Extension du droit de préemption ou comment l’Etat veut éviter une nouvelle affaire Cevital-Michelin

Le projet de loi de finances complémentaire (LFC 2015) prévoit l’extension du droit de préemption aux «actions ou parts sociales dont elle estime le prix de vente ou la valeur insuffisante, en offrant de verser aux ayants droit le montant de ce prix majoré d’un dixième». La mesure vient compléter, selon le projet de la LFC 2015, le code de l’investissement et s’ajouter à la mention de «vente de tout ou partie» d’un bien et combler ainsi un vide qui a permis à l’industriel Issad Rebrab d’avoir, en définitive, gain de cause lors de la transaction conclue avec le français spécialiste des pneumatiques Michelin. Après une opposition formulée en 2013 par l’ex-ministre de l’Industrie, Amara Benyounès, suite à l’annonce du rachat d’actifs Michelin-Algérie par Cevital, et la polémique qui s’en est suivie, la transaction a, en fin de compte, été validée au profit d’Isaad Rebrab. Ce dernier avait soutenu qu'il ne pouvait pas y avoir de droit de préemption de l'Etat dans le cas d'une augmentation de capital. Celle conclue entre le groupe privé algérien et la société française a permis à Issad Rebrab de devenir propriétaire a hauteur de 67% des actifs de la société. L’industriel algérien a de toute évidence pu faire valoir ses droits en prouvant qu’il n’avait pas transgressé la loi, puisque celle-ci ne mentionnait pas la cession de parts et d’actions d’une société, parmi les raisons pouvant induire l’application du droit de préemption au profit de l’Etat algérien. C’est donc après ce précédent que le gouvernement a décidé de remédier à la lacune qui l’a empêché de stopper la transaction Michelin. L’exécutif va ainsi proposer la modification l’article 38 quinquies du code de procédures fiscales applicables aux cessions ayant été conclues avec minoration de valeur. L’article devrait être modifié et complété comme suit : « Indépendamment de l’action portée devant la commission prévue par l’article 38 quarter A à 38 quarter E du présent code, et pendant un délai d’un an à compter du jour de l’enregistrement de l’acte, l’administration peut exercer au profit du Trésor un droit de préemption sur les immeubles, droit immobilier, fonds de commerce de clientèle, droit à un bail ou au bénéfice d’une promesse de bail portant sur tout ou partie d’un immeuble ainsi que les actions ou parts sociales dont elle estime le prix de vente ou la valeur insuffisante en offrant de verser aux ayants droit le montant de ce prix majoré d’un dixième». Dans l’exposé des motifs inclus dans le projet de la LFC 2015, il est mentionné que, depuis la suppression par la loi de fiances 2014 de la procédure de soumission préalable des projets d’IDE au Conseil national d’investissement (CNI), le rôle d’instrument de contrôle de l’accès de l’investissement non souhaité censé être joué par le droit de préemption a largement été tempéré. Dans de telles conditions, il devient possible de se contenter du droit de préemption confié par le code de procédures fiscales à l’administration des impôts qui peut dans un délai d’une année, à compter de l’enregistrement de la transaction, exercer un droit de préemption pour insuffisance de prix . Conjugué à la soumission à autorisation du ministre en charge de l’enregistrement par le code des investissements des cessions d’action et d’actes d’entreprises ayant bénéficié d’avantages ainsi que celles opérées par ou au profit d’étrangers, l’Etat dispose ainsi, selon le projet de la LFC 2015, de suffisamment de moyens pour refuser les investissements non souhaités.
Meriem Sassi

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