Amara Benyounès : «Sellal ne m’a donné aucune explication sur les raisons de mon limogeage»

L’ancien ministre du Commerce a affirmé, dans un entretien accordé au quotidien arabophone El-Khabar, qu’il ignorait les raisons de son limogeage. «Le Premier ministre ne m’a donné aucune explication», a indiqué Amara Benyounès qui a écarté la possibilité que son départ du gouvernement ait une quelconque relation avec son bilan. L’ancien ministre a néanmoins laissé entendre que les lobbies ont joué un rôle dans cet évincement de l’Exécutif : «Quand intervient l’assainissement d’un secteur, il est évident qu’on touche à des intérêts et à des lobbies», a souligné Benyounès qui estime que cet «assainissement a été ordonné par le président de la République lui-même». Le président du Mouvement populaire algérien (MPA) explique, en effet, que le président Bouteflika a demandé qu’il soit procédé à la normalisation des commerces intérieur et extérieur et à l’accélération du processus d’adhésion de l’Algérie à l’Organisation mondiale du commerce (OMC). «Je n’ai pas échoué dans ces deux missions», a estimé Amara Benyounès. «Il est tout à fait normal que je sois attaqué par les lobbies dès lors que j’essaye d’imposer des licences d’importation. Quand on est ministre du Commerce et que l’Algérie importe pour 60 milliards de dollars, il va de soi que des intérêts sont lésés», a-t-il insisté, sans pour autant affirmer qu’il ait été remercié suite à des pressions de ces lobbies sur les décideurs. Il affirme, dans ce sens, que la levée des restrictions imposées aux importateurs de véhicules au lendemain de son limogeage est une «pure coïncidence» : «Un rapport indique que 439 000 véhicules ont été importés et que 139 000 n’ont pas été vendus, ce qui revient à dire que le tiers de cette marchandise a été payé à l’avance. Autrement dit, deux milliards de dollars sur les six qui ont été déboursés l’ont été pour des véhicules qui sont restés en stock en Algérie.» Il y a donc gabegie, selon l’ancien ministre du Commerce qui dit refuser que l’Algérie «devienne un parking pour véhicules invendus». C’est pour cette raison, dit-il, que l’Etat a imposé la licence d’importation, d’autant que «nous avons remarqué par la suite que les concessionnaires qui vendent le plus de voitures payent le moins d’impôts». Amara Benyounès a nié toute volonté de l’Etat de cibler telle ou telle marque, précisant que les décisions sont prises sur la base de textes légaux interministériels qui ne concernent pas uniquement le ministère du Commerce, mais également ceux de l’Industrie et des Finances. Interrogé sur l’affaire Rebrab, l’ancien ministre a regretté que les joutes verbales entre le ministre de l’Industrie et le patron de Cevital aient «terni l’image de l’Algérie», estimant que la polémique entre les deux hommes «est stérile et inutile» et qu’«aucun des deux protagonistes n’en sortira vainqueur». «J’appelle les deux hommes à faire preuve de responsabilité, car la période actuelle est sensible et même le Président l’a qualifiée de difficile», a souligné Benyounès pour qui cette affaire «aurait pu être réglée dans un bureau et de façon transparente». «Cette polémique doit cesser, car le pays a besoin de sérénité», a encore affirmé l’ancien ministre du Commerce. Au sujet de l’affaire de la vente d’alcool qui a fait couler beaucoup d’encre et suscité de vifs débats au sein de la société, Benyounès a expliqué que cette décision n’était pas uniquement celle de son département, mais qu’elle émanait du gouvernement et que l’objectif était de faire barrage au commerce parallèle qui accapare 40% de parts du marché. «Pour moi, en tant que ministre, il n’était pas question de halal (licite) ou de haram (péché), mais de conformité à la réglementation», précisant que le ministère du Commerce était intervenu dans ce dossier suite à une demande de l’Inspection générale des finances (IGF) pour mettre de l’ordre dans ce secteur en proie au trafic. Amara Benyounès a, néanmoins, précisé que la décision n’a pas été «annulée», mais uniquement «gelée» sur ordre du Premier ministre qui a voulu éviter que «cette affaire complexe se répercute sur la stabilité du pays». Sur un autre plan, le président du MPA a rendu un hommage poignant au général Hassan, actuellement en prison, que «tout le monde loue pour son expérience dans la lutte antiterroriste et le rôle qu’il a joué au sein de l’armée en général». Il a toutefois exclu que cette affaire ait quelque chose à voir avec «une lutte de clans au sein du pouvoir» : «C’est du n’importe quoi, il faut que ce discours cesse !» a-t-il souligné, ajoutant que Bouteflika «n’est pas le président d’un clan, mais le président de la République». A propos de la mise à la retraite du chef du Département du renseignement et de la sécurité (DRS), l’ancien ministre a d’abord dénoncé le déballage médiatique concernant ce service sensible, «au point de divulguer son organigramme» : «J’étais parmi les premiers à défendre le DRS contrairement à ceux qui ont fait dans la surenchère politique», allusion au secrétaire général du FLN, Amar Saïdani, à qui il «interdit de s’immiscer dans les prérogatives» de cette institution sécuritaire. «Le général Toufik est un patriote qui place l’intérêt de l’Algérie au-dessus de toute autre considération», a-t-il affirmé, précisant qu’il a déjà eu à le rencontrer. Interrogé sur la nouvelle Loi fondamentale en gestation, le président du MPA s’est dit «contre une Constitution consensuelle» et «pour une Constitution sociétale, car c’est un projet de société qui sera accepté par une partie de celle-ci et rejeté par une autre». Il préfère que la nouvelle mouture de la Constitution soit soumise à un référendum après un large débat. Quant à l’ancien chef terroriste Madani Mezrag, Amara Benyounès avoue que s’il en avait le pouvoir, il aurait «appliqué les lois de la République», estimant que la charte pour la paix et la réconciliation «n’est pas respectée».
Karim Bouali
 

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