Ce qu’il faut retenir du procès Sonatrach : Chakib Khelil «acquitté» sans même avoir été jugé

Le procès de l'affaire dite «Sonatrach 1» impliquant quinze personnes et quatre entreprises étrangères, en tant que personnes morales, pour corruption, qui a commencé le 27 décembre au tribunal criminel d'Alger dans une salle d’audience archi-comble, s’est terminé un peu plus d’un mois après quasiment dans l’indifférence générale, malgré les lourds chefs d’inculpation : constitution d’association de malfaiteurs, corruption, blanchiment d’argent, conflit d’intérêts, abus de fonction, dilapidation et complicité dans la dilapidation de deniers publics. Il est vrai qu’entretemps, le contexte a été mis en ébullition par un chassé-croisé politico-médiatique qui a failli mettre en marge de l’actualité même le projet de révision constitutionnelle autour duquel un boucan terrible a pourtant été savamment orchestré. Mais il faut admettre également que le procès Sonatrach 1 a montré, dès le début, qu’il n’allait pas tenir ses promesses de révélations. En fait, l’intérêt est tombé à partir du moment où tout le monde a compris que l’ex-ministre de l’Energie, Chakib Khelil, dont l’ombre a plané sur toute l’affaire depuis qu’elle a été lancée dans les médias et dont on attendait sa version des faits, ne serait pas présent et ne dirait aucun mot. Il ne restait à juger que des exécutants dont aucun n’a eu le courage au moment des faits de dire non au ministre. On sait que l’opinion publique, dans n’importe quel pays, ne s’est jamais passionnée pour le procès des exécutants. Paradoxalement, les interventions des avocats – dont plusieurs sont des ténors du barreau – ont contribué à créer les conditions de la désaffection à l’égard de ce procès. Il y a un grand contraste entre le tapage médiatique qui avait alimenté, au début et durant de longs mois, les discussions dans la rue et sur les réseaux sociaux concernant cette affaire, et cette fin en queue de poisson de son premier volet, au point où seuls les journalistes qui sont chargés de ce dossier et quelques autres spécialistes, en plus des personnes directement concernées, connaissent, par exemple, les péripéties de cette affaire à l’étranger, en particulier les procédures judiciaires engagées par la justice italienne. Ainsi, Algeriepatriotiquea révélé (voir article du 25 janvier 2016) que le juge italien en charge de cette affaire a fixé la date de la tenue de la prochaine audience du procès, qui risque de durer dans le temps, au lundi 29 février. Les rebondissements viendront peut-être de ce procès qui se tient à Milan et dont les accusés – parmi lesquels des intermédiaires algériens, à leur tête Farid Bedjaoui, tous visés par un mandat d’arrêt international lancé par la justice italienne, en fuite – pourraient constituer la clé de voûte de cette affaire de corruption à grande échelle, notamment dans son volet relatif à l’implication de Chakib Khelil et à son rôle dans ces commissions et rétrocommissions. Algeriepatriotiqueavait fait état dans plusieurs articles étayés par des documents de ce dossier mettant en cause Chakib Khelil dans de graves affaires de détournement. Et à ceux qui prétendent qu’il s’agit d’une cabale, Sid-Ahmed Ghozali, qui connaît bien le secteur et son fonctionnement, pour avoir été à la tête de Sonatrach, et qui est bien placé pour en parler, a répondu que «l’affaire Sonatrach n’est pas une histoire de règlement de comptes» contrairement à la thèse qui veut laisser croire que Chakib Khelil, réfugié aux Etats-Unis, a été victime d’un «complot». Tout en disant respecter entièrement la présomption d’innocence, Ghozali a fait observer qu’«on ne peut pas être à la tête d’un secteur pendant douze années et ne rien savoir ce qu’il se passe à l’intérieur» (voir article d’Algeriepatriotiquedu 18 novembre 2015). La vérité viendra-t-elle du procès Sonatrach II, ou de Milan, peut-être ?
Houari Achouri
 

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