Une petite marche arrière et rêvons !

Par Abderrahmane Zakad – Août 1945, après l'apocalypse et le martyre d'Hiroshima (100 000 morts) et de Nagasaki (35 000 morts), les militaires japonais et les jusqu'au-boutistes du Conseil impérial nippon se trouvèrent affaiblis. Les plus modérés, en accord avec l'empereur Hirohito, purent débarrasser le gouvernement de l'empire du Soleil levant du carcan de la tutelle des militaires. Ah, si le 5 juillet 1962, on s’était débarrassé de la tutelle des militaires et que nos soldats aux frontières étaient restés aux frontières et que nos politiques et nos civils avaient pris l’Algérie en charge ! Mieux encore, les 2 000 maquisards au maquis : «Allez, rentrez à la maison, bravo, c’est bien. Merci.» Les 20 000 djounoud aux frontières, on leur aurait acheté à chacun un costume chez Tati, et oust, tout le monde à la maison et que chacun reprenne son travail aux PTT, aux champs ou coiffeur à La Casbah. Au colonel, au capitaine, au commissaire, politique : «Rentre chez toi, tu as fait ton devoir, va reprendre ton travail.» Avec deux bombes atomiques sur la tête, le ministre des Affaires étrangères Togo avise les Américains que le Japon était prêt à capituler, émettant tout de même la condition que le Mikado demeure le chef de l'Etat. Il sembla acceptable aux alliés, voire même important, que Hirohito demeure à la tête du Japon, car lui seul avait la capacité de faire capituler toutes ses troupes. Ah ! S’il avait semblé acceptable aux militaires que Ferhat Abbas restât président du GPRA et qu’Abderrahmane Farès installé à Rocher Noir eut pu mettre son expérience et son autorité au service de l’Algérie ! Eux seuls auraient pu faire calmer les chefs militaires et juguler les ambitions. Le peuple, crédule et discipliné, les aurait appuyés. Mais le peuple, confiant, attendait. Le 15 août 1945, à midi, le Mikado, qui avait échappé à une tentative d'enlèvement projetée par de jeunes officiers de l'armée de terre, adressait un message radiophonique à son peuple et à ses forces armées. Manipulant avec habileté les euphémismes, ne prononçant en aucun cas les termes de «capitulation», de «reddition» ou de «défaite», Hirohito s'adressa dans un langage de cour à une nation qui n'avait jamais entendu le son de sa voix. Son discours provoqua de l'incrédulité et de la honte chez les Japonais. Les incrédules, soldats subalternes qui n'avaient jamais subodoré la précarité de la situation militaire de leur pays, se préparaient encore à défendre leur pays jusqu'à la mort. La honte de la reddition amena d'importantes vagues de suicide. Nombreux furent ceux qui se firent «seppuku» (hara-kiri) devant le palais impérial. Ah ! Si les groupes de Tlemcen, de Kabylie, des Aurès, du Sud, d’en haut, d’en bas, s’étaient mis d’accord afin qu’un pouvoir civil de transition puisse préparer des élections dans le calme pour élire une assemblée constituante sans insultes, sans menaces et pas en catimini dans un cinéma de Bab El-Oued ! Ce n'est que le 2 septembre 1945, soit près d'un mois après Hiroshima, que les délégations japonaises et alliées signaient, sur le cuirassier Missouri,la capitulation sans condition du Japon, mettant un terme à la Seconde Guerre mondiale. Ah ! Si les membres du GPRA, du FLN, des groupes d’Oujda, de Kabylie, des Aurès, d’en haut, d’en bas, s’étaient gentiment réunis pour signer un document mettant fin à leurs zizanies et à leur enfantillage. L'utilisation de la bombe atomique sur les villes japonaises et ses habitants a suscité et suscitera longtemps encore des polémiques, y compris aux Etats-Unis. Camus écrira dans le journal Combat du 8 août 1944 : « La civilisation mécanique vient de parvenir à son dernier degré de sauvagerie. "Little Boy" – la bombe d’Hiroshima – et "Fat Man" – celle de Nagasaki – n'avaient hâté la fin d'une guerre que pour installer un nouvel équilibre : celui, bien instable, de la terreur nucléaire.» Chez nous, «Little Boy» règne toujours et «Fat Man» nous a installé des satrapes qui usent de la terreur, de la chkara, de coups fourrés et qui nous font croire que les pizzas sont meilleures que notre couscous national. C’est vrai que pour fabriquer les pizzas, il faut des pizzaiolos, des «reqassates». Mais pour le couscous, ce sont nos bonnes vieilles grand-mères qui savent seules le faire. Comme elles l’ont fait pour les moudjahidine. Et d’elles, on ne parle jamais. Avant que je n’oublie, lorsque les Japonais ont reçu sur la tête deux bombes atomiques, ils ont pleuré pendant deux ans. Sort alors un ministre qui les engueule et leur dit : «Assez pleurer ! Retroussez les manches et travaillons. Il ne faut plus que cela nous arrive. Il faut que l’on soit fort et qu’on ait peur de nous.» Depuis, vous savez ce qu’est devenu le Japon après avoir pleuré pendant deux ans. Nous, nous pleurons depuis cinquante ans.
A. Z.
Agitateur culturel

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