Ce que révèlent les législatives : statu quo précaire et reflux dangereux des démocrates
Une analyse des résultats obtenus par les différents partis aux élections législatives du 4 mai montre qu’aucun changement substantiel n’a été opéré sur l’échiquier politique en place depuis la dernière élection. Ce qui prouve que la classe politique, dans sa globalité, est encore loin des aspirations au changement qu’elle a elle-même martelées lors de la campagne électorale. Mais certains indices montrent de nouvelles lignes de fractures qu’il faudrait surveiller.
Trois tendances se dégagent a priori : d’abord, la suprématie du FLN était prévisible, à telle enseigne qu’aucun autre parti n’ose la lui contester. Or, tous les observateurs prédisaient une victoire écrasante, au vu de l’assurance débordante affichée par son secrétaire général mais aussi au vu du discours officiel – alarmiste et offensif – reproduit par un gouvernement largement acquis au parti majoritaire. Ce qui était moins prévisible, c’était la montée du RND qui, avec 97 sièges, prouve qu’il demeurait incontournable sur la scène politique mais, surtout, dans la composition du futur gouvernement. Ahmed Ouyahia renforce ainsi sa position dans le sérail. Ce succès démontre aussi que la vague de dissidences enclenchée ces derniers mois contre l’actuelle direction n’a eu aucun effet sur son essor. C’est aussi le résultat d’une campagne soutenue menée à travers le pays, avec un discours «protectionniste» et critique vis-à-vis du gouvernement.
Arrivés en troisième position, les islamistes ont encore une fois raté une occasion de se positionner en partenaires incontournables dans le prochain gouvernement. Car, dans la logique même des alliances qu’ils avaient tissées quelques mois avant le rendez-vous électoral, ils voulaient préparer le terrain à une participation au gouvernement en position de force. Les résultats relativement importants obtenus par l’alliance du MSP (33 sièges, avec le Front du changement d’Abdelmadjid Menasra) vont à peine permettre à Mokri de constituer un bloc d’opposition au Parlement. Cela dit, cette percée notable est moins le résultat d’une œuvre collective que celui d’un activisme forcené de son chef dont la seule aspiration est visiblement de continuer à demeurer l’interlocuteur privilégié de la confrérie des Frères musulmans dont son parti est membre actif.
Dans le camp islamiste, on notera, enfin, le recul de TAJ d’Amar Ghoul qui, à vrai dire, n’a pas été une surprise. Son bilan catastrophique à la tête des ministères qu’il a dirigés ces sept dernières années et le manque d’emprise sur un électorat islamiste qui s’est idéologiquement radicalisé ces dernières années n’ont pas joué en sa faveur.
Le grand cafouillage est dans le camp des «démocrates». Les faibles résultats obtenus par le PT (13 sièges) ne reflètent guère les ambitions de ce parti qui a clairement perdu des plumes dans ses démêlés avec des pontes du régime. Sa remuante présidente, Louisa Hanoune, n’a plus la verve qui distinguait son parti.
Le recul du FFS (14 sièges) est peut-être l’unique surprise de ce scrutin. L’offensive qu’il a menée depuis plusieurs mois, à travers des meetings et des conférences ininterrompus, dans le cadre de sa campagne pour «un consensus national» s’est avérée sans effet sur le terrain. Même l’utilisation ostentatoire du capital symbolique que constitue la figure de son leader historique lors de la campagne électorale n’a été d’aucun secours pour ce parti. Ce recul peut être dangereux, dans un sens où le terrain qu’il a perdu, notamment en Kabylie, son fief traditionnel, peut être facilement exploité par les radicaux du MAK, qui se réjouissent déjà du fort taux d’abstention enregistré dans les wilayas de Tizi Ouzou, Béjaïa et Bouira, et des troubles qui ont émaillé le scrutin dans certaines localités de cette région.
Avec 9 sièges obtenus à Tizi Ouzou, Béjaïa et Alger, le RCD confirme, lui aussi, sa dégringolade, même si ses dirigeants justifient ce faible résultat par le nombre limité de listes présentées à ces élections (13). Avec ce score, le parti de Mohcine Belabbas est peut-être sauvé d’une disparition que d’aucuns lui prédisaient après le départ de son chef fondateur mais il ne peut plus prétendre être le rempart au danger du MAK.
R. Mahmoudi
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