L’année 2014 en Algérie : un gouvernement autiste face à un front social en ébullition (I)

L’année 2014 aura été marquée par des émeutes et des manifestations sociales à travers plusieurs régions du pays. Toutes les franges de la population et des catégories socioprofessionnelles ont fait entendre leur voix et réclamé le respect de leurs droits et l’amélioration de leurs conditions de vie. La mobilisation inédite des policiers qui ont organisé une manifestation à Alger et à Ghardaïa au mois d’octobre est un indice qui ne trompe pas sur le malaise social dans notre pays face aux solutions de replâtrage et les tentatives des pouvoirs publics d’acheter la paix sociale par le biais du versement de subventions et d'augmentations de salaires. Même s’ils n’ont pas obtenu le départ du général-major Abdelghani Hamel, directeur général de la Sûreté nationale (DGSN), les policiers frondeurs, qui ont manifesté à Alger au mois d’octobre 2014, ont marché jusqu’au Palais du gouvernement pour exiger de meilleures conditions salariales, la réintégration de milliers de policiers «abusivement licenciés» et la création d'un syndicat. Des revendications qui ont dû être satisfaites pour la plupart par le ministère de l’Intérieur qui a préféré céder à la grogne des policiers pour éviter la propagation de cette protesta inédite.
Grèves et revendication sociales
L’année 2014 a été marquée, en outre, par nombre de grèves telles que celles, désormais récurrentes, dans le secteur de l’éducation, des cheminots, des travailleurs d’El-Hadjar, du secteur de la poste, de la Protection civile et de la santé. L'année qui s'achève a aussi été caractérisée par des manifestations pour une distribution de logements sociaux et de lots de terrain, dont la gestion aléatoire et anarchique par les autorités locales a souvent conduit à des dépassements et à des inégalités qui poussent les gens à la rue où se mêlent souvent «vrais et faux bénéficiaires». Les émeutes qui s’en sont suivies ont parfois des conséquences dramatiques comme ce fut le cas au mois de décembre à Touggourt qui a enterré deux jeunes hommes tués par balles après être sortis dans la rue pour réclamer la distribution de lots de terrain à bâtir. Un fait grave qui a nécessité le déplacement en urgence à Touggourt du ministre de l’Intérieur, Tayeb Belaïz, qui a dû annoncer des mesures dans le sens de l’apaisement de la situation.
Grogne récurrente des chômeurs au sud du pays
Les rassemblements des chômeurs dans la ville de Ouargla se sont déroulés par intermittence durant l’année 2014 sans trouver réellement écho auprès des autorités qui peinent à répondre aux demandes pressantes d’emploi dans cette région où les entreprises pétrolières ont pignon sur rue. Au mois de janvier 2014, une semaine d’émeutes organisées par de jeunes chômeurs a mal tourné lors de violents affrontements avec la police antiémeute. Des dizaines de manifestants ont été interpellés par les forces de l’ordre alors qu’ils répondaient massivement à l’appel du comité local de la Coordination nationale pour la défense des droits des chômeurs, qui voulait attirer l’attention des plus hautes autorités du pays sur la situation des diplômés sans emploi qui demandaient du travail dans le secteur pétrolier de Ouargla. Un secteur qui, dénoncent-ils, «ne profite qu’aux gens venus du nord du pays ou de l’étranger» malgré l’engagement du gouvernement à prendre en charge leurs revendications et à favoriser l’embauche.
Le logement de la discorde
Le droit au logement est une revendication qui est mise souvent de l’avant par la population pour assiéger les APC, les daïras et les sièges de wilayas à travers le pays pour demander un logement social. Chaque distribution de logements est prétexte à la colère des citoyens qui crient souvent à l’injustice et aux passe-droits, forçant régulièrement les APC à revoir leurs listes de bénéficiaires et à recevoir les recours des mécontents. Une atmosphère de dépit a, par exemple, régné au cours des dernières semaines du mois de décembre 2014 à la Cité Diar El-Baraka, au centre de Baraki, à Alger. Le relogement des habitants de bidonvilles et du vieux bâti a donné lieu, comme de coutume, à de violentes émeutes menées par les habitants mécontents de l’opération de démolition des vieilles bâtisses qu’ils occupaient, contrairement à certains de leurs voisins. De violents affrontements ont opposé des jeunes aux forces de l’ordre qui ont été dépêchées sur les lieux pour surveiller et superviser de cette cité.
Ghardaïa, un mal profond
L’année 2014 aura cependant été marquée incontestablement par les amples mouvements de protestation à Ghardaïa où les affrontements intercommunautaires ont provoqué plusieurs morts et des dégâts matériels importants, dans la vallée du M’zab qui reste encore en proie à un profond malaise et à une crise multidimensionnelle. La situation explosive qu’à vécue durant de longs mois la vallée du M’zab a été très mal gérée par les autorités locales, obligeant le gouvernement à intervenir à plusieurs reprises. Les pouvoirs publics ont ainsi tenté après de multiples médiations et rencontres avec la population de régler les problèmes intercommunautaires, sans réellement y parvenir. Un calme précaire règne toujours dans la vallée du M’zab où des problèmes divers se sont amoncelés au fil des ans, exacerbés notamment par le chômage en hausse des jeunes et la précarité sociale. Les autorités locales tentent d’y remédier tant bien que mal prenant pour cela quelques initiatives. Ainsi, il y a quelques jours, la wilaya a entamé la distribution de terrains à bâtir au profit de la population. Une première opération d’attribution de plus de 10 000 parcelles destinées à l’autoconstruction, avec une aide de l’Etat, a été lancée il y a quelques jours à travers l’ensemble des communes de la wilaya de Ghardaïa.
Meriem Sassi
 

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