Le Maroc désormais entre les mains de l’Union africaine
Il ne s’agit pas là de faire dans l’autoglorification, mais la diplomatie algérienne a tout de même de quoi être satisfaite des résultats du 28e Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine. Moussa Faki Mahamat, le candidat à la présidence de la Commission de l’organisation panafricaine qu’elle a soutenu, a été élu haut la main et l’essentiel des points par lesquels elle a conditionné son appui à une réforme de l’Union ont été acceptés.
Quelques heures avant l’ouverture du sommet, le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Ramtane Lamamra, avait insisté sur le fait que cette réforme «ne devait pas toucher aux principes fondamentaux et qu’elle ne devait concerner que le fonctionnement technique de l’organisation», estimant le cadre politique satisfaisant. C’est ce qui fut fait. Le projet de réforme adopté formellement ce lundi se propose de débureaucratiser l’UA, faire en sorte que ses décisions soient appliquées et la rendre plus autonome financièrement.
L’UA est financée à plus de 73% par des donateurs étrangers au continent. Pour limiter cette dépendance de l’extérieur, le sommet de l’UA de Kigali avait déjà adopté le principe d’une taxe sur les importations pour financer l’union. Cette nouvelle taxe de 0,2% doit s’appliquer à toutes les importations des 54 Etats de l’Union africaine, à l’exception de certains biens de première nécessité. Si elle est appliquée, elle devrait rapporter 1,1 milliard d’euros par an. De quoi financer l’UA de manière sûre et régulière. Actuellement, seule une poignée de pays, parmi lesquels l’Algérie, l’Afrique du Sud et le Nigeria, payent régulièrement leurs cotisations.
Ce 28e sommet ordinaire de l’UA est marqué par ailleurs par la décision des chefs d’Etat africains d’entériner la demande d’adhésion du Maroc. Isolées politiquement et asphyxiées économiquement, les autorités marocaines ont fait des pieds et des mains pour rejoindre l’union. Rabat a pendant longtemps combattu et diabolisé l’organisation panafricaine.
Après avoir boudé pendant plus de deux décennies l’OUA qu’ils ont quittée en 1984 pour protester contre l’admission deux ans auparavant de la République arabe sahraouie démocratique (RASD), les autorités marocaines ont fini par comprendre qu’il serait suicidaire pour elles de continuer à tourner le dos à l’Afrique. Brahim Fassi Fihri, du think tank marocain Amadeus, a d’ailleurs reconnu récemment dans la presse marocaine que «la politique de la chaise vide n’était pas payante». Il n’y pas plus grand aveu d’échec.
Pour assurer sa survie, le Maroc a donc dû accepter de renier ses «principes» (son Parlement a ratifié l’Acte constitutif de l’organisation panafricaine), de reconnaître malgré lui la RASD et de s’assoir aux côtés des Sahraouis. C’est à ce prix là que les Africains ont autorisé le roi Mohammed VI à rentrer dans la maison commune africaine. Il s’agit là de l’aboutissement du combat de tout un continent pour la justice et la liberté, des valeurs sur lesquelles est bâtie l’Union africaine. Un combat contre l’oppression et la colonisation. Et les Africains sont décidés à ne laisser personne les remettre en cause. Les Sahraouis considèrent d’ailleurs l’adhésion du Maroc à l’UA comme la «victoire de tout le peuple sahraoui».
Que le Maroc ne croit surtout pas maintenant qu’il pourra dynamiter l’UA de l’intérieur. Des garde-fous existent. Et puis, le refus catégorique de certains pays comme l’Afrique du Sud de voter au départ en faveur de son adhésion sonne comme un avertissement. Cette fois, les Africains ont tranché par consensus, évitant une humiliation au souverain chérifien Mohammed VI, arrivé vendredi à Addis-Abeba. Le feu vert a été donné, bien que la commission juridique de l’UA ait fait savoir que la demande d’adhésion du Maroc soulevait des «questions fondamentales». Cela veut dire que les Africains l’auront à l’œil. Qu’il ne s’amuse donc surtout pas à jouer au plus malin, car, désormais, il est entre les mains de l’Union africaine.
Khider Cherif
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