Le terrorisme : un monstre à mille têtes

Par M. Mahatma(*) – Dans le cadre des attaques du vendredi 13 novembre 2015, les autorités de la République française, toutes tendances politiques confondues, sonnent la mobilisation générale pour «terroriser les terroristes», comme disait feu Charles Pasqua, ancien ministre de l'Intérieur. En déclarant l'état d'urgence dans la capitale française et sur l'ensemble du territoire, en fermant les frontières et en mobilisant toutes les forces de l'Etat, le président de la République, François Hollande, a voulu rassurer les citoyens français, mais surtout leur faire prendre conscience que leur pays est en état de guerre. Une nuit d'horreur dans une capitale, Paris, assiégée en quelques heures, avec un bilan de 129 morts et 352 blessés dont 99 grièvement atteints, sous réserve d'informations encore plus affinées, relayée par des images fortes en émotion, diffusées en boucle par toutes les télévisions du monde, traduit bien l'effroi et la vulnérabilité de tout un peuple face au terrorisme, et oblige la France à se lancer dans l'une des batailles parmi les plus difficiles, mais également les plus risquées de son histoire récente. Mais bien avant elle, de 1988 à 1998, l'Algérie a dû faire face à une vague de violences terroristes sans précédent et n'a pas reçu beaucoup de soutiens internationaux. Son peuple a dû faire face au terrorisme dans une quasi-solitude avec ses propres moyens. En effet, l'écrasante majorité des familles algériennes a été douloureusement endeuillée durant «la décennie sanglante». Pis, au plus fort de ces années sombres, une propagande, orientée et massivement soutenue dans les médias internationaux, n'hésitait pas à exploiter l'idée d'une grande suspicion sur tous les appareils d'Etat algériens, laissant entendre des doutes relatifs aux véritables auteurs des tueries. Avec le temps, le peuple algérien, avec le soutien moral et la sympathie agissante de tous ceux qui dans le monde connaissent et apprécient sa force de caractère légendaire, a su et pu tordre le cou à cette campagne de désinformation, pour le moins abjecte et d'une certaine manière criminelle, en insultant la mémoire de toutes les Algériennes et de tous les Algériens, victimes courageuses d'un terrorisme qui souillait l'islam en les ayant sauvagement décapitées en son nom. Une fois la vérité connue sur les véritables gènes de ce monstre et «les pouvoirs machiavéliques et sanguinaires» qui le nourrissent, nombreux sont les pays dans le monde qui rendent désormais hommage à l'Algérie et à son peuple, ainsi qu'à leurs forces armées et de sécurité, qui l'ont courageusement et massivement vaincu sur leur territoire, n'omettant pas, par la suite, de tirer des enseignements de leur combat héroïque pour imaginer des solutions sécuritaires, diplomatiques et politiques dans des situations de crise. Ainsi, comme au Mali, en Libye ou en Tunisie par exemple, il est de notoriété publique que l'Algérie et ses réseaux diplomatiques sont ou ont été omniprésents pour aider à accompagner, mais particulièrement à remplacer les ripostes militaires, jugées nécessaires à un moment donné, en consolidant sur le terrain les efforts de pacification et de stabilisation de tous les pays menacés par cet «ogre aux milles têtes» des temps modernes. Une question glace le sang de tous celles et ceux qui savent évaluer la valeur de la vie humaine et le prix de la paix dans le monde : que se serait-il passé si l'Algérie s'était alors effondrée comme la Libye ou l'Irak et plus récemment la Syrie ? On ose à peine imaginer la réponse, tellement les conséquences auraient été effroyables pour tout le pourtour de la Méditerranée, surtout lorsqu'on voit les flux migratoires face auxquels beaucoup de pays de l'Union européenne peinent à adopter des réponses minimales ou empreintes d'une véritable solidarité, à la fois humaine et désintéressée. Fort de la lutte du peuple algérien qui a fini par tordre le bras et le cou aux mercenaires du terrorisme, le peuple français n'a aucune raison de désespérer pour terrasser, à son tour, le terrorisme barbare tout en défendant sa démocratie et les valeurs de sa République. Pour remporter une victoire certaine et éclatante, il faudrait savoir rester dans la logique chère à tous les défenseurs des droits de l'Homme et du citoyen. Une ligne de démarcation entre une lutte féroce et légitime contre le terrorisme et la préservation des libertés doit être clairement fixée. N'oublions pas qu'après le 11 septembre 2001, beaucoup de pays ont adopté des lois pour prévenir des attentats terroristes. Tout le monde sait aujourd'hui qu'avec l'horreur du 13 novembre 2015, à Paris, que cette tâche est particulièrement ardue. Selon beaucoup de spécialistes, l'expérience montre que l'identification et la détention d'individus, présentant un risque pour la sécurité nationale, s'avèrent extrêmement complexes et suscitent de très nombreux problèmes juridiques. Dans certains pays, le recours, dans un passé plus ou moins récent, à des pratiques condamnables moralement et juridiquement oblige aujourd'hui les tribunaux à mieux contrôler la légalité d'actes accomplis par le pouvoir exécutif. Néanmoins, point de place à la naïveté. Tout le monde sait, en France et partout ailleurs dans le monde, que les tribunaux d'un Etat, s'affichant fièrement démocratique et républicain, abordent cette tâche en faisant preuve de respect pour le rôle difficile qui incombe au Parlement et au pouvoir exécutif dans la lutte contre le terrorisme. Il leur faut cependant veiller à ce que les lois soient constitutionnelles et à ce que les agents administratifs ou les professionnels des forces gouvernementales n'outrepassent pas leurs pouvoirs légitimes.
