Les Européens convoitent-ils les richesses hydriques contenues dans le sous-sol algérien ?

Des questions se posent, à la veille d’une réunion qui aura lieu le 31 mars prochain à Alger, à laquelle prendront part cinq ministres de l’Eau ouest-européens et leurs cinq homologues du Maghreb. Rien n’a filtré sur cette conférence inscrite dans le cadre du Dialogue 5+5, hormis le fait que «cette rencontre internationale sera une opportunité pour présenter l’expérience de l’Algérie en la matière», selon le ministre algérien des Ressources en eau, Hocine Necib. S’exprimant à l’occasion de la Journée mondiale de l’eau, célébrée, cette année, les 22 et 23 mars à l’université des sciences islamiques Emir-Abdelkader de Constantine, le ministre a affirmé qu’en 15 ans, «notre pays a réussi à se mettre à l’abri en matière de ressources en eau», qualifiant l’expérience et le savoir-faire algériens de modèles à suivre. Cet optimisme reflète-t-il la réalité du terrain, en ce sens que les 40 milliards de dollars investis par le secteur, depuis une quinzaine d’années, ont finalement abouti à des gestions déléguées tous azimuts ? «Il y a des contradictions flagrantes entre ce qui est déclaré en public et la réalité du terrain. Comment peut-on louer les efforts du secteur alors que nos robinets sont passés sous contrôle des Français, des Espagnols, des Portugais et des Allemands ?», fulmine un cadre à la retraite du secteur de l’hydraulique ayant obtenu son diplôme d’ingénieur d’Etat en 1973. Notre interlocuteur n’omet pas de rappeler que l’Algérie avait déjà tracé une politique de l’eau digne d’un pays développé, et ce, au lendemain de l’indépendance. Et de souligner qu’en 1969, un secrétariat d’Etat à l’Hydraulique officiait au sein du gouvernement sous la férule de feu Abdelaziz Arbaoui. «On oublie vite que ce pays a bâti des dizaines de barrages grâce à la défunte Sonaghter. On ne doit pas oublier aussi que l’Algérie avait plusieurs instituts de formation dédiés à l’eau dont le célèbre IHB (Institut de l’hydraulique et de bonification) de Blida qui a formé des milliers d’ingénieurs d’Algérie, d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine. C’est quoi ce "5+5" qui vient nous imposer ses vues sur notre eau ? L’Algérie est-elle orpheline à ce point pour quémander l’assistance européenne dans ce secteur ?», martèle de son côté un ancien directeur central lorsque le ministère était géré par Sid-Ahmed Ghozali. Et d’ajouter tristement : «Je suis dans tous mes états lorsque je lis dans la presse qu’un chèque de quelques euros a été accordé par l’Union européenne pour la "remise à niveau" de notre secteur de l’eau. A-t-on besoin de cet argent alors que des milliards de dollars sont dépensés chaque année pour le développement du secteur ?» Le Dialogue 5+5 réunit la France, l’Espagne, le Portugal, l’Italie et Malte ainsi que cinq pays de la rive sud à savoir l’Algérie, le Maroc, la Tunisie, la Libye et la Mauritanie. Nombre d’analystes politiques algériens voient en ce mécanisme, dominé par les Européens, un moyen d’ingérence dans tous les secteurs d’activité (politique, économique, militaire…) des pays du Maghreb, notamment l’Algérie. Le «5+5» est perçu aussi comme un appendice de l’Otan et de la fantomatique Union pour la Méditerranée (UPM) dont l’acte fondateur repose essentiellement sur la Charte méditerranéenne de l'eau, adoptée à Rome en 1992. Cette charte, relancée par l’UPM et le Dialogue des 5+5, énonce que la richesse hydrique devrait être un bien commun aux pays du Bassin méditerranéen y compris Israël. Notre pays recèle d’importantes réserves, notamment la nappe de l'Albien qui se trouve dans le Sahara, et qui est la plus grande réserve d'eau douce au monde. Elle contient quelque 50 000 milliards de mètres cubes d'eau douce, l'équivalent de plus de 50 000 fois le barrage de Beni Haroun qui se trouve à l'est du pays et qui alimente six wilayas.
Rafik Bahri

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