Une prisonnière politique marocaine écrit «du fond des geôles de l’humiliation et du déshonneur»
«Camarades,
«Camarades,
J'appartiens aux opprimé-e-s, aux humilié-e-s et aux exploité-e-s qui subissent la détention. Mon emprisonnement est lié à ma qualité de militante des droits humains et à mon engagement politique au parti La Voie démocratique ainsi qu'à mon attachement à la lutte aux côtés des ouvrières et ouvriers. Cette classe ouvrière marginalisée, exploitée qui travaille dans des conditions d'oppression et de despotisme. Une exploitation doublement insupportable en particulier pour les femmes qui subissent les licenciements abusifs collectifs et individuels, la totale absence de protection sociale, etc. Ma détention n'était pas une surprise pour moi, car je savais – et dès les premiers instants de mon enlèvement et de la torture que j'avais subie psychiquement et physiquement – que le régime (Makhzen) cherchait à redorer son blason avec une idée préalable visant à falsifier les faits avant même un simple début d'enquête à ce sujet. Cher-e-s camarades, du fond des geôles de l'humiliation et du déshonneur, je vous adresse mes salutations les plus respectueuses et considérables et tout particulièrement au corps de ma défense, à toutes les organisations de droits humains et politiques, à tous les prisonniers politiques qui croupissent dans les geôles de ce détestable régime, à tous les détenu-e-s du glorieux mouvement marocain du 20 Février. Je peux mourir dans ma cellule en levant les symboles de la victoire et de la fierté. Je veux transmettre mes salutations à mon camarade détenu Oussama, aux jeunes du mouvement du 20 Février, aux camarades de mon parti La Voie démocratique et à sa jeunesse combative. Je salue toutes celles et tous ceux qui m'ont soutenu de près ou de loin. Salutations de fierté et de reconnaissance à ma famille qui a subi la douleur, la maladie, la déception (…) après mon enlèvement et la torture dont j'étais victime. Ce ne sont pas des mensonges comme le prétend le régime qui voulait, depuis le début, que je renonce à mes déclarations et les démentir, et que ce n'était que des hallucinations imaginaires. Camarades, mes principes, mes valeurs de droits humains et politiques que j'ai appris et adoptés au sein de mon parti La Voie démocratique ne me permettent pas de fabuler comme le prétend et le propage le régime dont l'objectif principal est d'étouffer – dans ce pays blessé – toute voix libre revendiquant la dignité, la liberté, la justice sociale et l'égalité.
Mon attachement au combat aux côtés des ouvrier-e-s de Tanger ainsi que mon appartenance politique constituent les raisons principales pour que le régime répressif éteigne ma voix, me prive de mon nom et pour que votre camarade Wafae Charaf se transforme en un numéro parmi d'autres. Mes forces se sont écroulées en cette étape de mon enlèvement et jusqu'à présent, de l’intérieur de ma prison – et malgré mes souffrances des crises de dépression aiguës, et en étant sous soins médicaux avec des attestations prouvant la torture féroce dont j'étais l’objet, qui dépasse les simples conditions humaines et bafouant toutes les conventions internationales de droits humains pourtant ratifiés par le Maroc –, l'Etat Makhzen a fabriqué un dossier avec des accusations fallacieuses. C'est un complot, parmi plusieurs d'autres, contre les militants des droits humains et politiques qui s'opposent à ce régime. Contre les militants de La Voie démocratique sous l'oppression du terrorisme psychique et policier.
Salutations sincères de votre camarade Wafae Charaf.»