Article 51 : simple discrimination de la diaspora algérienne dans le monde ?

Par Anaaf – Le débat national sur la réforme de la Constitution a pour objet affiché d’instaurer un Etat de droit dans lequel tout Algérien, ainsi que sa progéniture, ne sera plus exclu. Or, proposer, aujourd’hui, aux Algériens résidant à l’étranger, ou ayant acquis la nationalité du pays de leur naissance, une nationalité algérienne avec une citoyenneté douteuse, c’est laisser penser qu’ils seraient d’éventuels traîtres ou espions. L’alibi est le même que celui poursuivi par certaines classes politiques françaises : éviter d’avoir une cinquième colonne composée d’ennemis de l’intérieur. Des deux côtés de la Méditerranée et pour donner corps à des idées préconçues, on fait mine d’ignorer que lors de la guerre des Balkans, en ex-Yougoslavie au printemps 1999, les Franco-Serbes ou les Américano-Serbes, par réflexe nationaliste, avaient opté pour le soutien à la Serbie contre l’Otan ! Nul n’ignore que la puissance d’Israël dans le monde provient de la richesse humaine, intellectuelle et financière de sa diaspora qui agit en véritable lobby. En effet, Israël exploite avec intelligence ses ressortissants installés à l’étranger. Benyamin Netanyahou ou David Levy, tous les deux israéliens, sont également et respectivement américain et marocain. En France, Simone Weil (ancienne ministre française «nominée» candidate à la présidence d’Israël en 1988) et autres personnalités publiques en France sont à la fois juifs israéliens et français. C’est pourquoi l’Etat d’Israël peut ainsi tout se permettre : faire fi en toute impunité des résolutions de l’ONU malgré ses actes et sa politique de colonisation dans les territoires occupés. Pour faire un parallèle avec Israël, des millions d’Algériennes et d’Algériens, du fait de l’histoire de la Fédération de France, ou acculés à l’expatriation pour des raisons économiques ou tout simplement nés à l’étranger, ont adopté la nationalité des pays hôtes pour survivre et gravir des échelons dans la société. Des millions d’entre eux sont devenus citoyens français, américains, canadiens ou belges, ingénieurs, avocats, médecins, juges, professeurs d’université, PDG des entreprises, hauts fonctionnaires, conseillers municipaux et régionaux et même, en nombre très infime, secrétaires d’Etat ou ministre. Pourquoi seraient-ils subitement mis à l’index et considérés comme dangereux pour les intérêts supérieurs et permanents du pays de leurs ancêtres ? Pour simple rappel ou information pour les plus jeunes parmi les Algériens, Madame Salomé Zourabichvili, haut fonctionnaire du Quai d’Orsay et ambassadrice de France en Géorgie, son pays natal, a été nommée, en avril 2004, ministre des Affaires étrangères à Tbilissi par le gouvernement géorgien. Madame Salomé Zourabichvili est arrivée en France à l’âge de deux ans avec ses parents, anciens politiciens géorgiens influents. Cette ambassadrice française, devenue ministre des Affaires étrangères de son pays, a facilement réintégré son poste et son grade aux affaires étrangères françaises après qu’elle eût cessé d’appartenir au gouvernement géorgien. Elle a défendu avec force les dossiers de la Géorgie à l’échelle internationale, particulièrement en France dont elle connaissait les rouages et à Bruxelles pour la candidature de la Géorgie à l’Union européenne. Il s’agit pour nous de souligner modestement un exemple de l’efficacité et de la richesse de la double nationalité. L’autre exemple marquant est celui des Libanais installés dans presque tous les pays du monde. Comme beaucoup de pays, le Liban reconnaît la double nationalité, ce qui constitue sa richesse et sa force via les lobbies économiques, financiers et politiques de son importante diaspora dans le monde. Compte tenu de tout cela, pourquoi les rédacteurs de l’article 51 ont-ils voulu «diaboliser» et «suspecter de trahison potentielle» les membres de la diaspora algérienne, résidents ou nés à l’étranger, en