Etudiants d’hier, écrivains d’aujourd’hui ?

Par Abdelkader Ben Brik – Les Algériens de l’après-indépendance ne sont amateurs ni de l’écriture ni de la lecture. Nous sommes dans une société qui ne peut respirer que dans l’oralité, qui ne transmet que ce que peut retenir la mémoire populaire, souvent sélective pour être fidèle. 53 années après le recouvrement de la souveraineté, nous ne nous sommes pas encore arrivés à écrire l’histoire de la Révolution (1954-1962). Alors, ne parlons pas de notre histoire d’avant 1830 et après. A la Bibliothèque nationale, nous avons cherché afin de trouver une histoire ou deux, mais nous avons trouvé plus d’une centaine, nous nous sommes retrouvés devant l’embarras du choix. En conclusion, toutes ces petites histoires de Si Flane et Si Feltane semblaient dignes du style de notre regretté romancier Djamel Amrani. Comme on n’a plus beaucoup l’habitude d’écrire, on n’a pas plus celle de lire. On nous a arraché la volonté de tenir la plume. Quand c’était la Sned qui éditait des livres, il fallait passer par 36 chemins et être cautionné par Si Flane ou parrainé par le clan Z pour avoir une chance que le manuscrit soit édité. Aujourd’hui, les éditeurs commerçants exigent de l’écrivain des sommes exorbitantes. Mais écrire une vraie histoire de la Révolution, par exemple, c’est une aventure à risque, si ce n’est des incultes qui ripostaient, ce sont les imposteurs et ceux qui ont pris le train de la Révolution au terminus le 19 mars 1962. Après 1988, et l’ouverture du bazar, certains médiocres se sont propulsés au rang d’historiens, d’écrivains, d’auteurs… et ce, grâce à leur séjour au-delà de la Méditerranée durant la décennie noire. Ils avaient opté de fuir le pays au moment où la patrie avait besoin d’eux pour faire face à un terrorisme bien programmé et bien manipulé. Jil istiklal, il n’écrit pas beaucoup, et parmi ceux qui ont la chance et l’argent d’écrire et d’éditer, beaucoup s’expriment comme s’ils parlaient, c'est-à-dire mal, trop mal pour espérer convaincre. Le regretté Kateb Yacine, quand il a écrit dans les années cinquante Nedjma, c’est toute la France qui a lu son livre ; on l’étudie aujourd’hui dans les universités. Pourtant, Kateb Yacine était un vrai patriote ciblé uniquement par les commis de l’Etat, des incultes qui avaient un pouvoir de décision. Kateb Yacine n’a jamais été honoré. Nous demeurerons témoins qu’il était un des écrivains préférés du président Houari Boumediene, qui avait maintes fois saisi le ministre du Travail, Layachi Yaker, pour qu’il présente toute son assistance à Kateb Yacine. «Nous n’avons pas deux Kateb Yacine, offre-lui tout ce qu’il demande», dira Boumediene. Le jour où le président Houari Boumediene a reçu Kateb Yacine, ce dernier lui a mis les points sur les «i» en ce qui concerne la culture en général en Algérie. Il avait refusé tous les postes de responsabilité qu’on lui a présentés. Boumediene envoya un message à Kateb Yacine par le biais du ministre du Travail : «Dit à Kateb d’écrire et de ne pas parler.» Boumediene a souhaité que Kateb écrive tout ce qu’il constate. Pendant que des étagères étaient pleines de livres et volumes de faux écrivains, faux historiens, faux dramaturges et faux témoins d’époque, défenseurs des causes nébuleuses, les acharnés de la mauvaise foi, ces pitres qui n’ont jamais su faire la différence entre l’exploit historique et les balivernes ; ceux-là, par contre, sont nombreux. Il est une multitude à putréfier les espaces réservés à l’écriture, pourrissant l’environnement qui les tolère, avec des écrits malsains qui puent la mauvaise foi. La leur, celle des faux porte-plumes que l’apprentissage de l’alphabet, au lieu d’équarrir leur esprit confiné dans l’égout, n’a fait que prouver leur abjection. Aujourd’hui, c’est clair et net, 50 ans après, on peut dire facilement : «N’est pas écrivain celui qui édite des livres.» Le vrai écrivain est celui qui n’a jamais vu la chance lui sourire pour pouvoir éditer son premier livre. Qu’il garde ses manuscrits qui sont un trésor inestimable pour la patrie.
A. B.

Ndlr : Les idées et opinions exprimées dans cet espace n’engagent que leurs auteurs et n’expriment pas forcément la ligne éditoriale d’Algeriepatriotique.
 

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