Halim Benattallah : «Les frappes américaines en Libye mettent l’Algérie en difficulté»
Dans une contribution au quotidien arabophone El-Khabar, Halim Benattallah, ancien secrétaire d’Etat auprès du ministre des Affaires étrangères, chargé de la Communauté nationale à l’étranger et ancien ambassadeur à Bruxelles, a commenté la situation créée pour l’Algérie par les frappes américaines sur Syrte, en Libye, dont il estime qu’elles sont un indicateur qui révèle l’existence d’une stratégie par laquelle les Etats-Unis, la France et l’Italie mettent en œuvre leur double jeu traditionnel. Il explique pourquoi ces développements récents mettent l’Algérie en difficulté et pose à ce sujet, deux questions : «Est-ce que l’Algérie va condamner cette opération militaire et dans quels termes ? Est-il possible pour l’Algérie de condamner la présence de forces paramilitaires françaises, britanniques et italiennes», et fait observer que «jusqu’à présent, l’Algérie garde le silence sur tout cela». Il ajoute : «Ensuite, que faire avec un Premier ministre libyen qui demande une intervention militaire étrangère en dehors du cadre de l’ONU ?»
L’ancien ambassadeur d’Algérie à Bruxelles (2002-2008) rappelle que l’Algérie est pour la «légitimité internationale» et soutient le «gouvernement d’union nationale», alors que les forces étrangères étaient présentes en Libye avant même la constitution du gouvernement libyen. «Je serais très surpris, écrit-il dans sa contribution à El-Khabar, d’apprendre que le Premier ministre libyen, qui a visité l’Algérie, a eu le courage de l’informer sur cette opération.» Halim Benattallah déplore le fait que le Premier ministre libyen n’ait eu, après son retour à Tripoli, pour seul but que de faire appel à l’opération militaire étrangère en Libye. Il est clair, précise-t-il, qu’il a été forcé de le faire même en dehors de la couverture de l’ONU, car, souligne-t-il, il est connu que les Etats-Unis ne prennent pas en compte la légitimité internationale ni rien d’autre quand ils décident eux-mêmes de la résolution des questions militaires, et dans ce cas, pour Halim Benattallah, l’histoire se répète. Dans tous les cas, selon l’ex-diplomate algérien, les Libyens sont responsables de leur propre destin, si le gouvernement libyen a délégué ses décisions à certains pays occidentaux ou si des chefs de guerre font des ravages en Libye. Dans ces circonstances, il serait approprié de suspendre la réouverture de l’ambassade à Tripoli pour montrer que l’Algérie se démarque de ce qui se passe, recommande Halim Benattallah.
Dans son analyse des frappes militaires américaines sur Syrte, il fait constater que lorsque les Etats-Unis et leurs alliés semblaient attirer l’attention sur le «gouvernement d’union nationale» qui n’a été reconnu ni par les Libyens ni par la communauté internationale, ils préparaient en fait une intervention militaire directe, et ne cherchaient que la couverture, et leurs préparatifs sur le terrain n’ont jamais cessé. Halim Benattallah fait remarquer que les Etats-Unis ont précédé leurs alliés dans les frappes militaires, après avoir été réservés à ce sujet. Il fait part de ses doutes à propos de Daech, et il trouve légitime de s‘interroger si la menace de Daech n’a pas été simplement gonflée, comme en Syrie, pour servir de prétexte à la déstabilisation de la région et la destruction de certains pays. L’ancien ambassadeur pense que ce qui se passe peut être le début d’un plan stratégique pour diviser la Libye entre l’Est et l’Ouest, à cause des enjeux énergétiques et pour contenir la Russie en Méditerranée, ce pays qui a bloqué la stratégie des Etats-Unis et de leurs alliés en Syrie. Il estime que les bombardements sur Syrte donnent le signal d’une opération militaire imminente et ouverte, en soulignant le danger sur l’Algérie, qui devra faire face aux conséquences.
Houari Achouri
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