Pourquoi Bouteflika veut associer les anciens de l’AIS et du FIS à la révision de la Constitution

Faut-il se réjouir de ce que les anciens dirigeants du FIS et de l’AIS se crêpent le chignon à l’approche des consultations sur la révision de la Constitution ? La dernière sortie du fondateur de l’Armée islamique du salut – qui, contrairement à ce que son nom pourrait suggérer, est un groupe terroriste –, sur les colonnes d’un média arabophone et dans laquelle il traite Ali Benhadj de «clown» et efface Abassi Madani, désormais «hors champ», ne doit pas nous leurrer. Le retour de cette figure emblématique du terrorisme et de la violence, provoqués par l’importation de l’extrémisme religieux dans notre pays au milieu des années 1980, est un signe que le pouvoir en place a décidé de remplacer une frange dite modérée de la mouvance islamiste par sa fraction la plus intraitable, à des fins purement politiciennes. Le contexte politique actuel, marqué par une réélection plus que controversée du président Bouteflika pour un quatrième mandat, a fait naître chez les tenants du pouvoir le sentiment d’une nécessaire alliance avec les anciens dirigeants du parti dissous pour plusieurs objectifs liés. Le très remonté Bouteflika veut ainsi «punir» une partie des islamistes qui étaient considérés comme «fréquentables» au point de les associer au gouvernement, au moment même où le pays se remettait de dix années d’un terrorisme intégriste sanglant. Mais la dernière élection présidentielle et la virevolte du MSP, après la déposition de Bouguerra Soltani, le successeur du chef historique et fondateur de ce parti rival du FIS, le défunt Mahfoud Nahnah, ont mis Bouteflika dans l’embarras, lui qui, dès son premier mandat en 1999, s’était barricadé derrière le bouclier nationalo-démocratico-islamiste incarné par le FLN, le RND et le MSP, dans le cadre de l’Alliance présidentielle. L’éclatement de cette couverture politique avait donné du fil à retordre au candidat à sa propre succession. Fragilisé par la perte d’un des piliers de son règne, Bouteflika se tourne vers ceux que d’aucuns Algériens considèrent comme les «seuls et vrais» représentants de la mouvance islamiste dans le pays. Un calcul machiavélique qui est censé permettre à Bouteflika de reconstituer son alliance triangulaire, montrer à ses anciens alliés qu’il peut les remplacer d’une pichenette et, plus important encore, aux opposants non islamistes à sa réélection qu’il compte se servir des anciens terroristes de l’AIS et des extrémistes du FIS comme d’une courte échelle pour hisser la réconciliation nationale au rang d’amnistie générale. On s’achemine donc vers une réhabilitation graduelle de ceux qui ont porté les armes et tué par milliers dans les années 1990, jusqu’à les inviter à donner leur avis sur la rédaction de la Loi fondamentale de la République qu’ils ont combattue hier pour instaurer un émirat théocratique fondé sur l’arbitraire de la justice seigneuriale.
Karim Bouali
 

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