Une contribution d’Antoine Charpentier – Les langues se délient à propos de la Syrie
Depuis quelque temps, nous commençons à voir et entendre dans les médias français des discours inhabituels sur la situation en Syrie qui diffèrent du discours officiel tenu depuis six ans. Nous pouvons citer le docteur en sciences politiques et directeur du Centre français de recherche sur le renseignement, Eric Denécé, le journaliste Jean-François Kahn, des parlementaires comme Nicolas Dhuicq, Thierry Mariani ou encore Jean Lasalle et bien d’autres. Chez le voisin britannique, c’est le ministre des Affaires étrangères, Boris Johnson, qui a donné de la voix à propos de la Syrie, indiquant que son pays ne devait plus s’opposer à ce que le président Bachar Al-Assad se représente à la prochaine élection présidentielle. Quant à Eric Denécé, il a bien affirmé face à l’animateur de télévision Yves Calvi que «nous étions roulés dans la farine», utilisant le terme «falsification de l’information» en parlant de ce que les médias officiels français rapportaient sur Alep, sans pour autant nier la réalité de la guerre en Syrie. Pour M. Denécé, les médias français sont atteints d’un suivisme des médias anglo-saxons et arabes qui ont des intérêts majeurs en menant une telle désinformation concernant la Syrie.
Cependant, le journaliste Jean-François Kahn a exigé une enquête journalistique internationale sur Alep-Est afin de savoir ce qui s’y est réellement passé. Le directeur du journal Marianne n’espère pas voir l’aboutissement de sa proposition puisque ni les journalistes ni les dirigeants politiques français n’ont la volonté de revoir leur copie, d’admettre leurs torts ou d’avouer tout simplement qu’ils se sont trompés. De ce fait, ils préfèrent persister dans l’erreur et le mensonge que rectifier le tir. Par la suite, Jean-François Kahn s’interroge sur le silence médiatique au sujet d’Alep depuis sa reprise par l’armée syrienne. Il exprime la même interrogation qu’une partie de l’opinion publique française qui n’entend quasiment plus parler d’Alep ni de ce qui se passe ailleurs en Syrie.
Après un voyage en Syrie, les déclarations de trois députés français du parti Les Républicains, notamment sur Alep, ont fortement bousculé le paysage politique français, contredisant la version française officielle. Le député français Nicolas Dhuicq nous affirme ceci : «Je me bats en permanence contre la désinformation qui consistait à dire que les Russes, par plaisir, ont voulu détruire une ville, ainsi que contre l’information majeure et terrible que Bachar Al-Assad tue son peuple. Ça ne serait pas de son intérêt de faire cela. Enfin, si le président Bachar Al-Assad était si tyrannique et aussi détesté que les médias français le disent depuis six ans de guerre, il serait déjà tombé.»
Cependant, Thierry Mariani et Nicolas Dhuicq soutiennent François Fillon, candidat de la droite à l’élection présidentielle, qui s’est subitement rétracté vis-à-vis de ce qu’il a déclaré lors des primaires, traitant au cours d’une émission avec le journaliste Jean-Jacques Bourdin le président Bachar Al-Assad de «dictateur» et de «manipulateur» comme le président défunt Hafez Al-Assad. Pendant les primaires de la droite, François Fillon a prôné la réouverture d’une représentation diplomatique à Damas, la nécessité de discuter avec le président Bachar Al-Assad ainsi qu’un rapprochement avec la Russie.
Toutes ses déclarations ne font que mettre en cause les compétences de la classe politique française. Toutes les voix «dissidentes» actuelles à propos de la question syrienne déplorent l’alignement de la France sur la politique de l’Arabie Saoudite et du Qatar, ainsi que sur les positions des Etats-Unis qui ont une réelle volonté de dépecer la Syrie et avec elle tout le Moyen-Orient. Pour beaucoup de Français, l’Arabie Saoudite fait partie des pays les plus totalitaires au monde, ce qui va à l’encontre de toutes notions de démocratie, de droits de l’Homme et de compréhension occidentale de la liberté. Ce qui n’empêche pas de profondes alliances entre ce pays et la France.
Enfin, ceci révèle la paresse politique des dirigeants français qui, par manque d’intérêts pour les enjeux internationaux ainsi que pour les peuples et par la perte d’un certain niveau intellectuel, préfèrent s’aligner sur une propagande anglo-saxonne-arabe plutôt que de gérer les situations par eux-mêmes.
Antoine-Noura Charpentier
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