A qui profitent les manifestations des policiers ?

Qui sont ces policiers qui manifestent à Ghardaïa et à Alger, allant jusqu’à vouloir violer l’enceinte de la présidence de la République et quelle place occupent-ils dans la société ? Sans faire dans la langue de bois et sans vouloir produire une analyse de complaisance avec le système de pouvoir, ce sont avant tout des forces répressives au service d’une dictature. Ce sont des personnes qui ont choisi de servir un pouvoir totalitaire, autoritaire et illégitime contre leur peuple. Ce sont des gens qui bénéficient de beaucoup de privilèges pour services rendus au pouvoir contre leur peuple. Ils manifestent pour obtenir encore plus de privilèges au détriment des droits du peuple. Ou du moins, c’est le mobile qu’ils avancent pour justifier leur fronde. Dans une conjoncture où le pouvoir a besoin de se renouveler à la veille de l’implosion du clan de Bouteflika, on peut penser qu'un clan mène la fronde au sein du pouvoir contre un autre clan par policiers, CNLTD, Benflis et Hamrouche interposés, ou par tous autres clients disposés à remplir le vide que laisserait l’extinction du clan sortant. On peut s'attendre qu'il y ait d'autres groupes au sein du pouvoir qui vont se joindre à ce clan frondeur, mais tous ces remue-ménage ne changeront rien à la structure du pouvoir dictatorial, qui est foncièrement contre les intérêts du peuple. La vraie fronde, s'il y a fronde, elle viendra du peuple avec ses élites marginalisées et les partis politiques qui affichent leur opposition radicale contre la dictature et qui revendiquent un Etat civil et républicain. Il faut se rendre à l'évidence encore une fois, que les policiers ne choisiront le camp du peuple que lorsqu’ils n'auront plus d’autre choix ! Les non-gradés cherchent leurs intérêts au même titre que les gradés, c'est ce qui les a poussés à s'engager dans les différents corps armés tout en sachant qu'ils s'engagent pour servir un pouvoir dictatorial et illégitime. Les non gradés seront utiles qu'une fois le peuple serait engagé pour la reconquête de sa souveraineté et qu'ils choisissent de se mettre de son côté. Ce qui n'est pas le cas aujourd'hui ! Il n'y a pas de clan au sein du pouvoir qui active pour l'intérêt du peuple. Les clans sont constitués aussi bien de militaires, de membres des corps armés que de civiles au service du pouvoir. L’opinion dans sa majorité est aveuglée par cette aberration, qui consiste à soutenir les forces répressives qui musellent toute contestation politique ! L’absence de réalisme politique au sein de l’opinion est en partie imputable à la puissance manipulatrice du pouvoir, qui a réussi à neutraliser toute possibilité d'émergence d'une opposition qui pourrait constituer un contre-pouvoir, en divisant la société en islamistes, berbéristes, nationalistes conservateurs, etc., aux intérêts opposés et incompatibles avec l'émergence d'une société politique articulée autour de la notion d’algérianité, ou tout Algérien se sentirait représenté dans une configuration politique démocratique. Parce que les critères de division ne sont pas politiques, on a affaire à des divisions identitaires. Pour cela, on ne peut pas soustraire à l’analyse le fait que : c’est le pouvoir qui a réussi à corrompre l’opinion de la société. Ce qui a pour effet le brouillage de sa capacité de discernement. Car l’absence de réalisme politique au sein de l’opinion n'est que le reflet de la puissance de manipulation du pouvoir. Pour que le peuple puisse se doter de cette capacité de discernement, cela dépendra d'un contre-pouvoir qui serait capable d'infléchir sa tendance à la corruption de son opinion. Tout cela s’est les conséquences de la stratégie de dépolitisation du peuple afin de le maintenir dans une conscience pré politique pour mieux le dominer. Une triste réalité, mais qui ne doit pas nourrir fatalement notre pessimisme. La liberté politique reste une affaire de volonté d’émancipation. Elle ne s'octroie pas par le bourreau. Je n'ai pas besoin que mon bourreau me libère de mes chaînes, je voudrais les briser contre son gré, voilà à mon sens la substance de la liberté politique. Les policiers ont le droit de manifester, comme tout Algérien, mais avant tout, pour que leur action soit véritablement légitime, il leur faudra dénoncer la répression des libertés politiques.
Youcef Benzatat
 

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