rendant la nationalité algérienne archaïque en voulant en faire une nationalité exclusive. Par ses enfants et citoyens ayant la double nationalité, l’Algérie pourrait imposer stratégiquement la défense de ses intérêts vitaux dans les organismes internationaux. Par ailleurs, ces rédacteurs de l’article 51 ignorent-ils ce qui relève du secret de polichinelle : de nombreux cadres de la nation, des représentants de la nation à l’APN, voire peut-être certains ministres des différents gouvernements de ces dernières années, sont naturalisés français, américains ou espagnols ! Quid de leur statut si l’article 51 était maintenu dans la nouvelle Constitution ? Une question qui ne peut pas être évacuée : beaucoup d’Algériens qui appartiennent à la classe dirigeante de l’économie privée algérienne ont mis leurs enfants «à l’abri» en leur faisant obtenir des nationalités étrangères, notamment française. Pourquoi restent-ils muets par rapport au débat sur l’article 51. Pour toutes ces raisons, il nous est permis de douter de la volonté politique des rédacteurs de l’article 51 de favoriser la consolidation d’un Etat de droit moderne. Nous voulons encore croire que le Parlement algérien auquel sera soumis le projet de réforme constitutionnelle, avec le souci consciencieux, loin de toute politique politicienne ou démagogique, de rejet injustifié et d’esprit de hogra, dans un courageux sursaut d’éveil national de bon sens en vue de réconcilier tous les Algériens avec leur pays et la terre de leurs ancêtres, devrait refuser de voter la constitutionnalisation de l’article 51 qui fait aujourd’hui polémique. Une décision aussi courageuse de la part des députés de l’APN et des sénateurs permettra à tous les Algériens, résidents ou nés à l’étranger, qui ont ou pas la nationalité des pays qui les ont accueillis ou vu naître, puissent enfin vivre avec la tranquillité d’esprit que la nationalité algérienne d’origine est irrévocable et prime sur les autres nationalités acquises à l’étranger. Les nationalités acquises à l’étranger sont considérées par les dirigeants de certains pays arabes comme des nationalités de survie. En conséquence, ces mêmes dirigeants ont jugé qu’il est inutile de priver un compatriote de sa nationalité d’origine qu’il garde dans son cœur parce qu’il reste nostalgique et soucieux du développement de son pays natal. En Allemagne aussi, est allemand tout individu dont un parent est allemand d’origine ou de sang allemand. Il en est de même en Israël. Faudrait-il enfin rappeler aux rédacteurs de l’article 51 que la glorieuse révolution de novembre 1954 a courageusement et fièrement vaincu le colonialisme français pour fait naître l’espoir d’instaurer une démocratie nouvelle, moderne et avant-gardiste. Pendant que la mondialisation offre une plus grande ouverture sur les cultures, les différences, la mobilité et les citoyennetés ouvertes et transnationales, et pendant que des démocraties fortes accordent de plus en plus le droit de vote aux résidents étrangers, pourquoi les rédacteurs de l’article 51 ont-ils pensé possible de créer en Algérie deux catégories de citoyens, des vrais… et des moins bons poussés, comme l’affirme au nom de l’Anaaf, monsieur Abdelkader Raffed, «à porter un jour, plus ou moins lointain, un croissant jaune pour faire valoir leurs droits». En effet, l’esprit de l’article 51 relève, dans les sociétés évoluées, de la discrimination et la constatation première d’une vision étriquée de l’avenir et de la modernité qui est celle de ceux qui l’ont rédigé. Tout le monde sait, dans les faits, que les restrictions qu’ils proposent dans l’article 51 ne concerneront que bien peu de binationaux. Mais c’est une question de principe et de respect des droits fondamentaux, auxquels tous les Algériens, sans aucune distinction, sont attachés, ont toujours défendu et continuerons à défendre.
Alliance nationale des associations des Algériens de France

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