Ghaleb Bencheikh à Algeriepatriotique : «Les actes islamophobes vont connaître une recrudescence»

Algeriepatriotique : Une nouvelle action terroriste vient de cibler la capitale française et endeuiller la France. Quelle est votre première réaction à ces lâches attentats ?

Algeriepatriotique : Une nouvelle action terroriste vient de cibler la capitale française et endeuiller la France. Quelle est votre première réaction à ces lâches attentats ?
Ghaleb Bencheikh :
L’année approche de son terme comme elle l’a commencé. L’abjection frappe encore des êtres innocents. Ma première réaction ne peut être que celle de l’épouvante et de l’effroi. Je réagis comme un être humain qui aime ses semblables. Le recueillement est de mise devant la mémoire des victimes et la compassion pour ceux qui luttent pour la vie dans les hôpitaux.
Cet acte va encore une fois pousser à la stigmatisation de la communauté musulmane. Comment la protéger d’éventuelles représailles d’extrémistes de droite, selon vous ?
En principe, dans un Etat de droit, le citoyen est protégé par le droit. Mais les choses sont beaucoup plus compliquées dans la réalité. Les actes dits islamophobes ou «misislamiques» vont connaître une réelle recrudescence et une grande prolifération. Une haine déclarée et assumée contre les musulmans va se manifester. L’hostilité est plus que revendiquée par certains milieux. Des exactions ont commencé.
Comment expliquez-vous une telle éruption de violence en France ?
Les assassins pensent, entre autres, jouer sur la division de la société française. Ils veulent que les musulmans subissent davantage d’avanies et de persécution pour qu’ils réagissent. Puis, outre les arguments avancés comme la participation de la France à la coalition qui bombarde Daech, la France à la tête des «croisés», il y a aussi l’idée de punir la France officielle qui a «osé» interdire le voile à l’école et la burqa dans l’espace public.
Comment voyez-vous la situation dans le pays dans les semaines et les mois à venir, à l’aune du renforcement des mesures de sécurité ?
Une démocratie saine et idéale garantit les libertés fondamentales pour l’ensemble des citoyens. Mais elle est parfois vulnérable. Et dans des circonstances exceptionnelles, il faut savoir trouver la juste mesure et accepter les conditions drastiques de sécurité qui corsètent la liberté. C’est le prix à payer face aux attaques terroristes aveugles.
Comment prévenir le délit de faciès qui pourrait découler de l’état d’urgence qui autorise les contrôles et les interpellations sans recours préalable à la justice ?
En effet, cette question est épineuse. Si les contrôles se font sur cette base [le délit de faciès], ils augmenteront davantage les risques de radicalisation. Une des réponses serait de faire confiance au professionnalisme des forces de l’ordre. Mais on n’est pas sûr d’être à l’abri des bavures et de l’excès de zèle.
La communauté musulmane agit-elle suffisamment, selon vous, pour sensibiliser les Français sur la nécessité de faire front contre un ennemi commun qui s’appelle «terrorisme islamiste» et dont les premières victimes sont les musulmans eux-mêmes ?
Je ne suis pas sûr, non plus, que «la communauté musulmane» agisse suffisamment pour sensibiliser – en réalité, les autres concitoyens français – sur l’ennemi commun. Il faut d’abord que cette «communauté» soit mieux représentée et mieux éduquée. Il lui faut de très bons communicants. Cette communauté est victime à maints titres. Elle est atteinte dans sa chair, des vies «musulmanes» sont fauchées par le terrorisme islamiste radical et abject ; elle voit sa propre tradition avilie et pervertie ; les non-musulmans la tiennent pour responsable de l’abomination qui s’abat au nom de l’islam ; elle est divisée et silencieuse.
Le nombre de terroristes français et européens qui rejoignent les rangs de Daech ne cesse d’augmenter. Peut-on encore parler de «marginalisation» pour justifier cet état de fait ? N’y a-t-il pas d’autres raisons moins évidentes ?
Il est clair que la seule explication sociologisante ne suffit pas. Il y a une lecture de type millénariste, voire apocalyptique et nihiliste, qui s’ajoute à celle de la marginalisation. L’attrait d’une religion «refuge» des opprimés sur la terre est réel pour ceux qui sont avides d’action et veulent donner un sens à leur vie.
Le nombre d’actes islamophobes a augmenté d’une façon terrible depuis les attentats précédents. Qui en sont les auteurs ?
Des gens simples d’esprit, des individus qui sont animés d’une volonté de vengeance et d’autres ayant délégué leur capacité d’entendement aux faiseurs d’opinion. Ils sont sensibles à ce que leur racontent Eric Zemmour et Alain Finkielkraut. Des membres du bloc identitaire et d’autres de la mouvance néonazie et de ce qu’on appelle la «fachosphère» viennent compléter le tableau
Les terroristes islamistes font le jeu de l’extrême droite qui gagne des voix à chacune de leurs actions. Comment expliquez-vous cela ?
Un extrémisme alimente toujours un autre. Et parce que le discours de type extrême droite rassure et paraît simple à appliquer. Il s’agit de défendre l’identité nationale et bouter hors de France les «intrus». Les terroristes corroborent par leur action abjecte l’idée d’un péril vert grave qui menace la civilisation.
La France participe militairement à la guerre en Syrie. Que pensez-vous de la politique étrangère de la France instituée par Sarkozy et poursuivie par Hollande ?
L’intervention de la France en Libye est un fiasco total. Celle au Mali pouvait se comprendre et maintenant la France est fondée légitimement à bombarder Daech. Mais les interventions militaires seules ne règlent rien. Il faut toujours les accompagner concomitamment par une préparation à la transition démocratique en s’appuyant sur les élites locales et les structures existantes. Des plans d’aide au développement doivent être élaborés et appliqués.
Propos recueillis par Mohamed El-Ghazi
 

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