Populisme suicidaire

Par Abderrahmane Mebtoul – Sans les subventions, mal ciblées et mal gérées, le plus pauvre bénéficiant autant que le riche, et facilitant le gaspillage et le trafic aux frontières, l'Algérie étant un des plus gros importateurs au monde de céréales et un des pays qui subventionne le plus les carburants, le taux d'inflation en 2014 dépasserait les 10%. Par ailleurs, ce taux d'inflation officiel est biaisé, devant être éclaté par produits selon le modèle de consommation par couches sociales, fonction de la stratification du revenu national. Ce processus inflationniste est accéléré par le mouvement erratique du dinar par rapport tant à l'euro que le dollar qui connaît une cotation ayant perdu près de 20% de sa valeur en glissement annuel depuis juillet 2014. Il existe une corrélation d'environ 70% entre la valeur actuelle du dinar et ce stock de devises via la rente des hydrocarbures, autrement, le dinar flotterait à une parité de 300/400 dinars l'euro où existe une disparité importante entre le cours officiel et le cours sur le marché parallèle de la cotation du dinar algérien avec un différentiel variant entre 45 et 50%. Cette dépréciation du dinar se répercute tant sur le pouvoir d'achat des ménages pour les produits importés, que des opérateurs qui ne disposent que de très peu de visibilité sur les perspectives d'évolution de la valeur de la monnaie nationale. Ces derniers sont exposés aux risques de change, la réglementation de la Banque d'Algérie ne permettant pas l'achat à terme de devises devant trouver une solution pour ne pas décourager l'investisseur productif qui a besoin de visibilité à moyen terme. Qu'en est-il maintenant de l'impact de la chute du cours des hydrocarbures sur le fonds de régulation des recettes ? Précisons que le dérapage du dinar de 20% par rapport au dollar gonfle artificiellement de 20% le fonds de régulation des recettes calculé en dinars algériens ainsi que la fiscalité hydrocarbures, voilant l'importance du déficit budgétaire. Créé en 2000, ce fonds est alimenté par les différences entre le prix du pétrole vendu sur le marché et le prix de référence (37 dollars le baril) retenu par la loi de finances. Fortement sollicité pour les dépenses d'équipement, le fonds de régulation des recettes est passé de 5 238,80 milliards de dinars à fin 2013, contre 4 773,51 milliards au deuxième semestre 2014, représentant un décaissement de 465,29 milliards de dinars, soit environ 6,1 milliards de dollars. Cette situation s'est aggravée pour le premier trimestre 2015. Selon la Banque d'Algérie, les ressources du fonds de régulation des recettes ont été largement entamées pour couvrir le déficit budgétaire qui s'est élargi au premier trimestre 2015 (476,8 milliards de dinars), alors qu'il était de 432,3 milliards de dinars au premier trimestre de l'année 2014, s'établissant certainement à fin juin 2015 à environ 3800 milliards de dinars soit au cours de 95 dinars un dollar à 42 milliards de dollars. Or, la loi de finances 2015 prévoyait un déficit budgétaire de 4 173,3 milliards de dinars, plus de 52 milliards de dollars au cours établi par la loi de finances de 79 dinars un dollar, autrement dit environ 22,1% du PIB, qui devait être alimenté par le fonds de régulation des recettes. Au vu de la conjoncture pétrolière, le déficit sera donc plus important. La loi de finances pour 2015, en réalité, se base sur un cours de 110/115 dollars le baril (37 dollars étant un artifice comptable peu réaliste). Or, sur la base d'un cours de 60 dollars le baril, le fonds de régulation des recettes au rythme de la dépense actuelle devrait s'épuiser dans 24 mois et à un cours entre 60/ 70 dollars dans 36 mois, d'où l'importance d'une rationalisation des choix budgétaires pour éviter une dérive économique qui entraînerait forcément de fortes tensions sociales. Qu'en sera-t-il avec la chute du cours des hydrocarbures avec un système bancaire dominé à 85% par les banques publiques et comment intégrer par des mécanismes réalistes la sphère informelle contrôlant 65% des segments de produits de première nécessité et plus de 40% de la masse monétaire en circulation avec des intermédiaires financiers informels prêtant à des taux d'usure ? Au moment où le ministre des Finances parle de l'obligation de paiement par chèque, le rapport récent de la Banque d'Algérie contredit cette vision : nous assistons à une méfiance des ménages vis-à-vis du secteur bancaire puisque les retraits ont été massifs. Ainsi, le premier trimestre 2015 a enregistré une forte contraction de la liquidité bancaire (-544,1 milliards de dinars) due essentiellement à la baisse des dépôts des secteurs hors hydrocarbures et, pour une faible part, à la baisse des dépôts de l'entreprise nationale des hydrocarbures, obligeant la Banque d'Algérie à résorber cet excès de liquidité sur le marché monétaire.
A. M.

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