Libye : une crise sans issue ?

Par Sadek Sahraoui – Le règlement de la crise est en bonne voie, mais rien n’est cependant encore gagné. Il se peut même qu’il prenne encore un peu de temps. Les raisons sont évidemment nombreuses. Bien que le Premier ministre du Gouvernement d’union nationale, Fayez Al-Sarraj, et le commandant en chef de l’Armée nationale libyenne, le maréchal Khalifa Haftar, aient fini par se mettre d’accord, début mai à Abu Dhabi, sur la nature des amendements à apporter à l’accord politique du mois de décembre 2015, les deux responsables ont encore bien des écueils à surmonter avant de crier véritablement victoire. D’abord, il faudra à chacun «vendre» à ses alliés le deal.

L’exercice ne devrait pas constituer un gros problème pour Khalifa Haftar, dont le camp est assez homogène et où tout le monde est à peu près d’accord sur la dynamique enclenchée à Abu Dhabi. Après tout, si Khalifa Haftar a accepté d’y rencontrer Fayez Al-Sarraj, c’est parce qu’Aguila Salah, le président de la Chambre des représentants, l’a voulu. Le feu vert a, d’ailleurs, été donné au chef de l’ANL pour rencontre le Premier ministre du GNA juste après la rencontre de Rome entre ce même Aguila Salah et le président du Haut conseil d’Etat, Abderrahmane Swihli, qui s’étaient entendus pour aller de l’avant dans l’opération de révision de l’Accord politique inter-libyen.

Non, le problème se situe beaucoup plus à l’Ouest, où certains alliés au Gouvernement d’union nationale, et non des moindres, font encore de la résistance. Ils ne voient pas pourquoi ils donneraient une partie du pouvoir qu’ils détiennent au maréchal Khalifa Haftar et plus généralement au gouvernement de Tobrouk. Parmi ces alliés, il est possible d’y recenser tous les partis et les milices qui gravitent autour de la galaxie locale des Frères musulmans. Mais il n’y a pas qu’eux qui voient d’un mauvais œil le deal que Tripoli et Tobrouk sont sur le point de conclure.

Les Frères musulmans et leurs milices ont, d’ailleurs, manifesté leur grand mécontentement juste au lendemain de la rencontre d’Alger des pays voisins de la Libye, au cours de laquelle le ministre libyen des Affaires étrangères, M. Siyala, a donné aperçu des changements qu’entraînera la révision de l’Accord inter-libyen. Selon toute vraisemblance, l’idée (suggérée par Siyala) de voir le maréchal Khalifa Haftar devenir le chef de l’Armée nationale libyenne unifiée déplaît au plus haut point aux Frères musulmans dont le parti forme l’armature du GNA.

C’est la raison pour laquelle de nombreuses voix à se sont aussitôt élevées à Tripoli pour demander le départ de Siyala. C’est que le grand bras de fer politico-militaire qui oppose Tripoli à Tobrouk cache une autre grande confrontation. Celle-là met aux prises les Frères musulmans aux Salafistes qui eux ont choisi de soutenir Khalifa Haftar. Et pour Belhadj et ses alliés, il n’est pas question de les voir accéder au pouvoir, encore moins les voir contrôler les futurs appareils sécuritaires du pays.

C’est pourquoi si rien n’est fait dans l’immédiat pour rassurer les Frères musulmans et leur faire comprendre qu’ils ne seront pas perdants dans le deal conclu à Abu Dhabi, il est peu probable que Haftar et Al-Sarraj se voient la semaine prochaine au Caire, comme l’annonce la presse arabe, pour signer l’acte de naissance du nouvel accord politique inter-libyen. Et cette fois, ni l’Egypte et encore moins les Emirats arabes unis ne pourront rien pour débloquer la situation pour la simple raison qu’ils sont honnis à l’Ouest.

S. S.

Comment (2)

    Dziri dz
    15 mai 2017 - 22 h 10 min

    Conflit libyen
    L’équation politique libyenne est on ne peut plus complexe. L’article a bien identifié les enjeux de ce drame et ses principaux acteurs libyens. Mais il n’insiste pas sur les facteurs exogènes au conflit. Dans ce contexte, Il est évident que, comme dans le reste du monde arabo-musulman, la plupart des régimes et même de leurs opposants ne sont rien sur le terrain de la confrontation armée sans le soutien politique, militaire, financier…de forces étrangères qu’elles soient régionales ou internationales et plus précisément occidentales. Comme tout conflit qui a pris une proportion internationale, celui de Libye n’échappe pas a cette logique. De même, le plus souvent, l’interférence de forces et de puissances étrangères rivales, complique l’équation et retarde l’aboutissement a une solution politique négociée du conflit. Dans ce contexte, la scène libyenne est parcourue de courants et d’intérêts antagoniques. Trouver la ligne médiane qui mène a la paix est souvent une gageure, y compris pour les Nations Unies. Alors parler des Frères Musulmans libyens comme l’obstacle majeur a la paix en Libye, comme le laisse comprendre le commentaire d' »Erracham », c’est omettre sciemment de prendre en considération les condition dans lesquelles s’est déroulé ce conflit et le rôle ou la participation de cette frange de libyens. Quelque soit leur vision rétrograde de la chose politique, il n’en demeure pas moins qu’ils constituent une force politique et surtout militaire qui ne peut être éradiquée par le seul envoi contre elle d’un détachement militaire. Autour d’eux vivote une nébuleuse d’illuminés fanatiques, et imperméables a tout dialogue. Ils constituent véritablement le danger contre la paix en Libye et ailleurs. C’est pour cela que toute approche devrait intégrer et cerner cette catégorie d’acteurs politiques pour isoler les plus extrémistes en attendant mieux. Pragmatisme contre dogmatisme égal réalisme. Il est connu qu’il est plus facile de déclencher une guerre que d’aboutir a la paix. Les dirigeants libyens, les pays voisins de la Libye et le reste de la communauté internationale en sont conscients.

    Erracham
    12 mai 2017 - 22 h 50 min

    Ainsi font, font, les petites marionnettes…
    L’article identifie bien les empêcheurs de tourner en rond, les FM, mais il ne dit rien de ceux qui les manipulent, les puissances occidentales. Les islamistes ne veulent pas de paix ni de stabilité en Libye; ils feront tout pour faire capoter tout accord inter-libyen, au grand bonheur de leurs parrains qui se pourlèchent les babines en attendant de faire main basse sur les ressources du pays. Les islamistes algériens jouent la même partition musicale, ils sont aussi dangereux que tous les autres mouvements qui prennent leurs ordres de Ryad qui prend lui-même ses ordres de Washington qui obéit à Tel Aviv. Je nous croyais vaccinés, mais ne voilà-t-il pas que notre président fait appel à l’un d’entre eux pour entrer au gouvernement! Est-il conscient du danger qu’il fait courir au pays? « Alea jacta est » !(les dés sont jetés!), Ce n’est pas de la stratégie, c’est du qmar!

Les commentaires sont fermés.