Eviter les positions et comportements défaitistes face à la crise

Le statu quo est suicidaire pour le pays. Comment ne pas rappeler que les pays ayant entrepris avec succès des réformes se sont appuyés sur une mobilisation de l'opinion. La nécessité de réformer s'impose à l'Algérie, qui a des potentialités énormes. Pour cela, une nouvelle gouvernance s'impose, évitant de dépenser sans compter, posant l'urgence sur le caractère inéluctable des changements structurels à opérer. La croissance forte peut revenir en Algérie. Mais elle suppose la conjugaison de différents facteurs : une population active dynamique, un savoir, le goût du risque et des innovations technologiques sans cesse actualisées, le combat contre toute forme de monopole néfaste, une concurrence efficace, un système financier rénové capable d'attirer du capital et une ouverture vers l'étranger. Ces réformes passent fondamentalement par une démocratie vivante, une stabilité des règles juridiques et l'équité, les politiques parleront de justice sociale. La conduite d'ensemble de ces réformes ne peut ni être déléguée à tel ou tel ministre ni mise dans les mains de telle ou telle administration. Elle ne pourra être conduite que si, au plus haut niveau de l'Etat, une volonté politique forte les conduit et convainc les Algériens de leur importance. D'où avec l'ère d'internet où le monde devient une maison de verre, un langage de vérité et une communication transparente et permanente collant à la réalité, fût-elle amère, sont indispensables. Les vieux discours voyant les ennemis de l'extérieur partout alors que le mal profond est en nous ne portent plus et jouent au contraire comme facteur de démobilisation.
Le pouvoir algérien a vécu longtemps sur l'illusion de la rente éternelle. La majorité des Algériens dont le revenu est fonction à plus de 70% de la rente des hydrocarbures doivent savoir que l'avenir de l'emploi et de leur pouvoir d'achat n'est plus dans la fonction publique, et que celui des entreprises n'est plus dans les subventions à répétition. L'essentiel de l'action est entre les mains des Algériens, qui devront vouloir le changement et partager une envie d'avenir, d'apprendre davantage, de s'adapter, de travailler plus et mieux, de créer, de partager, d'oser. La nature du pouvoir doit également changer, supposant une refonte progressive de l'Etat par une réelle décentralisation autour de grands pôles économiques régionaux, impliquant qu'il passe de l'Etat gestionnaire à l'Etat régulateur, conciliant les coûts sociaux et les coûts privés, étant le cœur de la conscience collective, par une gestion plus saine de ses différentes structures . Au regard de l'importance des mesures à lancer et de l'urgence de la situation, le gouvernement devra choisir le mode de mise en œuvre le plus adapté à chaque décision : l'accélération de projets et d'initiatives existantes, le vote d'une loi accompagnée dès sa présentation au Parlement, des décrets d'application nécessaires à sa mise en œuvre et pour les urgences seulement des décisions par ordonnance pourront être utilisées. Les actions coordonnées et synchronisées dans le temps exigeront le courage de réformer vite et massivement, non des replâtrages conjoncturels, mais de profondes réformes structurelles à tous les niveaux en ayant une vision stratégique pour les moyen et long termes, devant donc réhabiliter la planification et le management stratégique. L'Algérie peut y parvenir dans un délai raisonnable. Elle en a les moyens. Pour cela, elle doit réapprendre à envisager son avenir avec confiance, sécuriser pour protéger, préférer le risque à la rente, libérer l'initiative, la concurrence et l'innovation, car le principal défi du XXIe pour l'Algérie sera la maîtrise du temps. Le monde ne nous attend pas et toute nation qui n'avance pas recule forcément. Retarder les réformes ne peut que conduire à la désintégration lente, à l'appauvrissement, une perte de confiance en l'avenir, puisqu'avec l'épuisement de la rente des hydrocarbures, l'Algérie n'aura plus les moyens de préparer ces réformes et vivra sous l'emprise de la peur, voyant partout des menaces où les autres voient des chances. Cette croissance exige l'engagement par une participation citoyenne et un dialogue productif. Pour s'inscrire dans la croissance mondiale, l'Algérie doit revoir sa diplomatie économique où les relations personnalisées d'Etat à Etat ont fait place à des relations, au sein d'une économie mondialisée, aux réseaux, mettre en place des institutions collant avec la réalité sociale algérienne et internationale, par la débureaucratisation de l'économie et une véritable économie de la connaissance, développant le savoir de tous, de l'informatique au travail en équipe, de la crèche à la recherche. Elle doit ensuite faciliter la concurrence à tous les niveaux de la vie sociale, politique et économique, la création et la croissance des entreprises publiques, privées locales et internationales créatrices de richesses, par la mise en place de moyens modernes de financement, la libéralisation du foncier, la réduction du coût du travail et la simplification des règles de l'emploi. Elle doit favoriser l'épanouissement de nouveaux secteurs clés, dont le numérique, la santé, la biotechnologie, les industries de l'environnement, évitant le mythe de l'ère mécanique des années 1970, étant à l'aube d'une quatrième révolution industrielle. Simultanément, il est nécessaire de créer les conditions d'une mobilité sociale, géographique et concurrentielle et de permettre à chacun de travailler mieux et plus, de changer plus facilement d'emploi, en toute sécurité. Pour mener à bien ces réformes, l'Etat et les collectivités locales doivent être très largement réformés. Il faudra réduire leur part dans la richesse commune, concentrer leurs moyens sur les groupes sociaux qui en ont réellement besoin, faire place à la différenciation et à l'expérimentation, évaluer toute décision, a priori et a posteriori.
Abderrahmane Mebtoul

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