Débat sur le pétrole et le gaz de schiste en Algérie : éviter la pollution du paysage médiatique

La situation de tension au sud de l’Algérie, combinée à la chute du cours des hydrocarbures, est d’une extrême gravité qui menace l’unité et la cohésion nationale. Cela implique de revoir les choix par une nouvelle gouvernance et une autre politique socioéconomique. Le choix dictatorial, imposé sans dialogue, est totalement dépassé et source de dérives nuisibles à l’avenir du pays. Il faut éviter la vision d’assimiler la population algérienne à un tube digestif grâce à une redistribution passive de la rente des hydrocarbures pour une paix sociale éphémère. La question centrale est la suivante : avec la chute du cours des hydrocarbures qui représentent 98% des exportations en devises, 70% du pouvoir d’achat des Algériens et de la dépense publique, permettant la compression artificielle du taux d’inflation et du taux de chômage, comment réaliser une réelle transition économique hors rente en Algérie intiment liée aux facteurs politiques ? C’est qu’avec la chute du cours des hydrocarbures et les tensions dans le sud du pays concernant le gaz, mais également le pétrole de schiste, nous assistons sur les plateaux de télévision à une pollution du paysage médiatique. Tout le monde devient par enchantement expert en énergie. Pour avoir passé plus de 35 ans dans ce secteur et participant régulièrement aux rencontres internationales sur l’énergie, je puis affirmer que c’est un sujet complexe qu’il s’agit d’analyser avec précaution, rentrant dans ce cadre les données tant techniques, économiques que géostratégiques. Pour un débat serein, loin de toute manipulation politicienne, et que pour nos populations du Sud puissent avoir un aperçu objectif, en leur parlant un langage simple accessible, seuls devraient être concernés les experts indépendants en collaboration avec les cadres de Sonatrach pour un débat contradictoire, et non des experts privés dirigeants des bureaux d’études vivant grâce aux marchés que leur octroient le ministère de l’Energie, ou de sociétés intéressées par son exploitation, étant juge et partie, n’étant pas crédibles aux yeux de la population.
Pour ce qui est de l’aspect environnemental, et donc techniques, devraient âtre concernés, bien entendu avec les experts indépendants, les ingénieurs de Sonatrach de l’amont, les hydrauliciens pour l’eau, et des professeurs de médecine du travail pour la santé. La formation pointue est fondamentale pour maîtriser la fracturation h hydraulique, d’autres techniques sont en cours d’expérience. Pour l’analyse de la rentabilité économique, associer avec les cadres de Sonatrach de la commercialisation et de l’aval les experts indépendants en économie de l’énergie devant connaître parfaitement le secteur et le terrain, loin des théories stériles. Concernant l’Algérie, il est admis en 2015 que le coût d’un puits varie entre 13 millions et 17 millions de dollars, supposant un investissement dans la formation pour réduire les coûts (le brevet coût extrêmement cher) contre 5 millions à 7 millions de dollars aux Etats-Unis. Concernant spécialement les coûts, ils ne sont pas totalement maîtrisés même pour le pétrole et le gaz traditionnels. Pour avoir dirigé un audit entre 2007 et 2008 avec d’anciens PDG de Sonatrach, tous les cadres de Sonatrach, les divisions amont, aval, canalisation et commercialisation, il nous a été très difficile de calculer les coûts du gaz du MBTU de Hassi R’mel et du baril de pétrole d’Hassi Messaoud, arrivé aux ports d’Arzew et de Skikda, et ce, en raison de comptabilités consolidées de Sonatrach. Cela est le résultat de la faiblesse du management stratégique et des comptabilités analytiques qui seules permettant de calculer précisément les coûts. Car la hausse des prix peut voiler une faiblesse de la production en volume et les comptes de transferts entre différentes divisions la faiblesse de la gestion.
En résumé, l’Algérie, en ces moments difficiles, a besoin de toutes les femmes et tous les hommes de bonne volonté. Il y a lieu de favoriser le dialogue productif avec la devise : ni sinistrose ni autosatisfaction source de névrose collective. Le plus grand ignorant étant celui qui prétend tout savoir. Ainsi, il serait maladroit d’ignorer les aspirations profondes de la population algérienne parabolée qui ne croit plus en les paroles, mais aux actes. Avec la grogne sociale croissante, la population algérienne a soif de démocratie et de justice sociale, mais également d’efficacité économique avec un sacrifice partagé, car les réformes à venir seront douloureuses. La vertu d’une bonne gouvernance est le dialogue permanent au profit exclusif de l’Algérie qui a d’importantes potentialités pour surmonter la crise multidimensionnelle à laquelle elle est confrontée, sous réserve d’une autre gouvernance.
Dr Abderrahmane Mebtoul, professeur des universités, expert international en management stratégique
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