Sid-Ahmed Ghozali : «L’avenir de notre pays est compromis»

Dans une interview accordée au magazine MedEnergie,l’ancien chef de gouvernement Sid-Ahmed Ghozali impute la baisse des prix du brut à des motivations plutôt politiques et géostratégiques, qui bénéficient en premier lieu aux Etats-Unis. En faisant le parallèle avec les crises déjà vécues, à savoir notamment le choc pétrolier de 1974, la crie du Golfe de 1990 et l’invasion de l’Irak en 2003, Ghozali relève que la crise accroissait l’avantage des Etats-Unis par rapport à l’Europe et au Japon, «en dépit de ce que laissait croire la campagne médiatique occidentale contre l’Opep». Interrogé sur les risques qui pèsent sur la cohésion de l’Opep, à cause de l’attitude de l’Arabie saoudite et des pays du Golfe, Sid-Ahmed Ghozali ne croit pas que l’Arabie Saoudite «puisse s’autoriser en n’importe quel domaine une quelconque autonomie d’action au-delà de lignes tracées par l’administration américaine», alors que toute sa politique est dictée par son ambition de maintenir sa position de leader dans le monde arabe, et bien qu’elle soit dotée de trois atouts importants : ses réserves pétrolières immenses, la souveraineté sur les lieux saints et l’essor du wahhabisme à travers le monde musulman. Concernant l’Opep, l’ex-ministre de l’Energie rappelle que «ce n’est pas la première fois qu’on la verra se plier au diktat du plus lourd», puisqu’entre 1984 et 1988, «le prix a filé jusqu’à un creux de 11 dollars». Interrogé sur ses prévisions sur les prix à l’avenir et pour savoir si nous sommes revenus à l’ère du pétrole à bon marché, l’ex-chef de gouvernement se dit sceptique, en estimant que «si avec les meilleurs raisons du monde on était assuré que le prix allait se relever à 100, 150 ou 200 dollars, toutes choses inchangées par ailleurs, l’avenir de notre pays serait, quand même compromis». Relativisant son scepticisme, il estime que «ce n’est décidément pas sur le prix du pétrole que repose notre destin», arguant que les prévisions en matière de prix et de quantités, durant ces cinquante dernières années, «ne se sont pas réalisées dans le moyen terme, encore moins dans le long terme». Cela dit, il reproche aux décideurs de ne pas s’être interrogés sur l’avenir du prix, et de ne pas avoir mis en garde l’opinion «contre l’idée que l’augmentation des cours pétroliers mondiaux nous la devions à notre gouvernance». «Au contraire, accuse-t-il, on s’est mis à dépenser à tours de bras, à engloutir nos ressources dans l’import-import, en faisant croire à une opinion largement intoxiquée que c’est la nouvelle “Algérie riche” et ses bienfaits sur nos conditions de vie, et que c’était là l’œuvre du pouvoir politique, de sa sagacité et de l’excellente gouvernance». Il en porte la responsabilité au chef de l’Etat à qui il reproche d’avoir promis à la veille du 4e mandant qu’après avoir réservé les dix premières années à la réconciliation nationale, il allait désormais «se dévouer à l’Etat de droit et de bonne gouvernance», ricane-t-il. Enfin, il conteste cette tendance, chez les décideurs, à vouloir montrer la conjoncture haussière d’hier à la volonté du pouvoir et à imputer la conjoncture baissière d’aujourd’hui à des facteurs extérieurs.
R. Mahmoudi

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