Ali Benflis dévoile dans un livre blanc pourquoi le système a toujours gagné les élections

La «plus vraie» des accusations qu’un Algérien, qui n’a pas eu à occuper de postes politiques, peut porter au système qui dirige son pays depuis l’indépendance, est bien celle de la fraude électorale. Que dire alors quand il s’agit de quelqu’un comme Ali Benflis qui a vu le système de l’intérieur, y a participé activement et apporte donc un témoignage, de première main, direct, sur la façon dont se déroulent les élections en Algérie ? Son «livre blanc sur la fraude», daté de juin 2014, porte sur la dernière présidentielle, mais il sait très bien que les choses se sont toujours déroulées ainsi et c’est pourquoi, sans doute, il veut que ce livre soit «un appel pour que la fraude soit extirpée à jamais de notre système politique». En fait, dès l’exergue, Ali Benflis laisse entendre qu’il n’y a jamais eu de «compétition électorale honnête et loyale» dans notre pays et donc, comme il le suggère aussi, pas de suffrage populaire. Tirant la leçon, après coup, de l’élection présidentielle d’avril 2014, il fait un constat déjà connu : «Mon échec a été préparé, planifié et organisé par une coalition qui porte trois noms : la fraude, l’argent douteux et certains relais médiatiques inféodés aux puissances détentrices de cet argent douteux.» Directement concerné en tant que candidat par le scrutin du 17 avril 2014, il était bien placé pour observer les mécanismes de la fraude «dans toutes ses étapes, ses formes et ses manifestations». C’est là la force de son témoignage «sincère, objectif et documenté». Anticipant sur les critiques qui relèveraient des lacunes dans son ouvrage, il reconnaît que son travail n’est pas exhaustif, les cas de fraude étant trop nombreux pour les analyser tous. Mais, fait-il remarquer, ce qu’il fournit est «suffisamment éloquent pour donner un aperçu sur les mécanismes de la fraude, érigée en instrument de validation du maintien au pouvoir au mépris de la volonté populaire». Sans l’identifier avec plus de précisions, ni aller trop loin dans les détails, il décrit l’«Alliance pour la fraude» qui unit «des institutions de la République, l’appareil d’Etat, l’argent douteux, une partie domestiquée de la société civile, les médias publics et certains médias privés mais dépendants.» C’est cet instrument que l’on a vu se mettre à l’œuvre bien avant les élections, qui «a dicté ses propres lois et a imposé une somme d’intérêts particuliers aux lieu et place de l’intérêt général et de l’intérêt national». Pour Ali Benflis, «oui, la fraude est devenue un système hautement sophistiqué, contrairement à cette vision réductrice dominante qui voudrait le limiter à l’urne et aux manipulations dont elle pouvait faire l’objet». On est loin des récits anecdotiques sur les agents du FLN qui attendent la pause de midi et envoient les «autres» membres du bureau de vote se restaurer, pour faire leur petit «mic-mac» et bourrer les urnes dans le but d’orienter l’opération électorale selon ce qui a été décidé quelque part «en haut», ou ces autres petites combines, qui apparaissent maintenant mesquines, de changement d’urnes durant le transport entre les bureaux de vote et les centres de vote… Non, la fraude est quelque chose de plus élaboré, le visage de la fraude que dévoile Ali Benflis est «celui d’une Présidence de la République, d’un gouvernement, d’un Parlement et d’un Conseil constitutionnel embrigadés dans une opération électorale à l’égard de laquelle ils n’auront même pas observé le minimum de neutralité et d’impartialité, comme le veut la nature de leurs missions respectives, les exigences de la pratique démocratique et les impératifs de la morale publique». Il faut ajouter «les wilayas, les daïras et les communes, sommées de se mettre en ordre de marche au bénéfice de la candidature du régime en place». Il y a également les grands boulevards ouverts par «les béances diverses et multiples du code électoral». Puis vient en bout de chemin le truquage classique, «bête et méchant», de «l’urne bourrée par tous les moyens : des votes fictifs, des votes multiples, de la manipulation du vote des corps constitués, des bureaux de vote itinérants et de la prorogation sans raison valable de la durée légale du vote». Jusqu’à la liste électorale, «elle-même bourrée avant le bourrage ultime de l’urne». Ali Benflis en a marre de ce système, il souhaite des «élections véritablement libres, régulières et honnêtes». Ce livre blanc n’apprend rien à ceux qui, en dehors du système, en observaient les extravagances dont celle de la fraude électorale est la plus spectaculaire. Il sera toujours facile aux détracteurs d’Ali Benflis de lui faire remarquer qu’il n’a pas dédaigné, de longs moments, servir ce système et contribuer à le cautionner ainsi que sa fraude élevée au rang de pratique institutionnelle comme il le dénonce maintenant. Cela n’enlève rien à la sincérité de sa démarche.
Houari Achouri

Lire le livre blanc d’Ali Benflis

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