L'islam authentique est celui de l'humanisme
Le pouvoir judiciaire doit être prêt à protéger les droits, non seulement de la majorité, mais aussi les droits des citoyens minoritaires accusés à tort, rendus insidieusement coupables des horreurs terroristes commises dans la capitale française, et par ailleurs stigmatisés au motif qu'ils sont de confession musulmane, sans avoir de porte-voix, crédible et représentatif de leur culte, défendant et assumant dans les espaces médiatiques et institutionnels, avec intelligence, compétence et autorité théologique musulmane reconnue, leur message pour crier les valeurs authentiques de leur foi, foncièrement et universellement humanistes, leur mépris de tous les barbares qui tuent et décapitent au nom de l'islam pour le souiller. C'est uniquement lorsque ces conditions auront été réunies que les citoyens de confession musulmane, en France ou ailleurs en Europe, peuvent espérer voir leur dignité d'hommes et de femmes respectée, mise à mal depuis plusieurs années déjà par des discours malhonnêtes de certains partis politiques extrémistes ou par des commentaires, analyses et articles de certains journalistes et autres pseudo- intellectuels, idéologiquement engagés pour cautionner et légitimer le «concept dangereux et belliqueux» de «guerre des civilisations». Ces derniers, bien évidemment, font commerce du sensationnel et ne se donnent jamais la peine de faire l'effort de l'objectivité, en adoptant une attitude neutre, examinant l'islam en lui-même d'une manière scientifique. Ils découvriraient alors que l'islam authentique de leurs concitoyens est celui de l'humanisme, foncièrement tolérant pour être en harmonie avec «la société et sa morale à un moment donné de l'histoire, mais aussi et surtout de l'esprit et des visées de la loi religieuse et de la mentalité qui évolue des humains en leur communauté restreinte comme universelle». Aux yeux de celles et ceux pour qui l'information doit être honnête à défaut d'être objective, «la vérité sur un fait ou un événement doit être inscrite sur le front de la vérité», l'islam à l'origine ne pouvait être qu'ouvert par définition à l'altérité et à tous les acquis de l'humanité. C'est pour cela qu'en un temps relativement court, il a été adopté par des peuples, ayant des cultures et des coutumes aussi variées que nombreuses, allant des rives européennes de l'Atlantique jusqu'en Chine. C'est en tout cas ce message authentique, révélé au prophète Mohammed (QSSSL) que ses compagnons des premiers jours ont défendu, notamment Seyed Ali Ibn Abi Taleb, connu pour sa culture et sa bravoure, qui affirma : «Respecte l'être humain car même s'il n'est pas ton frère en religion, il est ton frère en l'humanité !» Cela rappelé, dans le cadre des mesures légitimes, prises par le pouvoir exécutif en France pour éradiquer «les mercenaires du terrorisme» qui utilisent l'islam comme d'autres, en d'autres temps en Europe même, ont utilisé le christianisme comme «habit qui ne faisait pas forcément le moine», le rôle des tribunaux doit veiller scrupuleusement à l'équilibre établi par le législateur ou l'exécutif entre les droits de tous les citoyens, sans distinction de statut social, de religion, de couleur ou d'origine, d'une part, et une lutte impitoyable, sans concessions et acharnée contre le terrorisme, d'autre part. Toutes ces précautions prises, il est évident que tous les citoyens conscients du danger du silence sur le terrorisme, ses méthodes et ses sources de financement pour semer le chaos, hier en Algérie, aujourd'hui dans l'Hexagone et dans d'autres pays, se doivent de soutenir le législateur ou l'exécutif de leur pays lorsqu'ils démontrent qu'ils peuvent être mieux placés que les juges pour déterminer précisément où se situe le point d'équilibre dans tel ou tel cas. Mais il serait bon que les autorités de l'Etat français, de la République française qui viennent de confirmer une guerre totale au terrorisme, se montrent intraitables, si nécessaire et selon la Constitution en vigueur, pour justifier les atteintes à des droits garantis pour l'ensemble des citoyens ou résidents respectueux des lois en France ; et si elles n'y parviennent pas, permettre et faire que nul ne puisse douter que le pouvoir judiciaire, à travers ses juridictions appropriées, exerce librement son contrôle pour déclarer leur action inconstitutionnelle. La guerre, légitimement déclarée aujourd'hui par la France au terrorisme, ne doit pas mettre sous le tapis la préservation de l'équilibre entre la lutte contre ce fléau abjecte et la préservation des droits et libertés dont la responsabilité est répartie entre les trois pouvoirs de l'Etat : le législatif, l’exécutif et le judiciaire. Il y va de la crédibilité, de la légitimité et de la notoriété de la démocratie en France.
M. Mahatma
(*) Membre de l’Alliance nationale des associations des Algériens de France (Anaaf)

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