Réfugiés : Amnesty dénonce la démission des «dirigeants du monde»
Des dizaines de milliers de réfugiés syriens sont piégés en plein désert aux frontières jordano-syriennes depuis deux mois, s’est indignée, ce jeudi, l’organisation des droits de l’Homme, Amnesty International, qui incrimine la communauté internationale. «75 000 réfugiés sont actuellement piégés en plein désert dans des conditions effroyables entre la Jordanie et la Syrie, pratiquement coupés de toute aide humanitaire», selon un communiqué d’Amnesty International. L’organisation estime que cette situation est la conséquence «tragique» de «l’incapacité» des «dirigeants du monde» à s’entendre sur le partage des responsabilités en ce qui concerne la crise mondiale des réfugiés. Citant des témoignages de personnes se trouvant dans la zone appelée «la berme» à la frontière syrienne avec la Jordanie, l’organisation décrit une situation «désespérée marquée par la souffrance humaine».
Amnesty International rapporte que les personnes piégées dans la zone de la berme sont presque privées de nourriture, souffrant de maladies. Des réfugiés meurent pour n’avoir pas accès aux secours, aux soins médicaux et à une aide humanitaire digne de ce nom. «La situation dans la berme donne un triste aperçu des conséquences que peut avoir l’incapacité lamentable des Etats à partager les responsabilités dans la crise mondiale des réfugiés», regrette l’ONG. Cette absence de partage des responsabilités a amené de nombreux pays voisins de la Syrie à fermer leurs frontières aux réfugiés, note Amnesty qui explique, néanmoins, que les voisins de la Syrie, dont la Jordanie, où vivent 650 000 réfugiés, accueillent la grande majorité des personnes qui fuient le conflit, ce qui «pèse lourdement sur leurs ressources».
L’ONG, qui indique que dans les prochaines jours, vont se réunir à New York, les «dirigeants du monde» pour deux sommets de haut niveau sur la question des réfugiés, interpelle la communauté internationale pour qu’elle «passe des discours aux actes». Elle appelle «les dirigeants du monde» à s’engager concrètement à accueillir une part équitable des réfugiés, afin de soulager la pression sur les pays qui les hébergent.
En attendant, l’ONG demande à la Jordanie d’autoriser les réfugiés de la berme à entrer sur son territoire, mais insiste sur le fait que les dizaines de milliers de réfugiés syriens «attendent une protection internationale». Selon Amnesty International, à Rukban, zone frontalière avec la Jordanie, le nombre total d’abris est passé de seulement 368 en septembre 2015 à 6 563 en juillet 2016, pour atteindre plus de 8 295 en septembre de la même année. «Cette augmentation spectaculaire s’explique par le fait que, ces derniers mois, des milliers de personnes ont continué de fuir le conflit en Syrie», note l’ONG qui affirme que «la solution à plus long terme devra être mondiale». Elle précise qu’à l’échelle internationale, le nombre de places de réinstallation offertes aux réfugiés syriens reste «terriblement insuffisant», regrettant que le poids de la crise des réfugiés continue de reposer principalement sur les pays de la région.
Trois pays voisins de la Syrie accueillent, à eux seuls, plus de quatre millions de personnes, relève l’organisation des droits de l’Homme. «Sans réels engagements suivis des faits en matière d’augmentation des réinstallation, les deux sommets prévus sur les réfugiés resteront purement symboliques», estime Amnesty International. Pour cette ONG, l’absence de solution à long terme pour les réfugiés piégés dans la zone de la berme sera révélatrice, non seulement de «l’échec de la communauté internationale», mais aussi de son «manquement à ses obligations à l’égard des réfugiés du monde entier».
Selon des chiffres de l’ONU, plus de quatre millions syriens ont fui la Syrie et plus de 290 000 sont morts depuis le début du conflit syrien en 2011.
De Londres, Boudjemaa Selimia
Comment (2)