Densifier le tissu productif algérien dans le cadre des valeurs internationales : cas des PMI-PME

J’ai reçu une aimable invitation à participer à la conférence sur le développement économique et social organisé par le ministère de l’Industrie et des Mines du 4 au 6 novembre 2014 à Alger. J’animerai une conférence à l’ouverture. A cette occasion, cette présente analyse est un bref extrait d’un long rapport (10 volumes, 1 000 pages), sous ma direction et assisté de 26 experts internationaux, remis au gouvernement sur les perspectives face aux enjeux de la mondialisation, de la relance économique 2014/2020. Pour m’en tenir aux PMI-PME objet de cette contribution, les très petites entreprises (TPE, moins de 20 salariés) et les petites et moyennes entreprises (PME, moins de 250 salariés) sont un facteur clé de la croissance et de l’emploi. Au sein de l’Union européenne, les 23 millions de PME représentent 99% de l’ensemble des entreprises et fournissent environ 75 millions d’emplois. Pour le cas Algérie, elles sont peu performantes, à très faible productivité, plus de 90% ne maîtrisant pas les nouvelles technologies. Or, les PMI-PME sont pour le premier trimestre 2013 moins de 700 000 avec pour objectif 2 millions de PME d’ici 2024 sous l’impulsion notamment des nombreux dispositifs (Ansej, Angem, Cnac…). Cependant, on note la prédominance des entreprises de très petite taille (TPE), se situant sur la tranche d’effectifs 0-9 salariés, encore que le nombre de faillites après avoir eu les avantages fiscaux et financiers est très important, dépassant selon certaines sources 50%. Selon l’ONS, 97,8% de l’ensemble des entités économiques sont des entreprises de très petite taille (TPE). Quant aux entités économiques qui emploient 250 personnes et plus, elles ne représentent que 0,1% de la population des entreprises. Dans ce cadre, je propose les huit mesures suivantes:
– Premièrement : créer une agence de service aux petites entreprises de moins de 20 salariés. L’environnement juridique, administratif, fiscal et social est particulièrement complexe et instable pour une très petite entreprise. En qualité d’employeur, une TPE est aujourd’hui en relation avec plusieurs dizaines d’organismes. Pourquoi ne pas s’inspirer du Small Business Service, interlocuteur administratif unique pour les très petites entreprises créé par le gouvernement britannique ?
– Deuxièmement : pour le délai de paiement, je propose une loi si nécessaire ou un décret exécutif pour le paiement aux PME à moins de 30 jours à compter de la date de livraison. Une telle décision permettra aux PME de recouvrer les milliards de dinars de trésorerie pour toutes les livraisons aux grandes entreprises et pour tous les marchés passés avec les collectivités publiques, les longs retards accumulés dans le paiement devenant étouffants, supposant de revoir les procédures des finances publiques.
– Troisièmement : il s’agira de réduire le délai de remboursement de la TVA aux PME à 15 jours maximum où devra être exigé que l’administration fiscale rembourse dans les 15 jours la TVA aux PME, sauf interrogation motivée sur un risque de fraude. En cas de dépassement, l’administration fiscale devra être pénalisée selon les mêmes modalités que celles appliquées aux entreprises.
– Quatrièmement : je propose d’élargir les possibilités de financement des PME en introduisant le leasing, le capital-développement afin de financer les petites et moyennes entreprises à un stade un peu avancé de leur expansion, car la majorité des entreprises familiales rechignent à chercher du capital à l’extérieur, et plus encore à entrer en Bourse d’Alger qui est d’ailleurs en léthargie depuis des années.
– Cinquièmement : contraindre les grandes entreprises publiques, dont Sonatrach et Sonelgaz notamment, à réaliser de la sous-traitance par un co-partenariat. Il ne s’agit pas là de prendre des décisions administratives, mais d’en appeler à des changements de mentalité chez les dirigeants des grandes entreprises. A l’instar de ce qui se fait dans d’autres pays, les grandes entreprises algériennes, fonctionnant d’ailleurs avec des fonds publics, pourraient s’appuyer sur des réseaux puissants de PME qui peuvent leur apporter des sous-traitants fiables, des innovations et des centres de recherches compatibles avec leurs propres activités. L’expérience allemande qui considère les PME comme des partenaires contrairement à la France où existe l’effet de domination étant intéressant à étudier.
– Sixièmement : les règles comptables régissant les PMI-PME sont très lourdes et ne sont pas utiles à toutes les entreprises. On pourra donc s’orienter vers une comptabilité de trésorerie pour les entreprises de moins de 10/20 salariés. Cette mesure permettrait de réduire leur charge administrative. Cependant, cela ne concerne pas les PMI-PME empruntant ou augmentant leur capital qui devront répondre comme à l’heure actuelle aux demandes d’information des investisseurs et des banquiers. Dans le même cadre, il serait souhaitable de soumettre les PMI-PME à un régime fiscal et social spécifique, notamment pour celles dont le chiffre d’affaires ne dépasse pas 10 000 000 DA avec un prélèvement libératoire de 10% à 15% assimilable à l’impôt sur le revenu, se substituant à tous les impôts directs.
– Septièmement : alléger la procédure des 49/51% pour le partenariat avec l’étranger pour les activités non stratégiques à lister dont les petites et moyennes entreprises, en introduisant la minorité de blocage d’environ 30% et l’obligation d’un transfert technologique, managérial et d’une balance devises positives.
– Huitièmement : faire un bilan tant de la règle des 49/51% que du crédit documentaire crédoc qui n’a pas permis de limiter la facture d’importation ni de dynamiser le tissu productif et réintroduire le remdoc pour certaines petites et moyennes entreprises, et donc adapter les règles aux besoins du tissu économique algérien cas par cas.
D’une manière générale, le développement durable incluant la protection de l’environnement en Algérie passe par l’Etat de droit, une gouvernance renouvelée se fondant sur une plus grande moralité de ceux qui dirigent la Cité. L’Algérie doit investir dans l’économie de la connaissance et les segments innovants au sein de filières internationalisées pour avoir des avantages comparatifs et dynamiser les co-partenariats industrie-agriculture- services. Les choix de développement des filières doivent être cohérents avec les tendances lourdes internationales. Les tendances incontournables à l’internationalisation des économies tendent à reléguer au second plan les politiques et contrôles nationaux au profit d’espaces économiques régionaux (CEE) ou mondiaux (OMC) d’où l’importance du grand Maghreb, pont entre l’Europe et l’Afrique. L’important est donc la spécialisation non pas dans les branches (vision dépassée) mais dans la dynamique des produits, car la spécialisation d’un pays dans le commerce international révèle sa compétitivité au moyen long terme au niveau sectoriel. Du fait de tensions budgétaires à venir, la chute des cours des hydrocarbures étant durable dans le temps, cela implique une plus grande rigueur budgétaire et de préparer d’ores et déjà la transition énergétique elle-même englobée selon une vision stratégique au sein de la transition économique hors hydrocarbures dans le cadre des valeurs internationales.
Dr Abderrahmane Mebtoul, professeur des universités, expert international
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