Cacophonie post mortem
M. Aït Amara – En guise d’hommage, Albert Ebossé a eu droit à une cacophonie aux lieu et place d’un recueillement dans le calme et la sérénité, après son décès tragique. Les accusations tous azimuts se sont substituées aux messages de sympathie à la famille du défunt. Les uns rejetant la responsabilité de ce qu’il s’est passé au stade du 1er-Novembre de Tizi Ouzou sur les autres, adoptant tous l’attitude de Ponce Pilate : ce n’est pas moi, c’est lui ! A-t-on au moins attendu que la victime soit rapatriée dans son pays natal pour y être enterrée auprès des siens, avant de s’adonner ainsi, toute honte bue, à l’étalage du linge sale d’un football national dévoyé de sa vocation originelle, contaminé par l’argent sale, corrompu par des acteurs qui ont troqué le maillot mouillé contre le papier fiduciaire ? C’est paniqué qu’un joueur a répondu à une question d’un journaliste sur la possibilité de suspendre le championnat : «Impossible !» s’est-il écrié, spontanément. Impossible ? Pourquoi donc ? Parce que les milliards de la facilité et de la frime vont cesser de pleuvoir ? Pourquoi les responsables du football national n’ont-ils jamais répondu à cette question que toute la rue se pose : comment se fait-il que les joueurs du championnat national vaillent des milliards, alors que l’équipe nationale est composée dans sa quasi-totalité de joueurs évoluant sous d’autres cieux ? Pourquoi continuer à gaspiller tout cet argent pour une compétition dont le niveau rase les pâquerettes et dont les stades sont devenus un circus pugilat, une arène de combats au corps-à-corps entre supporters où le farouche entraînement à la violence fait ressortir le vainqueur ? Non pas sur le terrain, mais dans les tribunes, évidemment, où l’exhibition se déroule devant les caméras, sans que les responsables bougent le petit doigt. Est-il normal qu’à la veille de chaque match choc, la DGSN s'enorgueillisse d’avoir mobilisé les agents de l’ordre public par milliers pour en assurer le «bon déroulement» ? Est-il normal que les familles soient exclues des stades par des hordes sauvages, vulgaires, qui obligent jusqu’aux techniciens de la télévision à couper le son pour épargner aux téléspectateurs les insanités déversées par des bandes de voyous surexcités, frustrés, mal élevés, paumés ? Est-il normal que les plus hautes autorités de l’Etat se rendent au stade à la fin de chaque saison, comme si de rien n’était, pour remettre la coupe au club qui aura dépensé le plus pour acheter le plus cher sur le marché des crampons ? Comme toujours, il aura fallu qu’il y ait mort d’homme pour que les voix s’élèvent. Et, comme toujours, lorsque les voix se sont élevées, c’est pour rajouter à la cacophonie ambiante. Alors, de grâce, taisez-vous tous et laissez le défunt Albert Ebossé reposer en paix !
M. A.-A.
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