L’opération de réinsertion des barons de l’informel dans le circuit financier officiel fait couler le dinar

A son arrivée au ministère des Finances, Abderrahmane Benkhalfa a cru y trouver la recette miracle pour drainer vers les caisses de l’Etat les dinars qui lui manquent et qui débordent des sachets noirs dans lesquels les barons de l’informel le font circuler et dériver la valeur à leur guise, ou plutôt en fonction de leur intérêt qui n’a rien à voir avec l’intérêt national. Au lieu de frapper fort dans cette fourmilière, le gouvernement Sellal a préféré la manœuvre consistant à autoriser les barons du marché parallèle à déposer leur argent sale dans les banques, leur permettant ainsi d'intégrer le circuit officiel sans encourir les sanctions prévues par la loi dans leur cas. Cela fait plusieurs mois, début août 2015 précisément, que la Direction générale des impôts (DGI) a lancé cette opération appelée pompeusement «mise en conformité fiscale volontaire» par l'article 43 de la loi de finances complémentaire 2015. En contrepartie, un vrai cadeau : «Les sommes déposées, dans ce cadre, auprès des banques, par toute personne, quelle que soit sa situation, font l’objet d'une taxation forfaitaire libératoire au taux de 7%». Une précaution toute formelle exige que «les sources de ces fonds ou les transactions qui en sont l’origine doivent être légitimes et ne doivent correspondre à aucun acte incriminé par le Code pénal et la législation régissant la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme». Mais dans les faits, est-ce que la provenance de l’argent sale a été vérifiée ? Ce dispositif a été clos à la fin de l’année. Ceux qui n’en ont pas profité doivent, aux termes de la loi, faire l’objet de «redressements dans les conditions de droit commun avec l’application des pénalités et sanctions prévues en la matière». Quels sont les résultats de cette tentative de «réinsertion» de ces délinquants économiques ? La réponse, absente dans les discours officiels, est sur le terrain. La seule conséquence visible est une pénurie de devises dans les banques et une envolée du taux de change parallèle qui ne fait qu'enrichir davantage la mafia du square. Les barons de l’informel ont mieux que la miette représentée par la «taxation forfaitaire libératoire de 7%», ils ont l’euro, valeur refuge, qu’ils considèrent plus sûr que les banques algériennes et qu’ils achètent au moyen de dinars d’origine «indéterminée», mais facile à deviner. Les habitués du change parallèle de devises sont surpris par un niveau d’échange de dinars contre des euros jamais atteint, entraînant un déséquilibre entre offre et demande qui tend à couler le dinar encore plus et à faire grimper artificiellement l’euro. Bilan encore provisoire : l’euro se raréfie et s’envole vers les 200 DA à l’achat et rien ne semble pouvoir empêcher cette tendance imposée illégalement du côté du square Port-Saïd. Visiblement, la thésaurisation ne se fait plus en dinars, mais en euros, en violation de la loi. Pendant ce temps, Benkhalfa continue d’exhorter ses compatriotes à faire confiance à la monnaie nationale. Il y a véritablement un problème quelque part. Les barons de l’informel assimilent les mesures de clémence fiscale à de la faiblesse. La preuve, selon les chiffres officiels, qui doivent être en deçà de la réalité, au moins 200 marchés informels ont fait leur réapparition à travers le territoire national en 2015, principalement dans les grandes villes. Ce mouvement de «renaissance» de l’informel va à contre-courant – et signifie, là aussi – l’échec de l’opération lancée en août 2012 par le ministère de l'Intérieur, en collaboration avec celui du Commerce, visant la suppression de ces marchés sources de fraude et d’évasion fiscales à grande échelle. Le gouvernement va-t-il avouer son échec et changer de stratégie ? Aura-t-il le courage de passer à une seconde phase qui consisterait à récupérer cette masse monétaire considérable par la force dans le cadre des lois (piétinées) de la République ?
Houari Achouri

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