L’Algérie doit tirer les leçons des scandales financiers

Par Abderrahmane Mebtoul – Les différents scandales financiers en Algérie, qui touchent l'ensemble des secteurs publics et privés, la corruption s'étant socialisée, relatés chaque jour par la presse nationale et internationale, et qui discréditent l'image de l'Algérie, dépassent souvent l'entendement humain du fait de leur ampleur. Encore que tout Etat de droit suppose la présomption d'innocence afin d'éviter les suspicions et les règlements de comptes inutiles. Comment a-t-on pu programmer plusieurs centaines de milliards de dollars de dépenses publiques entre 2000 et 2014 sans prévoir les mécanismes de contrôle, tant démocratiques qu'institutionnels ? Les constats témoignent de la désorganisation des appareils de l'Etat censés contrôler les deniers publics et surtout le manque de cohérence entre les différentes structures en cette période difficile de transition d'un système étatique vers une véritable économie de marché concurrentielle. Ces scandales jouent comme facteur à la fois de démobilisation des citoyens par une névrose collective du fait que ces montants détournés sont la propriété de toute la collectivité nationale, et comme frein à l'investissement national et international porteur de croissance et de création d'emplois durables. Cela dénote de l'urgence d'une moralisation de la vie publique, en mettant en place d'autres mécanismes qui évitent que ces pratiques ne se reproduisent. La mise en place de ces mécanismes transparents renvoie à plus de liberté, d'efficacité économique, de justice sociale (indépendance de la justice), de moralité des institutions et de démocratie. Certes, la corruption a toujours existé dans toutes les sociétés et les différents scandales financiers actuels avec la crise économique le montre clairement, mais en Algérie, rapportée au produit intérieur brut, elle dépasse largement les normes internationales, et chose plus grave, elle s'étend à toute la société. Cela rend urgent la moralisation de la société, surtout de ceux qui la dirigent, impliquant la refondation de l'Etat, pour ne pas dire sa fondation comme entité civile, ce qui passe nécessairement par une mutation profonde de la fonction sociale de la politique. Cela implique la fin de l'Etat de la mamelle et celle de la légitimité révolutionnaire afin que le pouvoir de bienfaisance inauguré comme contrat politique implicite par les tenants du socialisme de la mamelle pour légitimer l'échange d'une partie de la rente contre la dépendance et la soumission politique, et qui efface tout esprit de citoyenneté active, disparaisse. Ce pouvoir doit céder la place à un pouvoir juste, justicier et de justice. La lutte concrète contre la corruption passe par une transparence totale et une clarté sans nuance dans la pratique politique. Dans toute société où domine un Etat de droit, c'est la norme du droit qui doit reprendre sa place pour légitimer le véritable statut de la citoyenneté. Le passage de l'Etat de «soutien» à l'Etat de droit est de mon point de vue un pari politique majeur, car il implique tout simplement un nouveau contrat social et un nouveau contrat politique entre la nation et l'Etat. Dès lors, la question centrale qui se pose est la suivante : vers quelle mécanique politique se penchera la refondation politique souhaitable reposant sur la moralité. La question qui mérite d'être posée aujourd'hui : est-ce que les pouvoirs politiques algériens successifs de 1963 à 2015 ont édifié un Etat national d'abord ? Et qu'est-ce qu'un Etat national dans le cas algérien précisément, car, il faut bien le rappeler, il n'y a pas d'Etat national standard, mais des équipements anthropologiques intrinsèques qui peuvent modeler le système politique inhérent à chaque situation socio-anthropologique. Le poids de «l'anthropologique» dans l'élaboration du modèle politique algérien renvoie à des constructions historiques de terroir dont la assabia (relations de clientèles familiales et régionales) est la pièce maîtresse. Or, si l'Etat reste une entité assabienne, il risque de péricliter, comme le démontre Ibn Khaldoun, quand son âge politique tire à sa fin, et la cause fondamentale est l'immoralité (corruption) qui tend à dominer toutes les structures de tout pouvoir. Lorsque la valeur travail est dévalorisée, la distribution passive de la rente des hydrocarbures, tant que les recettes sont élevées, ne fait que différer ce cycle descendant. D'où l'importance d'institutions crédibles, et sans verser dans les règlements de comptes inutiles, asseoir un pouvoir démocratique reposant sur les libertés. Cela prendra du temps, il ne faut pas verser dans la démagogie, mais il faut commencer si l'on veut éviter cette décadence.
A. M.
 

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