L’ex-ambassadeur Xavier Driencourt : «L’Algérie fait partie de la politique intérieure française»

L’ancien ambassadeur de France à Alger, Xavier Driencourt, a affirmé que l’Algérie «a perdu un certain nombre d’avantages» dans l’accord algéro-français du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles en France. L’accord prévoyait un régime spécial pour les Algériens pour venir en France après l’indépendance, a rappelé l’ancien ambassadeur qui a expliqué que la France a, entretemps, signé d’autres accords avec d’autres pays africains qui offrent une meilleure couverture à leurs ressortissants. Sans reprocher au gouvernement algérien un quelconque manquement dans ce dossier, Xavier Driencourt a, néanmoins, regretté, sur le plateau de BRTV, que l’accord de 1968, qui est venu en complément des Accords d’Evian, «n’ait pas été actualisé, bien qu’il y ait eu des avenants». Le diplomate français, qui a «gardé un attachement particulier avec l’Algérie», selon l’écrivain et journaliste Rachid Arhab, a précisé que les étudiants algériens en France «ont des avantages particuliers sur certains points, mais sont moins avantagés sur d’autres» par rapport aux étudiants issus d’autres pays. Pour Xavier Driencourt, l’accord de 1968 a «peut-être besoin d’être toiletté» et «aménagé», mais il a insisté sur la nécessité d’en «garder la philosophie qui est celle d’un régime un peu particulier entre la France et l’Algérie». Abordant la très sensible question de la religion et – corollairement – de la laïcité, Xavier Driencourt a insisté sur le fait qu’il ne faille pas «tout regarder sous le prisme de la religion». L’ancien ambassadeur de France à Alger a avoué que cette laïcité pose un certain nombre de nouveaux problèmes qui n’existaient pas lors de la promulgation de la loi de 1905, «puisque l’islam n’était pas une religion qui existait avec autant de force». «Là aussi, il y a un débat en France pour savoir, comme pour l’accord de 1968, s’il faut ou non amender cette loi de 1905». Pour Xavier Driencourt, «il y a une espèce de la "religion de la laïcité" en France, aussi ne faut-il pas prendre la loi sur la laïcité à la lettre». Il a rappelé que cette loi est vieille de plus d’un siècle et qu’il y a «peut-être un certain nombre de dispositions à réexaminer ensemble», en associant «des conceptions, des vues philosophiques, sociétales, religieuses différentes.» Bien que ce soit un sujet «très difficile», a-t-il affirmé dans l’émission J-7 de BRTV, cela ne relève pas du domaine de l’impossible. Pour lui, s’il est plus difficile pour les jeunes de réussir de nos jours que par le passé, cela est dû à «l’état de la société» et à «la situation économique ou sociale du pays». «Il y a quand même – et c’est ça le paradoxe pour la classe politique – dans cette génération, qui est la quatrième ou la troisième de jeunes Français, nés en France, de descendance algérienne, marocaine, tunisienne ou autre, le sentiment qu’avant d’être français, avant d’être citoyens de la république, leur identité, c’est la religion», a indiqué Xavier Driencourt en réponse à une question sur le problème d’intégration. «L’islam, a-t-il dit, puisque la plupart d’entre eux sont musulmans, est le marqueur de leur citoyenneté avant la nationalité française et avant l’engagement républicain». Selon lui, les Algériens de la première génération qui ont émigré en France «ont cherché à se démarquer de leurs origines et à se fondre dans la masse sans faire apparaître leur religion», tandis que ceux qui sont nés en France, «les jeunes qui ont une vingtaine d’années, cherchent, au contraire, à se marquer et à s’identifier en tant que musulmans d’abord». A une question sur les attentats du 13 novembre dernier à Paris, Xavier Driencourt a affirmé que le constat était que la réponse des autorités françaises «est largement sécuritaire», indiquant que cela «est nécessaire mais pas suffisant». «Le problème, a-t-il soutenu, ne date pas de janvier ou de novembre 2015, mais de plusieurs années. Il est le résultat d’une accumulation de difficultés urbanistiques, sociales, sociétales, scolaires, etc.» Evoquant son passage à Alger, durant quatre années en tant qu’ambassadeur, le diplomate a souligné que l’Algérie «c’est, dans le fond, de la politique étrangère – pour un diplomate, c’est normal –, mais c’est aussi de la politique intérieure française. En France, on parle de l’Algérie comme un sujet de quasi politique intérieure parce qu’il y a, en arrière-plan, la question de l’immigration. Et, en Algérie, les débats de politique intérieure française – sur le voile, le halal, la double nationalité, etc. –, sont également quasiment des débats de politique intérieure algérienne». Xavier Driencourt en veut pour preuve la réaction des Algériens à propos du débat sur l’identité nationale. «Les Algériens, a-t-il affirmé, percevaient ces débats comme un sujet qui les concernait directement.»
Karim Bouali

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