plus du tiers des transactions. Certains l’évaluent même à quelque chose comme 40%. Et comme les transactions russes se faisaient jusqu’ici majoritairement en dollar américain, les Etats-Unis ont raison de trembler devant cette nouvelle donne. Conséquence : les lamentations occidentales ne font que commencer et certains géants financiers ne le cachent d’ailleurs pas. A commencer par le groupe de cartes bancaires MasterCard, qui avait pourtant, une semaine auparavant, procédé au blocage des opérations des banques russes Rossia et SMP, au titre des sanctions prises par le monde occidental contre la Russie. L’autre groupe américain Visa avait fait de même en cessant, sans préavis, de fournir ses services de paiement aux clients de ces institutions financières. Selon certains économistes, les compagnies américaines Visa et MasterCard assurent actuellement, à elles seules, jusqu’à 90% des paiements effectués par cartes bancaires à l’intérieur de la Russie. MasterCard, qui n’avait, apparemment pas prévu cet effet boomerang, a publiquement exprimé sa préoccupation face à la décision de la Russie de créer son propre système national de paiement. La réaction de la Russie a fait l’effet d’une bombe dans le camp des milieux financiers américains. «La Russie constitue un marché d’importance stratégique pour MasterCard. En Russie, comme dans le reste du monde, nous travaillons en stricte conformité avec la législation locale. Voici pourquoi nous sommes profondément préoccupés par l’adoption d’amendements à la loi fédérale sur le système national de paiement et étudions actuellement les conséquences possibles de ces aménagements pour nos propres activités d’affaires et celles de nos partenaires.» Le communiqué de Mastercard donne, ainsi, un avant-goût de l’ampleur des dégâts que le système financier américain s’apprête à subir de plein fouet. D’après la presse russe, le gouvernement semble avoir tout prévu puisque l’alternative aux systèmes de paiement américains serait déjà prête. Mais selon des experts, d’autres solutions sont aussi à prévoir, comme le recours à d’autres fournisseurs de ces prestations, à l’exemple de l’allemand Siemens, qui pourrait sauter sur l’occasion pour tirer les marrons du feu, l’opportunité étant trop belle pour la gâcher. C’est dire que les sanctions prises récemment par les Américains et leurs alliés, notamment européens, risquent de se retourner contre eux, pour la simple raison que les Russes disposent de l’arme la plus redoutable qui risque de nuire gravement à la stabilité et à la prospérité du monde occidental : les hydrocarbures. L’alliance stratégique avec le géant chinois et ses relations poussées avec certaines puissances régionales, comme l’Iran, constituent des atouts que la Russie commence déjà à exploiter pour faire face aux pressions occidentales. La contre-offensive russe aux obstacles dressés devant ses établissements financiers par le système financier américain pourrait, par ailleurs, faire réfléchir d’autres pays partenaires des puissances occidentales. Par effet d’entraînement, ces derniers pourraient être tentés de se défaire de l’emprise américaine sur leurs économies par le biais du dollar, la devise utilisée mondialement dans les transactions financières et commerciales. Les économies montantes, à l’image des Brics et des pays en voie de développement, savent, maintenant qu’elles ne sont jamais à l’abri de mesures de représailles ou de rétorsion si jamais il leur venait à l’idée de remettre en cause l’ordre mondial établi ou s’écarter du chemin tracé par l’oncle Sam.
Amine Sadek