Hé, vous les maires, à vos balais !
Par Kamel Moulfi – Quand on constate l’état des lieux, on se demande si les élus et administrateurs locaux circulent dans leur ville, leur quartier, leur rue. S’ils le font, c’est certainement furtivement, en fermant les yeux et en se pinçant le nez. Le spectacle est désolant. A la saleté visible sur les trottoirs, dont les carrelages sont souvent cassés depuis longtemps, s’ajoutent les odeurs pestilentielles venant d’égouts éclatés ou d’urinoirs sauvages, sans compter la cacophonie des nuisances sonores qui agressent de toutes parts. Sur ces aspects, il est navrant de constater que l’été 2016 ressemble aux précédents ; aucune amélioration.
Le plus triste est de voir que la capitale et particulièrement son centre n’échappent pas à cette image repoussante. Mais le pire est que cette ambiance invivable, inadmissible dans les pays développés, tend à devenir la «norme» chez nous. Pourtant, tous savent que la qualité de la vie est essentielle, qu’elle ne demande que la propreté et un minimum de tranquillité.
Les Algériens méritent de se sentir bien dans leurs rues et quartiers, même si certains d’entre eux ne brillent pas par le civisme. Et il faut s’interroger pourquoi. N’est-ce pas une forme de protestation contre le mépris dans lequel ils sont tenus par les autorités, en tout cas contre leur mise à l’écart dans la gestion locale ? Le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, l’a incidemment reconnu en exigeant qu’à l’avenir, l’avis des citoyens soit pris en compte dans les investissements locaux. Puisse-t-il être entendu !
Le fait est là, les responsables locaux ne s’intéressent pas à l’hygiène et à la salubrité dans les communes dont ils ont pour mission principale de soigner le cadre de vie. Les seuls endroits propres et tranquilles se trouvent là où les habitants ont eu un sursaut d’orgueil (le fameux «nif» typiquement algérien) et se sont occupés, seuls, de leur cité, sans rien attendre des responsables locaux. Cette solidarité entre les gens, en dehors et indépendamment des institutions de l’Etat, comme s’il ne fallait pas compter sur elles, est nettement et de plus en plus perceptible dans les faits et gestes quotidiens des Algériens. Beaucoup de gens ont fini par comprendre qu’ils sont contraints de se prendre, eux-mêmes, mutuellement en charge. On le voit facilement : là où le «nif» n’est pas suffisamment mobilisateur, c’est la montagne de déchets entreposés çà et là, le ruissellement d’eaux noirâtres et nauséabondes et les bruits assourdissants, sur fond d’individualisme ravageur, qui se traduit dans l’informel partout.
Y a-t-il espoir que les choses s’améliorent ? Oui, à condition de veiller au respect des libertés, d’expression, d’opinion et autres, qui sont le seul contrepoids aux tendances au despotisme local. Sinon, la quiétude des Algériens que leur procure le remarquable travail des services de sécurité sera toujours gâchée par l’impéritie dans la gestion locale.
K. M.
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