Le général Khaled Nezzar à propos des changements au sein du DRS : «Il y a confusion !»

L’ancien ministre de la Défense a réagi au dernier communiqué de la présidence de la République sur les changements opérés au sein du Département du renseignement et de la sécurité (DRS). Pour le général à la retraite Khaled Nezzar, «le communiqué de la Présidence ajoute à la confusion ambiante et n’apporte aucun éclairage sur les tenants et aboutissants des décisions prises par le Président s’agissant de ce service de sécurité». Il eût fallu, selon lui, que les relations fonctionnelles soient clarifiées pour éviter toute équivoque. «Le communiqué de la Présidence ne précise pas de quelle entité relèvent les services touchés par ces changements», note l’ancien membre du Haut Comité d’Etat, qui explique que «si cette relation fonctionnelle n’est pas clairement identifiée, cela voudrait dire que le Président n’a fait que retirer le DRS à un responsable pour le mettre entre les mains d’un autre», ce qui signifie, selon lui, qu’«en définitive, il n’y a pas eu de restructuration des services de renseignement». Le général Khaled Nezzar ajoute, par ailleurs, que la situation des locaux du DRS au sein du ministère de la Défense nationale laisse planer le doute sur l’institution dont dépend ce département. «Cette situation fait dire à beaucoup de gens que le DRS est sous le commandement de l’autorité militaire, alors qu’il n’en est rien», précise l’ancien chef d’état-major de l’ANP, qui corrige cette idée erronée : «Le DRS relève de la présidence de la République même si ses locaux se trouvent aux Tagarins.» Le général Khaled Nezzar revient sur l’historique de ce service qui a toujours été placé sous le commandement du chef de l’Etat depuis l’indépendance. «Mais, précise-t-il, comme les différents présidents qui se sont succédé à la tête du pays assument dans le même temps la fonction de ministre de la Défense, les bureaux du DRS – et, avant lui, de la Sécurité militaire, de la DGPS, etc. –, ont toujours été au MDN.»
Une adaptation des règles de coordination
Sollicité par Algeriepatriotique, le général Khaled Nezzar a bien voulu faire un bref historique du DRS afin de rectifier le portrait exagéré et parfois caricatural qui en est fait. «Le DRS a participé à la lutte antiterroriste parmi l’ensemble des autres forces et ressources mobilisées autour de l’armée contre le péril djihadiste et groupant la gendarmerie et la police, ainsi que les groupes de légitime défense, en appui et assistance de l’ANP en zones rurales», rappelle l’ancien ministre de la Défense. «Le DRS, note-t-il, est issu d’une restructuration de l’administration centrale du ministère de la Défense nationale imposée par l’avènement de la voie démocratique dans le paysage politique algérien. Cette restructuration devait être une sorte de corollaire au multipartisme et à la liberté de la presse, garantis par la Constitution de 1989. Avant cela, il n’était qu’une direction centrale de la Sécurité militaire (SM)», précise-t-il, répondant ainsi à ceux qui l’accusent d’avoir «voulu déstructurer les services secrets». Or, estime le général Nezzar, le changement actuel – dont la Présidence affirme qu’il «s’inscrit dans le cadre d’une architecture en place depuis un quart de siècle», allusion au décret de juillet 1989 – ne répond pas aux mêmes objectifs. «Les quatre directions qui composaient le DRS, explique notre interlocuteur, sont nées de la restructuration de l’ancienne SM. Deux d’entre elles, liées à la sécurité nationale et à la sûreté de l’Etat, relèvent exclusivement de la présidence de la République. Les deux autres, la Direction de la sécurité de l’armée et celle des relations extérieures et de la coopération faisaient, elles, partie intégrante du ministère de la Défense nationale.» Cette réforme des services de sécurité, qui avait été décidée par le président Chadli en 1989, sur proposition du général Khaled Nezzar, «est une suite normale du retrait de l’armée du parti unique, le FLN», souligne l’ancien ministre de la Défense nationale. Mais durant les années 1990, et face à la déferlante terroriste, «le pays a mobilisé l’ensemble de ses potentialités et de ses ressources pour faire échec au péril terroriste, ce qui a nécessité une adaptation des règles de coordination», relève-t-il. C’est ainsi que le département administratif, logistique et technique des services de sécurité s’est vu confier la mission de coordination en matière de lutte antiterroriste.
Un département, plusieurs tutelles
Les évènements tragiques survenus en octobre 1988, d’une part, et l’adoption d’une Constitution multipartite en 1989, d’autre part, ont nécessité une mise en adéquation des structures gouvernementales ayant débouché sur la désignation d’un ministre de la Défense nationale. Cette fonction était jusque-là réservée et dévolue au président de la République. C’est suite à cela que la réforme des services de sécurité militaire est intervenue. A l’échelon central, le DRS comprend des services communs à toutes les directions. «L’extension de son rôle à celui de coordination, imposé par la lutte antiterroriste, l’a conduit à exercer une action de suivi et d’animation sur les démembrements organiques régionaux et territoriaux à ces directions», explique encore le général Khaled Nezzar, qui souligne que les services de sécurité ont parfois été placés sous la tutelle du gouvernement. Par ailleurs, le Code de procédure pénale de 1966, modifié en 1985 et en 1995, confère à des personnels du DRS la qualité d’officier de police judiciaire et d’agent de police judiciaire, «les plaçant ainsi normalement sous l’autorité et le contrôle des parquets de l’ordre judiciaire», souligne encore le général Khaled Nezzar. Aussi, pour lui, «ce qui peut être dit au sujet du DRS est loin de correspondre à ce qui est répandu par certains milieux». Tout en assurant que «l’essentiel du Département du renseignement et de la sécurité a été sauvegardé», l’ancien ministre de la Défense nationale conclut, non sans ironie, que «tant que le président de la République sera en même temps ministre de la Défense nationale, l’Etat civil tant souhaité par M. Saïdani ne verra pas le jour».
M. Aït Amara

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